mademoiselle rachel épisode deux
anakronique
Mademoiselle Rachel épisode deux
Lorsque le rabbin séfarade a baptisé mademoiselle Rachel, il n’a pas dû prononcer les bonnes formules, parce que, ci tôt les derniers langes envolés, elle s’est émancipée du milieu familial,
Direction le premier lupanar au bout de la rue, question pratique avec un hareng à la taloche facile, CAP en cinq leçons, des débuts prometteurs dus à ses généreux avantages et hop en maison.
De clac en clac, au final chez madame Janine.
Je l’ai rencontrée pour la première fois quelques jours avant les Pâques, devant le salon de thé D’Armet Maglaouien en compagnie de mademoiselle B, et je fus comme Bernadette devant sa grotte, plus qu’une seule envie, la retrouver. J’ai remué tous les bistrots du conté, tous les indics du patelin, pour l’apercevoir fugitivement devant son clandé.
Une idée folle : la revoir, l’aborder, lui parler. Et depuis mademoiselle Rachel est devenue ma muse, à chacun de ses départs je me morfonds dans mon angoisse en attendant son retour, parfois je me crois minable, mais comment changer quand tout se liquéfie dès que je ne suis plus dans ses bras?
Mademoiselle Rachel avec son physique de miss Picardie aurait pu travailler dans les meilleurs bordels de la capitale ; non, elle a toujours préféré rester au perroquet rouge, oh pas pour moi, j’aurais bien aimé ; Mais pour son frère chéri, l'aîné d’une fratrie de quatre.
Le malheur de sa triste vie.
Moshé : libertaire et humaniste, mort prématurément d’un raccourcissement de tête en place publique, sur ordonnance d’un petit juge de province, au motif de poseur de bombe notoire, chez un notaire qui avait subtilisé le peu de terre qu’il restait à une famille d’honnêtes cultivateurs la corde au cou.
Moi j’aurais plutôt appelé cela : rétablissement d’équilibre, ce ne fut jamais l’avis du juge cochon, qui finit sa triste vie assassiné par deux enturbannés, à la sortie de son appartement rue de la paix..
La légende raconte que ma bien-aimée aurait payé les acolytes pour occire l’accusateur en chef, et c’est, très bien ainsi, personne n’ayant pu établir un lien entre les trois sbires , mademoiselle Rachel ne fut jamais inquiétée.
Il en resta autour d’elle, une certaine aura, qui aujourd’hui encore fait peur au pire des macros de la rue braquant, ce qui lui apporta une liberté totale dans son travail de fille de joie, elle devint une maîtresse femme..
Une fois dans la semaine, je l’accompagne sur la tombe de son frère adoré, à deux pas du perroquet, elle y a fait installer par le meilleur des sculpteurs du pays, un marbre blanc d’une beauté à vous donner envie d’y être allongé pour le restant de l’éternité, sûr qu’il est aux petits oignons là-dessous le frangin y manque de rien , le carrare est fleuri du premier au trente et un .
Ça lui coûte un œil à la Rachel, mais rien à faire, elle rince gratos au bistrot du coin, chez Marcel, pas mal d’anars du pays, qui viennent en pèlerinage sur la dalle maudite, invoquer la foudre sur les nanties, et cette république sans nom, c’est pour dire son grand cœur reconnaissant pour les causes perdues.
Et c’est là devant la plaque mortuaire, à l’endroit ou repose son seul amour, qu’elle redevient une jeune fille en pleure, alors je l’écoute me raconter ses malheurs, ses bonheurs, sa douleur d’avoir perdu celui qui lui a tout appris, je la regarde, sa tête posée sur mon bras encore musclé, et je suis bien, oui je suis bien.....