Mademoiselle Ashley.

Nanaah

"Pourquoi le malheur s'acharne sur moi ? Non, là, c'est trop. Je n'en peux plus. "Parfois c'est celui qui a causé le malheur qui va le réparer...

Je me nomme Ashley Stanton. J'ai quinze ans et j'habite en France, à Paris. Je suis d'origine algérienne. Mon père m'a toujours dis qu'il était né en Algérie tout comme ma mère. J'ai les cheveux longs jusqu'en bas du dos, noirs, un peu crollés, et une frange qui tombe sur mes yeux bleus. Je ne suis pas du tout bronzée, en réalité, j'ai la peau très claire. Je suis plutôt petite, je mesure un mètre soixante par rapport aux autres filles qui font presque deux mètres. J'exagère peut-être, mais en gros, je me sens petite.

Mon réveil indique six heures du matin. Les yeux encore fatigués, je me lève doucement et ouvre ma fenêtre. Un beau soleil s'est installé dans le ciel depuis peu. Un ou deux nuages sont aussi présents, mais pas de quoi en faire un orage. Je souris et prépare mes vêtements. J'attrape ma veste en cuir, pour commencer. Je me choisis un pantalon bleu clair, et un tee-shirt noir à courtes manches. Je me dirige vers la salle de bain où j'enfile mes habits. Je me regarde dans la glace et, à l'aide d'une brosse à cheveux, je démêle soigneusement ma longue chevelure. Je décide de faire une simple queue-de-cheval. J'allume mon téléphone et observe l'écran. Il est marqué six heures quarante-cinq. J'allais rater le bus ! En vitesse, je mis mes baskets et pris un pain au chocolat.

A la gare, j'ai retrouvé mon meilleur ami, Alexis Dubois. Il est blond et des yeux noisette lui mangent le visage. Son sourire ravageur fait craquer toutes les filles. Nous nous étions embrassés sur la bouche. Ce n'est pas mon petit copain, mais se faire un bisou comme les amoureux était un rituel entre nous, et tous les élèves de mon lycée l'ont compris. Mais aujourd'hui, il était beaucoup plus passionné par ce rituel, car toutes les dix minutes, il me demandait un bisou et me regardait avec l'air d'un chien battu. Je ne lui résiste pas, alors évidemment j'accepte que nos lèvres fusionnent plusieurs fois.

J'avais avalé la couque au chocolat en quelques secondes. Le bus était rempli, et il n'y avait qu'une seule place de libre. Alexis s'est assis et m'a poussée vers lui. J'ai fait le voyage sur ses genoux. Je trouvais ça gênant, les personnes présentes dans le bus se tournaient vers nous et chuchotaient entre elles. Mais pour mon meilleur ami, c'était une autre sensation. Il me serrait la taille, me faisait des bisous dans le cou, et caressait ma jambe. Heureusement, le trajet s'est très vite achevé.

Les cours se sont bien passés, en fait, Alexis n'est pas dans ma classe, nous nous voyons seulement à la cantine. Il est midi, j'arrive à la cafétéria. Je ne prends rien, comme d'habitude, car je suis anorexique. Je ne suis pas assez maigre pour moi, alors dès que j'arrive chez moi je me fais vomir pour perdre du poids. Je m'assois comme d'habitude près de ma cousine Natacha et de son copain Philippe. Comme à chaque fois, ils me regardent et me demandent pourquoi je ne prends rien à manger. Et, comme à chaque fois, je leur dit que je n'ai pas faim, car j'ai grignoté avant l'heure de table.

Mais cette fois-ci, mon meilleur ami est arrivé et s'est installé près de moi. Il m'a juste dit « Rendez-vous aux toilettes pendant le cours. Tu n'as qu'à dire que tu as tes règles et on te laissera partir. »

Assise à mon bureau, je me levai doucement et avançai vers le prof. C'était une femme, heureusement, car je n'oserais jamais dire à un homme que j'ai mes règles, même si c'est faux.

Elle me sourit et me laissa partir. Je sortis en me tenant le ventre, comme si j'avais mal, mais en réalité, j'avais une boule dans mon ventre. Après avoir fermé tout doucement la porte et monté les escaliers, je me dirigeai vers les toilettes. Alexis m'y attendait. Il m'attrapa les mains et m'embrassa.

« Ashley, j'ai un truc important à te dire.
- Bah, vas-y, dit le.
- En fait, depuis quelques temps, j'éprouve des sentiments plus qu'amicaux envers toi…»

Là, je reculai de quelques pas. Il me regardait de ses yeux si ravageurs, mais je ne me laissais pas faire. Je n'aurais jamais cru être la copine de mon meilleur. Et puis, j'ai quelqu'un d'autre en vue… En effet, depuis la rentrée, Angelo Drakut me plaît beaucoup, et vice-versa si l'on croit les rumeurs. 

Mais je ne pouvais pas expliquer cela à mon meilleur ami alors qu'il venait de m'avouer ses sentiments envers moi !

« Désolée, Alexis, mais tu dois comprendre...Je n'éprouve pas les mêmes choses à ton égard...»

Il se figea, comme s'il était choqué, puis il marcha en direction de sa classe, comme si tout ceci ne s'était pas passé. Je me mis à sangloter, à nous détester, moi et ma franchise. J'aurai dû y aller plus doucement avec lui, mais j'ai comme l'impression que plus simple, ça n'existait pas.

En entendant mes pleurs, il se mit à courir, comme pour m'effacer plus rapidement de sa vie. Quant à moi, je m'abandonnai à la tristesse absolue et me dirigea vers les toilettes. Je m'observai dans la glace. Mon reflet si joyeux était désormais remplacé par un visage triste. Mon mascara si bien appliqué coulait le long de mes joues. Mes yeux bleus si perçants avaient perdu de leurs éclats, ils n'étaient plus aussi vifs qu'avant. Car maintenant s'est détaché d'avant, je ne redeviendrais jamais comme avant.

Voilà bientôt trente minutes que je pleure. J'ai pensé à quitter ce monde en sautant dans la piscine de l'école. Mais à cette heure-ci, une femme de ménage s'y trouve et pourrait vite me repêcher. J'ai opté pour plusieurs solutions de ce genre, comme par exemple fuguer de l'école et me suicider...

Le miroir. Je l'agrippai, essayant vainement de le détacher. Après quelques instants de réflexion, je compris que je ne pourrais jamais l'enlever de son support. Je repris ma position d'avant, assise en dessous du robinet, les genoux repliés.

 

Je louche sur un objet particulier. J'aurai dû y penser plus vite. Je repris espoir et m'avançai pour ramasser cette chose. Un taille crayon. J'entrepris de dévisser la lame, mais je n'ai pas le matériel nécessaire. Poussant un soupir, je tentai quand même d'arracher la lame du taille crayon à mains nues. Objectif atteint. Je fis glisser la lame de gauche à droite. Le frottement est un peu désagréable, mais le sang qui coule me fit directement du bien. Mais ce moment de bien-être fut de courte durée. Une fille toqua à la porte et entra sans tarder. Quand elle vit mon bras en sang, elle l'attrapa et le passa à l'eau.

«  La prof m'a demandé de venir te chercher. Même si je ne te connais que de vue, je te trouve trop sympa pour avoir le besoin de se mutiler.
- Tu promets de ne rien dire à personne ? C'est tout ce que je te demande.
- Tu peux être sûre que je tiendrais cette promesse. Je m'appelle Léna Lechemin.
- Enchantée, moi c'est Ashley Stanton. »
Je pris des morceaux de papier toilettes que j'enroulai sur mon bras. Je remis correctement la manche de mon tee-shirt et essayai de paraître naturelle. J'accompagnai Léna jusqu'à la classe. Devant la porte, je soupirai puis entrai, tenant la porte pour ma copine. Elle passa le seuil et inventa une excuse bidon pour moi. Je tournai mon regard vers mon bureau et vis qu'un garçon était assis à côté de ma place. Je failli m'évanouir quand je compris que c'était Alexis. Toute tremblante, je me dirigeai vers ma chaise et m'assis en prenant garde de ne pas laisser paraître ma douleur au bras. Alexis m'observa puis griffonna un mot qu'il me passa :
« Dsl pr tt à l'eur, je c pa ce ki m'a pri. » Moi qui aime l'orthographe, je fus dégoûtée de cette écriture. Je ne répondis pas.

J'étouffais dans mon pull, mais si je l'enlevai on pourrait voir mon bras.

Lorsque la cloche sonna, j'emballai mes affaires dans mon sac et filai à la vitesse du son dans le couloir. J'attrapai ma veste. La porte qui me libèrerait de cet endroit se trouvait à cinq mètres au maximum. Je me dépêchai mais une main se glissa rapidement dans la mienne. En me tournant je compris que c'était Alexis. Je lâchai un soupir exaspéré et tentai vainement de me libérer. Il m'enlaça, me fit un gros câlin et me dit « A demain ma poulette. ». «Poulette » était un mot qu'il aimait dire pour parler de moi.
Heureusement, il n'a pas vu mon bras. Mais dans le bus, là où il y a une centaine de personnes coincées dans un même véhicule, là où la chaleur abonde, je serais obligée d'enlever mon pull.
Je courus jusqu'à l'arrêt de bus et priai pour qu'il arrive avant Alexis. Mes prières furent exaucées et je grimpai dans le bus en trois secondes. J'allai au fond, là où  il n'y avait personne, et enlevai mon pull. Mon regard se posa sur mon bras meurtris, et ma main fouilla ma poche à la recherche de la lame. Mon meilleur ami, si je peux encore dire ça, est arrivé à ce moment-là. Je rangeai l'objet coupant dans ma veste et tournai mon bras, de sorte que l'on ne puisse rien voir.
« Tu as l'air pressée, ça va ?
-…
- Je ne sais pas ce qui m'a pris, pour tout à l'heure.
-…
-S'il te plait, excuse-moi !
- Je descends là. »
Je franchis les portes coulissantes du bus rapidement et, sous le regard attristé d'Alexis, je remis ma main dans ma poche.

C'est devenu une addiction. Je trace une dizaine de traits chaque soir. Mes bras cicatrisent doucement, mais les traces sont trop voyantes. Aujourd'hui, comme tous les matins, je choisis mes habits en fonction de mes cicatrices.
Je pris un simple débardeur rose saumon et un pantalon bleu troué. Je mis une double dose de fond de teint sur ma peau, et enfilai un gilet noir. Une dizaine de bracelets entouraient mes bras, mais les cicatrises se voyaient à travers. Après m'être habillée, je m'observai dans la glace. Je repensai à avant, quand j'avais un corps parfait, quand mes yeux étaient encore vifs et qu'ils exprimaient ma joie de vivre. Maintenant, on peut remarquer mes frêles jambes en dessous de mon pantalon. Je soulevai délicatement mes habits et regardai mon ventre dans le miroir. Mes côtes sont tellement voyantes qu'elles pourraient transpercer mon corps.
Je mis des boucles d'oreille pendantes en forme de têtes de morts, sur lesquelles j'ai fait graver « I'm Alone » ce qui signifie « Je suis seule. » Car oui, je me sens seule, perdue dans ce vaste monde.

Je défis mes tresses et brossai vigoureusement ma chevelure. Mes cheveux noirs étaient ondulés, ce qui, je trouvai, faisait très beau. Je ramenai ma chienne en arrière et l'attachai.
Au lycée, après avoir déposé mon sac en bandoulière bleu à côté de celui de Léa, je fis un gros bisou à celle qui comble le vide immense en moi qu'a causé la brouille entre Alexis et moi.
« Coucou, ça va ? »
Une question banale, où tout le monde répond « oui ». Mais quelqu'un comme moi qui déprime va-t-il affirmer aller bien ? De toute façon, on découvrira bien vite son humeur par rapport à ses gestes, sa voix, l'éclat de ses yeux…

« Non. Et toi ? 
-Moi, je vais bien. Je sais pourquoi tu ne vas pas bien, Ash, mais sache que je suis toujours là pour t'aider. Et que si Alexis t'aimait vraiment, il reviendrait vite vers toi en s'excusant. »
La sonnette nous interrompit. Lorsque nous reprenions notre sac, on ne vit pas notre prof du matin, Madame Delrue. Léa et moi échangions un regard triomphale ; cette maîtresse était détestée de tous à cause de sa cruauté et de sa méchanceté.
« Chers enfants de troisième secondaire, j'ai le malheur de vous annoncer que madame Delrue est absente. Elle a eu un accident de voiture, mais ce n'est pas très grave, d'après les médecins, nous annonça le directeur. Vous allez monter dans la salle d'étude et déposer vos sacs. Puis vous resterez dans la cour le temps qu'un autre professeur puisse vous garder. Néanmoins vous ne pouvez pas quitter l'école. Mademoiselle Stanton et mademoiselle Lechemin, dans mon bureau. »
Tous les élèves, y compris Alexis, nous observèrent. Nous nous regardions avec étonnement, puis nous dirigions vers la salle d'étude afin de déposer nos sacs.

« Je me demande qu'est-ce qu'il nous veut, le directeur.
-On a dû faire une bêtise, la dernière fois que j'ai été appelée, j'avais mis de la peinture dans l'eau de la piscine.
-Toi, faire une connerie ? On aura tout vu. »
Nous marchions jusqu'à la porte du bureau du directeur. Je toquai, et Léa ouvrit la porte. Le vieil homme leur fit signe de s'assoir sur les deux chaises en bois en face du directeur.
« Je vous ai appelées pour que vous m'aidiez. Voyez-vous, ce vendredi, la fête de l'école se déroulera. Mais peu d'élèves en sont au courant. Il y aura des boissons, de la musique, en bref, tout ce qu'il faut pour une fête. Il y aura aussi des karaokés. Mais seulement pour les élèves de troisième secondaire.

-Que doit-on faire ? demanda Léa.

-J'y venais, dit le directeur. Je vais vous donner une centaine de prospectus indiquant l'heure et la date de la fête. Vous devrez faire passer ces prospectus, et pour cela, je vais vous donner les clefs des casiers des élèves. Mais pas de vol ! Juste déposer ces papiers dans les casiers, refermer, et c'est tout ! Je vous fais confiance, les filles. Revenez dès que vous n'aurez plus de prospectus ou lorsque vous avez fini. »

Nous sortions du bureau chargées des invitations.

« Il y a près de deux cents élèves en troisième secondaire. », me dit Léa.

J'opinai de la tête avant de me diriger vers mon casier.

« Autant nous mettre une invitation dans notre casier, pour commencer. », dis-je. Après avoir correctement refermé nos armoires, je me tournai vers ma compagne.

« On va se séparer, on ira plus vite. Les troisièmes secondaires sont à cet étage-ci, alors tu vas à gauche, moi je continue à droite. On se retrouve en face de ton casier quand on a fini. »

Sur ce, je commençai ma tournée. J'ouvrai les armoires, j'enfournai une invitation dedans et refermai. Je tombai sur celle d'Alexis. Tremblante, je répétai les mêmes actions que pour les autres casiers. Quand j'ouvris le sien, je découvris une multitude de papiers sur lesquels étaient écrit en grand « Ash », « Ma poulette », ou encore « Mlle Stanton ». J'entreposai un prospectus dans son casier et pris délicatement un texte qu'il avait écrit. La cloche retentit à ce moment-là. Je lus en vitesse la première phrase : « J'ai déçu ma meilleure, je l'aime tant. » Je refermai l'armoire et regardai le reste des invitations à donner. J'avais quasiment fini. Je pris ce tas et me dirigeai vers le casier de Léa.

« Hé, Léa, tu ne devineras jamais ce que j'ai trouvé ! », Criai-je dans le hall. Tous les élèves se retournèrent vers nous, alors je continuai, tout bas : « Je te le dirai dehors ». Elle me fit signe de déposer les prospectus restant dans son casier qu'elle ferma à clé.

Nous marchâmes dans le couloir, faisant la jalousie des autres classes qui devaient rentrer dans leurs salles respectives. Une fois sûres que personne ne traînait, nous nous dirigeâmes à pas de loup vers la porte du hall qui grinça quand nous l'ouvrîmes.

Une fois dehors, j'exécutai la roue en signe de joie de pouvoir sortir alors que les autres travaillaient. Alexis sortit au même moment, alors j'entraînai ma meilleure amie près du goal. On avait retiré le filet, et nous pouvions accrocher nos mains à la barre en fer pour nous balancer. Après avoir refait la roue, j'attrapai la barre en fer et me hissai jusqu'à ce que je puisse m'asseoir dessus. Je donnai la main à Léa pour qu'elle puisse me rejoindre.

« Alors, qu'as-tu vu ? Me questionna-t-elle.

-Je faisais le casier d'Alexis quand j'ai vu une multitude de papiers avec mon prénom dessus. J'ai lu la première phrase de l'un des textes. Il disait… »

Je fus interrompue par un garçon qui grimpa agilement pour nous rejoindre. Je me tournai vers lui, en voyant bien que Alexis nous surveillait.

«Qu'est-ce que tu veux ?

-Ceci. »

Il m'approcha et me pris la tête entre ses mains chaudes. Il m'embrassa avant que j'ai pu protester. J'entendais Alexis ronchonner, peut-être rêvait-il que ce soit lui, à la place du parfait inconnu en face de moi ? Pour lui faire comprendre que je voulais tourner la page, je me levai doucement et me rapprochai du garçon en face de moi. Nous interrompîmes le baiser pour reprendre notre souffle, et nous descendions du goal. Il me prit la main et m'emmena aux escaliers menant vers le hall. Il s'assit dessus.Il me poussa sur ses genoux, et reprit le bisou. Je voyais bien que cela mettait Alexis mal à l'aise.
« J'ai vu qu'entre toi et lui, dit l'inconnu en pointant Alexis du doigt, ça ne va pas. Du coup j'ai pensé que cela le mettrai en colère que je t'embrasse. J'espère que tu ne m'en veux pas.
-Non, ne t'inquiète pas, je ne t'en veux pas. Tu t'appelles comment ?
-Angelo Drakut. Et toi c'est Ashley Stanton. D'après les rumeurs, tu aurais des sentiments plus qu'amicaux pour moi ? »
Mon sang se figea dans mes veine. Comment ai-je pu ne pas reconnaître Angelo, celui que j'aime ?
« Et à ce qui paraît, toi aussi ? »
Il hocha la tête et me regarda de ses yeux verts. Il me  prit la main et déposa un léger bisou sur mes lèvres.
« Donc, on peut se considérer comme un couple ?
-Oui, répondit-il, excuse-moi de t'abandonner ainsi, mais on m'appelle pour le foot. Je t'aime, Ash.
-Je t'aime Angelo. »
Je me relevai et marchai calmement vers Léa, que j'avais laissée poireauter sur le goal. Elle paraissait en colère.
« Désolée, Léa, ce n'était pas prévu. Tu me pardonnes, j'espère ? 
-Non, Ash, je ne te pardonnerai jamais.
-Quoi, juste parce que je t'ai laissée seule quelques instants ?
-Non, je t'en veux car tu m'as pris celui que j'aime. »
Non, ce n'est pas possible ! Léa aussi a un petit faible pour lui ?
« Léa, on s'est embrassé, je ne savais pas que tu l'aimais aussi.
-Mais Ashley, enfin, tu ne voyais pas qu'à la cantine il me regardait MOI ? S'emporta Léa. Quand tu disais que tu avais des papillons dans le ventre quand tu le voyais, tu ne comprenais pas que ça me mettait mal à l'aise ?
-Léa, je m'en fous de qui il regardait à l'heure de table. Tu n'avais pas l'air mal à l'aise, pourtant, tu me disais qu'on formerait un beau couple ! Il faut savoir, Léa.
-Tu m'as pris Angelo, et bien moi je vais me venger. Et tout de suite.
-J'attends de pied ferme ta vengeance. »
Sur ce, elle se dirigea vers Alexis et lui parla tout bas. De temps à autre, le jeune homme me regardait. Et là, je compris. La traîtresse lui avait tout dit. Mon secret. Je marchai vers la grande porte que je poussai en vitesse. J'entendis des pas derrière moi, mais je ne me retournai pas. Je franchis la porte des toilettes des filles et m'enfermai dans une cabine. De grosses larmes coulaient déjà le long de mes joues. On toqua à la porte que j'avais fermée à double tour.
« Ash, excuse-moi, je t'en prie, je ne pensais pas que tu te mutilerais pour ça. Ouvre-moi ! »
Je regardai le plafond. Une corde y était accrochée, ne me demandez pas pourquoi. Je montai sur la planche des toilettes et détachai la corde. Je fis un nœud coulissant avec et le mit autour de mon cou.
« Ashley, si tu ne m'ouvres pas, je vais appeler ton copain. »
Je sanglotai en silence, et m'apprêtai à sauter de la cuvette pour mettre fin à mes jours. Puis je repensai à Angelo, qui m'aimait, à ma famille, au peu d'amis que j'ai. Je soupirai et enlevai la corde de mon cou. Je pris un morceau de verre dans ma poche et le frottai contre ma peau. Une plaie s'ouvrit rapidement, laissant le sang s'échapper de mon corps. J'ouvris doucement la porte de ma cabine et me dirigeai vers le robinet, ne prêtant pas attention à Alexis qui s'était assis contre le mur. En voyant mon bras ensanglanté, il se releva et accourut vers moi.
« Ash, je ferais n'importe quoi pour que tu sois heureuse.
- Mon seul bonheur, c'est de sentir le sang couler sur ma peau, dis-je, la voix cassée.
-Arrête Stanton, je t'en supplie. Tu ne fais que te détruire intérieurement.
-Comment pourrai-je arrêter ? C'est devenu une habitude. »
Une voix résonna dans tous les couloirs ainsi que dans les toilettes.
« C'est la fin des cours, rentrez chez vous ! »
J'adressai un faible sourire à Alexis.
« Tu vois, je suis heureuse. C'est ce que tu voulais, non ? »
Je montai les escaliers et pris mon sac de cours. Je redescendis et ouvris mon casier. Il y avait tous mes dessins, dedans. Je dessine à mes heures perdues. J'allai refermer quand un papier attira mon attention. Je le pris entre mes doigts. Je reconnus l'écriture italique d'Alexis.
« Ash, je peux te reprendre, si tu veux. »
Je me retournai vers cette voix familière. En voyant Angelo, je ne pus m'empêcher de sourire.
« Oui, bien sûr. »
J'enfournai le papier dans ma poche et refermai mon casier. Mon copain glissa sa main dans la mienne. 

Le trajet fut rapide. Angelo déposa un baiser délicat sur mon front avant de repartir chez lui. Je franchis la porte et la fermai à double tour. Mes parents travaillent jusqu'à vingt-deux heures. Ils vont de Belgique à France tous les matins et reviennent tous les soirs. Ils prennent environ trois heures pour l'allé et une demie heure en plus pour le retour.
Je pris une douche froide et me fit un banal chignon. Je mis mon pyjama. C'était une robe de nuit bleue clair toute simple. Je tartinai mon bras d'une crème pour les cicatrises et allumai mon ordinateur. Il était cinq heures et demie. Je pensai au repas que j'allais me préparer avant de me dire que j'allais peut-être inviter Angelo pour partager une pizza avec moi. Je me connectai sur hotmail et vis que j'avais reçus un mail de ma mère :
« Coucou ma puce, la voiture est en panne et personne ne veut nous conduire en Belgique. On ne dormira pas à la maison ce soir. Bisous »
Je répondis par un simple « ok » et allai voir ce qui se passait sur Skype. Je changeai mon statut en « Au programme : Pizza et peut être dormir dans les bras de mon chéri ? J » et informai Angelo du programme du soir :
« Coucou ! Mes parents ne rentrent pas à la maison ce soir, tu veux venir dormir chez moi ?
- Ash', j'aurai trop aimé mais je dois garder ma petite sœur, mes vieux sortent en boîte.
-Ah, nul. Bon bah à demain. »
J'allai me déconnecter quand Alexis m'envoya un message :
« Coucou Ash, je me demandais si on pouvait discuter de cette journée… à vive voix.
- Oui, mes parents ne sont pas là et tu habites tout près. Sans problèmes.
-Okay, à tout de suite alors. »
Je fouillai les armoires et le congélateur en quête d'une pizza encore fraîche. J'en trouvai une aux quatre fromages, une de mes préférées. J'entendis la sonnette de la porte se déclencher. D'habitude, mon chien Rouky se met à aboyer, mais là, il semble dormir. Ce chihuahua croisé york-shaire n'est pas un bon chien de garde.
« Salut Alexis, entre. »
Je reculai pour le laisser rentrer. Je refermai la porte à clef et mis la pizza dans le micro-onde.
Je m'assis sur le divan et invita le jeune homme à faire pareil.
« Alors, de quoi veux-tu parler ?
- De tout. Ecoute-moi, s'il te plaît, ne m'interrompe pas. Au début, oui je t'aimais amoureusement, puis j'ai compris que toi, tu regardais Angelo avec des cœurs dans les yeux. Alors, j'ai voulu abandonner. Mais je ne pensais pas que tu te ferais du mal pour ça. Quand Léa me l'a dit, j'ai été choqué. Je me suis dit : Elle, faire ça, pour moi ? Ash', je ne veux que ton bonheur. Si tu l'aimes, alors je disparaîtrais de ta vie pour laisser Angelo combler ta vie.

- Tes paroles m'ont touchées, Alex'. Je… »
Je fus interrompue par mon portable. D'un signe de tête, je m'excusai auprès d'Alexis pour ce dérangement et décrochai.
« Salut Angelo. Oui, et toi ? Non. T'inquiète c'est une pote. Non, elle me fait la tête je pense. Je m'en fous. C'est elle qui te l'a dit ? T'es sérieux ? Genre ça lui plaît pas que je sors avec toi du coup elle se venge. Elle l'a dit à Alexis. Non, je te dis que c'est une fille qui se trouve chez moi. Elle est aux toilettes pour le moment. Bah vas-y, fais-le. Tchao mec. »
Je posai mon gsm sur la table basse du salon et sortis la pizza du micro-onde.
« Sers-toi.
- Je ne veux pas paraître indiscret, mais dans ton couple, tout se passe bien, il n'est pas violent avec toi ?
- On va dire qu'on fait une pause pour le moment. Non, il est plutôt sympa.
- Tu as beaucoup changé.
- On a tous changé, Alexis.
-Non, je veux dire, tu as maigri. Très.
-Je sais.
- On peut se reconsidérer comme meilleurs amis ?
- Oui, je crois. »
Nous dévorions de grandes bouchées de la pizza. Je montrai la salle de bain à Alexis qui fila se laver. Moi, j'allumai la télé. J'avais complètement oublié le papier que j'avais trouvé dans mon casier. J'ouvris mon sac et repris le fameux papier. Ce que je lus me mis dans une atroce colère.
« Tu es trop grosse. » Pas de doute, c'était l'écriture d'Alexis. Je reposai le papier sur la table et m'assis dans le divan. Mon meilleur arriva à ce moment-là, en caleçon. Je rougis discrètement. Un morceau de verre en main, je taillai la peau de mes jambes distraitement.
« Ash, arrête de massacrer ton corps. »
Alexis me pris mon arme et la jeta par la fenêtre. Je restai immobile, les yeux dans le vague. Puis je dis au jeune homme :
« Je ne me sens pas bien, je vais peut-être vomir. »
Il me lança un regard qui voulait dire : « Oui, bien sûr, et les poules sont mauves et dansent le gagnam style ? »
Je me dirigeai vers les toilettes mais Alexis me retint.
« T'es parfaite, Ashley, ne maigris pas encore. Tu vas en crever.
- Ah bon, parfaite ? Et ce mot, que j'ai trouvé dans mon casier, ça veut dire quoi ? » Je pointai le mot sur la table. Alexis le prit et le lut, puis il me regarda.
« Pas de panique poulette, Angelo m'avait demandé d'écrire ce mot pour lui. Je ne pensais pas qu'il le mettrait dans ton casier. »
Sur ce, il me fit un gros câlin. Je ne pus résister à son charme, alors je ne réagis pas quand il m'embrassa.

Signaler ce texte