Magdalena Ch.36
loulourna
37-Magdalena Ch.38
Amélia était intarissable. Elle parlait avec excitation des gens charmants présentés par David Marantz. Tous l’avaient accueilli chaleureusement, lui avait donné un tas de renseignements utiles et notamment une école, deux rues plus loin, ou elle pourrait apprendre l’hébreu. Erna, ravie, l’écoutait en silence. L’inquiétude persistante depuis leur départ d’Allemangne, son grand souci, le bien-être d’Amelia, ne l’accablait plus. Erna aurait voulu crier à haute voix : ouf ! ouf ! ouf ! Elle se contenta de sourire, prendre Amélia dans ses bras, l’embrasser.—Tes amis, c’est très bien, mais pense que tu es maman.
Quelle étrange maladie, pensa André, en se rasant devant le miroir du cabinet de toilette contigu à la chambre que lui avait préparé Amélia. Il naviguait entre plusieurs perceptions, des émotions qu’il n’avait jamais ressenties, l’amour, la peur, la joie, la tristesse. Était-il dans la peau d’un amoureux transi ? Il situait exactement le moment exact des premiers symptômes. Le bateau, c’était sur le bateau lorsqu’il avait vu la jeune femme, sans savoir que c’était elle. Il était tombé amoureux d’une jeune inconnue qui s’appelait Erna. Il y a une semaine, son esprit libre ne pensait qu’à son travail. Aujourd’hui, toutes ses pensés n’allaient que dans une direction : Erna., il se traitait de demeuré pour s’être conduit comme un gamin. —Pourquoi m’être précipité comme je l’ai fait. Quelle femme me prendrait au sérieux ? oui, mais je n’aurais pas agi de la sorte avec n’importe quelle femme. Il se remontait le moral en se disant que ce qui était fait était fait. Il soupira. Sourit devant la glace.— On fond, voilà ce que je suis : un soupirant. Après avoir tapoté ses joues avec une eau de toilette et enfilé une chemise propre il prit son courage à deux mains, il rejoignit les deux femmes.
Erna l’attendait dans le living, Amélia venait de partir. Devant le sourire de la jeune femme, toutes ses craintes s’évanouirent. Le jour déclinait. Erna le convia à monter sur la terrasse voir la ville au crépuscule. Ici et là, quelques étoiles, les plus brillantes, apparaissaient dans le ciel. Ils restèrent un long moment silencieux à contempler la progression d’une multitude de points lumineux dans le ciel. Ils étaient toujours silencieux lorsque sur Jaffa Road ils pénétrèrent dans la brasserie “ Old Vienna “ . Lorsqu’il avait demandé à Erna quels étaient ses goûts, elle avait répondu, --- tu te débrouilles. Puis à nouveau le silence.
L’ambiance un peu vieillotte, très vieille Europe centrale, était chaude et agréable. Un violoniste sorti d’un autre âge jouait des valses lentes. Le maître d’hôtel pensant avoir affaire à des amoureux les plaça à une table d’angle assez discrète. Ils commandèrent le dîner et burent un verre de vin blanc frais. De temps en temps le musicien se déplaçait vers une table et jouait une mazurka ou une polka d’un air inspiré.
---je comprends pourquoi tu m’as emmené ici. Tu voulais créer une ambiance romantique.
André rougit, se défendit d’avoir eu une telle idée.
--- je te taquine.
André sursauta. Une sensation de chaleur envahie tout son être lorsqu’Erna lui prit la main.
--- Maintenant je vais te répondre à ta petite confession de toute à l’heure. J’ai 20 ans. J’ai des projets, des tas de projets. En premier lieu, mes études et faire quelque chose de ma vie, pour moi-même... pour ma mère. Elle n’a malheureusement pas pu concrétiser ses ambitions...pour Amélia aussi. Je sais qu’elle voit en moi le prolongement d’Ethel...c’est ainsi que s’appelait ma mère.
André figé écoutait silencieux.
---Je sais aussi ce que je ne veux pas. C’est d’être une femme au foyer avec une ribambelle d’enfants... peut-être plus tard... et pas une ribambelle. Je ne suis pas venu ici pour ça.
André sortait lentement de sa paralysie et voulu protester.
Erna l’en empêcha ---Non ! je n’ai pas fini. À part quelques petits copains, je n’ai pas vraiment apprécié les fréquentations masculines. Ils étaient trop transparents. Elle sourit,--- Toi aussi tu es transparent, mais il se trouve que j’ai beaucoup de sympathie pour toi. Ne changeons rien à nos plans et laissons venir. Si quelque chose d’autre est possible entre nous, nos sentiments nous le diront. André voulu protester, il ouvrit la bouche pour lui dire qu’il était certains de ses sentiments. Erna ne lui en laissa pas le temps.
---je ne veux pas entendre que tu es certains de tes sentiments, si tu m’as aimé dès que tu m’as vu sur le pont du Negba, appelle ça comme tu veux mais ce n’est pas de l’amour. Tout au plus un coup de foudre. Alors dînons sans arrières pensées et comme on dit chez nous en Angleterre : Wait and see.
André aurait eu du mal à vivre un non catégorique. Son cœur un moment affolé se calma. La réponse d’Erna laissait la porte ouverte à tous les espoirs. Pendant toute la conversation la main d’André était restée dans celle d’Erna. Cela n’avait pas échappé aux regards de notre violoniste qui s’étaient rapprochés de leur table et le visage réjouit jouaient avec beaucoup d’application un air du siècle dernier; « Allons voir sur la Tamise.» En souriant, Erna retira doucement sa main. André foudroya le musicien du regard.
Les quelques jours suivants passèrent très vite. La présence d’Erna suffisait au bonheur d’André. En parlant clairement elle avait libéré André de ses tourments. Ils visitèrent les ruines de Massada : forteresse construite sur une falaise à pic de 400 mètres dominant le désert figé de Judée. Pendant qu’Erna contemplait le prodigieux paysage de cette terre infinie sous un soleil lumineux, André lui raconta l’extraordinaire résistance et le sacrifice au premier siècle de notre ère de 967 zélotes, nationalistes extrémistes contre 15000 romains.
Erna s’amusa beaucoup en se baignant dans la mer morte. Certaines des statues de sel sculptées par la nature ressemblaient à des personnages figés depuis que Dieu fit tomber sur Sodome et Gommorrhe une pluie de soufre et de feu et transforma ses habitants en statues de sel. Puis par Beer Sheva ils remontèrent au nord jusqu’à Saint Jean d’Acre.
Ils déjeunèrent dans un petit restaurant arabe de la vieille ville. En construisant les remparts, impressionnants par leurs épaisseurs les croisés n’imaginaient pas qu’ils provoqueraient un drame quelques centaines d’années plus tard. Non, ils ne pensaient pas que ces murs interdiraient à Napoléon de prendre la ville en 1799. Il en fit le siège pendant 2 mois, en vain. Lorsqu’il prit la fuite, il abandonna 200 blessés au monastère des Carmes de Haifa. Ils furent tous massacrés par les Turcs.
Jeudi, soir en arrivant à Tel Aviv, Erna téléphona à Judith, comme elle l’avait promis. Judith n’eut pas beaucoup de mal à convaincre Erna de rester deux jours à Magdalena avant de rejoindre Jérusalem.
Ils quittèrent le petit hôtel que connaissait André, dans une rue calme et ombragée pas loin du square Dizengoff. Ils se dirigèrent vers la rue Levinsky par l’avenue Rothschild, ou prédominaient des maisons style Art Déco, protégées par une végétation luxuriante.
Erna était émerveillée,---C’est magnifique.
---Il faut remercier Adolphe Hitler ; sans les architectes juifs du Bauhaus, qui après l’avènement du nazisme en 1933 émigrèrent en Palestine nous aurions du mal à imaginer Tel Aviv aujourd’hui. Ils ont construit beaucoup de maisons et de petits immeubles dans le centre-ville, c’est ce qui lui donne son caractère actuel. Il la prit par le bras.---Viens, nous allons prendre un café à une terrasse de la rue Sheinking. Le style y est encore différent, plutôt italien des années 20.
Erna sourit, ---Tu es un vrai guide touristique. Tu as appris ça hier pour m’en mettre plein la vue.
---Tu me vexe.
---Ne ne le soit pas, tu expliques très bien, her Professeur.
Ils se promenèrent toute la matinée dans des rues calmes et ombragées, traversèrent le marché Carmel, pour rejoindre Jaffa. Erna s’extasia devant les étals colorés, achalandés de fruits, de légumes qu’elle voyait pour la première fois.
Avant d’arriver à Jaffa, ils retirèrent leurs chaussures et marchèrent dans le sable fin d’une plage à perte de vue.
---Tu sais ce qu’on va faire demain ?
---Non, répondit André.
---Rien, nous n’allons rien faire du tout. Nous allons passer la journée à la plage.
Magdena bâtie sur d’anciens marécages débarrassés définitivement de la malaria en 1947 était un kibboutz axé sur la recherche agronomique. Dès qu’on avait passé le portail on avait l’impression de pénétrer dans un autre monde.
Des grands arbres donnaient de l’ombre à l’avenue centrale qui desservait des allées transversales ou une végétation luxuriante, parsemée de fleurs odorantes protégeaient 150 bungalows, autant de foyers pour les familles vivant et travaillant en ce lieu. Judith s’était précipitée, dès qu’elle entendit le bruit de la voiture d’André. Joseph retint Judith par le bras, en lui conseillant la prudence pour le bébé. Les deux jeunes femmes, heureuses de se retrouver, se serrèrent dans les bras. Joseph s’approcha, --- Ainsi donc je peux enfin contempler l’objet de toutes les pensées de ma femme. Régulièrement j’ai le droit...que dis-je... l’obligation d’entendre Erna ceci, Erna cela. Si tu as un trou de mémoire sur ton passé, pose-moi des questions, je dois en savoir autant que toi. Il la prit dans ses bras et l’embrassa chaleureusement.
--- Je n’y manquerai pas. Ton passé non plus n’a pas de secret pour moi.
En remontant vers la maison, Judith, pris d’un côté le bras de son mari et de l’autre le bras d’Erna,---Je te prends à témoin, c’est moi qui suis enceinte et pourtant on dirait que c’est Joseph qui va accoucher.
---Comment trouves-tu la future maman de mes enfants ?
---Resplendissante. S’adressant à Judith, --- Tu as tort de te diminuer. La maternité te va très bien.
---Je ne me diminue pas, c’est mon mari, ou André qui me diminuent. Ils me considèrent comme une génitrice.
André riait à gorge déployée,---C’est notre premier enfant.
Judith se redressa,---mon premier enfant. Elle se retourna vers Joseph qui riait de concert. ---Et toi abruti tu n’y es pour presque rien.
Joseph en mettant le bras autour des épaules de sa femme, lui dit en riant,
---Remarque que tu n’as encore rien pondu, mais ça ne t’empêche pas d’être une très belle future maman.
Judith mine de rien observait Erna, puis André, puis de nouveaux Erna. Ils étaient détendus et leur sourire serein l’énervait. Elle n’arrivait pas à voir dans leur comportement un signe lui permettant d’aller dans une direction ou une autre. Que c’était-il passé durant cette semaine ? Vendredi, après le départ d’André. Judith avait tout raconté à Joseph, qui avait plaisanté en disant, --- Attention ! je ne permettrai pas à n’importe qui de mettre le grappin sur André...comme toi tu as fait avec moi.
---Tu n’y es pas du tout, c’est André qui voudrait bien mettre le grappin sur Erna.
Ils s'étaient amusés en disant, --- Dans une semaine nous saurons.
Joseph attira André,--- Vient m’aider, nous allons préparer des boissons pour ses dames.
Dépitée, Judith les vit partir vers la cuisine. Elle se dit que son mari serait le premier à savoir.
Lorsqu’ils revinrent avec du jus d’orange et des verres sur un plateau elle interrogea Joseph du regard qui fit mine de ne rien voir.
Tout le monde parla gentiment de choses et d’autre. Judith se leva brusquement en disant,--- Je vais préparer le dîner. André, tu me donnes un coup de main ?
Erna se leva, ---Je viens t’aider, moi.
--- Non, tu ne bouges pas. Tu es mon invitée. André a l’habitude de nous aider.
Dans son sillage, André suivi Judith,---Décidément ils ne peuvent rien faire sans moi.
Dans la cuisine, Judith se retourna brusquement, --- Alors ?
---Alors quoi ?
---Ne fait pas l’andouille, tu sais bien de quoi je veux parler.
--- Bien sûr que je sais de quoi tu veux parler. Tu es sur de charbons ardents depuis notre arrivée.
Il lui raconta sa formidable semaine et particulièrement leur conversation au restaurant.
Judith l’embrassa sur les deux joues,--- Cela mettra un peu de temps, tu es sur la bonne voie.
En fait cela mit beaucoup moins de temps que l’on imagine. André raccompagna Erna à Jérusalem et retourna à Magdena.
Erna, une semaine avant son entrée à l’université se familiarisa avec ses livres de droit international et d’économie politique.
Judith allait accoucher le mois prochain. Les deux amies restèrent en contacte par téléphone. La conversation était surtout axée sur le futur bébé et sur le comportement protecteur de Joseph. Pas un mot sur d’André. Il avait demandé à Judith de garder le silence à son sujet. --- Elle sait que je l’aime et je ne peux pas faire beaucoup plus que de ne pas la harceler.
Lors d’une de leurs nombreuses conversations la seule évocation à André fut. --- Prépare-toi à venir bientôt. N’oublie pas qu’André et toi vous êtes les parrains de mon enfant.
Erna n’avait jamais été amoureuse. Ce n’était ni dans son tempérament, ni son caractère de se jeter à la tête d’un homme. Elle devait s’avouer qu’au fond d’elle-même, elle ressentait pour André autre chose que de l’amitié. Elle avait passé une excellente semaine et avait surtout apprécié l’attitude respectueuse, chaleureuse sans concupiscence de son guide. Erna se demandait si André était-il bien l’homme qu’elle s’imaginait ? Ah ! si ma mère pouvait me conseiller. Elle avait en mémoire chaque mot de sa lettre. Une phrase concernant son père avait suscité un intérêt particulier. << Ton père...je ne peux même pas employer ce mot. En ce temps-là l’Allemagne était en proie à la folie.>> Ce qui voulait dire, qu’elle n’était pas mariée et que sa naissance n’avait pas été voulue. Tout ce qu’elle savait par Amélia, c’est que sa mère bien trop respectueuse des traditions ne couchait pas à droite ou à gauche. Les événements de l’époque l’avaient donc conduite à un comportement singulier et c’est comme ça qu’elle était là. Amélia lui avait toujours dit qu’elle ignorait tout de son père. Elle n’en croyait rien, mais sa maman avait dû lui faire promettre de ne jamais en parler. Amélia avait déployé la planche à repasser et défroissait le linge pendant que le fer chauffait.
---Que penses-tu d’André ?
--- Il est amoureux de toi.
---Tu as remarqué ?
--- Oui, moi aussi j’ai remarqué. C’est tellement clair que c’est inscrit en lettres de feu sur son front.
--- Pourquoi ? moi aussi.
---Ton amie Judith s’en est aperçue aussi vite que moi, c’est-à-dire dans la voiture en quittant le port.
--- Mais pourquoi tu ne m’as rien dit ?
--- Je laissais faire les choses et j’observais.
--- Tu ne m’as toujours pas dis ce que tu pensais de lui.
Amélia repassait consciencieusement, prit son temps pour dire.
--- Je pense que c’est un garçon bien.
Subitement Erna se souvint que Judith avait incité André à lui servir de guide. Probablement que lorsqu’elle l’avait attiré dans sa cuisine à Magdena c’était pour savoir comment cela, s’était passé.
--- C’est quand même un peu fort. Tout le monde m’épie comme si j’étais un cobaye.
À brûle pourpoint, d’un ton sec, elle dit, --- Amélia, j’aimerais que nous organisions ensemble le travail de la maison. Tu n’es pas ma gouvernante, ni ma femme de ménage.
---Bientôt tu vas commencer tes cours à l’université. Tu veux que je reste à la maison à ne rien faire ?
---Tu peux aller voir des amis, te promener... ou faire autre chose.
--- Rester les bras croisés par exemple. Ne passe pas ta rogne sur moi. Penses-tu vraiment que je te laisserais faire une bêtise sans d’abord te mettre en garde ?
Erna la prit dans ses bras--- À l’avenir lorsque tu t’aperçois d’une chose me concernant, aurais-tu l’amabilité de m’en parler ?
Le soir même Erna téléphona à Judith.
--- Je sais que je ne suis pas rapide et j’ai mis un certain temps à comprendre. Ne serais-tu pas en train de jouer les entremetteuses ?
--- Loin de moi cette pensée. Je vous aime trop tous les deux. Lorsque j’ai vu le comportement d’André il ne fallait pas être grand devin pour saisir ce qui se passait. Alors je me suis dit ; ma petite Judith tu ne peux pas laisser André sombrer dans la déprime parce qu’il est amoureux de ta meilleure amie. Alors j’ai provoqué les événements. Ainsi tout dépendait de toi ; soit tu le remettais à sa place et il aurait fini par guérir, soit tu l’encourageais. Pour te dire la vérité, vous connaissant bien tous les deux, si votre relation devait évoluer heureusement, je n’en serais pas mécontente. Si je ne t’en ai pas parlé c’est que je voulais que de toi seule vienne la décision. Voilà tu connais mes raisons.
---D’accord, j’accepte tes raisons. Comment va ton futur bébé ?
--- Ca y est tu as pris le virus. Toi aussi tu t’inquiètes du bébé au lieu de t’inquiéter de la mère. La pondeuse va bien et le futur rejeton aussi.
Erna s’amusa beaucoup, --- Il est normal que je me fasse du souci pour mon futur filleul.
Elles rirent toutes les deux au téléphone.
Après avoir raccroché elle se promit de parler à André dès que possible.
Il ne fallut pas attendre longtemps et l’initiative vint d’André. Il lui téléphona pour lui dire que son travail l’amenait à Jérusalem et qu’il serait là lundi. Il lui demanda si elle voulait bien déjeuner avec lui au restaurant universitaire.
Su oui, il venait la chercher vers 11h30.
Ce fut oui.
Lundi arriva très vite. 11h30 également. Erna était dans une impasse. Même si elle avait envie dans une relation avec André, elle visualisait les difficultés à venir. Lui à Magdena, elle à Jérusalem. Pour la première fois de sa vie elle avait une difficile décision à prendre. Elle n’en avait pas reparlé à Amélia. Comme le lui avait dit judith cela ne dépendait que d’elle. Elle en était toujours au même point lorsqu’André sonna à la porte. On verra bien se dit-elle en allant ouvrir. La décision à prendre serait d’autant plus difficile que lorsqu’ils se retrouvèrent face à face elle comprit à quel point elle tenait à lui.
André souriant lui dit tout simplement,--- On y va ?
Le chemin de l’université fut silencieux. Arrivé sur le parking du campus Erna demanda, --- Que viens-tu faire ici ?
---Cela va dépendre de toi.
---Comment de moi ?
--- J’ai rendez-vous à 13h30 avec le directeur et la réponse que je vais lui donner repose sur toi. Marchons un peu si tu veux bien ? Voilà, dire que je tiens à toi est un euphémisme. Alors j’ai une décision importante à prendre.
--- Soit un peu plus clair, pour l’instant je ne comprends pas.
André arrêta et se tourna vers Erna, ---Veux tu m’épouser ?
Erna stupéfaite regarda André avec de grands yeux. Pour la première fois de sa vie elle fut complètement déstabilisée...troublée,--- Mais tu sais bien que c’est difficile...tu connais mes projets...même si je suis attirée par toi, je ne me vois pas aller vivre à Magdena.
--- Suppose que ce problème soit résolu, quelle serait ta réponse ?
---Je ne sais pas... Je pense que je verrais peut-être la chose différemment.
--- Peut-être ou sûrement ?
--- Donne-moi des détails sinon je ne réponds pas.
--- Comme je te l’ai dit j’ai rendez-vous avec le directeur. Il y a quelques mois j’ai reçu une lettre de l’université me proposant un poste d’assistant en agronomie. À l’époque je n’étais pas sûr de vouloir. J’avais demandé du temps pour y réfléchir avec 90 % de chance de refuser. Mon travail à Magdena me semblait plus important. Aujourd’hui tout est différent. Si tu me dis oui, j’accepte.
Erra se trouva à bout d’argument. Ce qui la laissa sans réaction. Puis sans avertissement préalable son cœur se mit à battre plus vite. ---il faut que je réfléchisse.
--- Tu as jusqu’à13h30.
--- il faut que j’en parle à Amélia.
--- Je veux d’abord ta réponse, ensuite nous verrons avec Amélia.
Je ne sais pas...nous n’avons même jamais flirté ensemble...nous ne nous sommes jamais embrassés.
André était face à elle, très proche. --- C’est une lacune facile à combler. Il la prit dans ses bras et l’embrassa doucement, délicatement en lui caressant les cheveux. Erna eut tout à coup envie de répondre à se baiser. André ivre d’amour et de bonheur lui prit la main. Aucun mot ne pouvait qualifier l’instant présent. Ils se sourirent et se dirigèrent silencieusement vers le restaurant. Erna éprouva une sensation nouvelle. Le trop plein d’amour et de sensualité sous-jacente affleura de l’intérieur de son être. Elle serra tendrement le bras d’André. Avant d’ouvrir la porte à deux battants, il l’écarta doucement et lui laissa le passage. ---Il faut que je fasse attention, je vais bientôt être professeur ici et toi tu n’es qu’une élève.
Ils rirent tous les deux et s’installèrent à une table.
---Ne bouge pas, je m’occupe de la nourriture terrestre. Tu n’as pas le choix, c’est plat unique.
Erna se sentait légère. Elle était tout simplement heureuse. André revint avec deux plateaux qu’il posa sur la table. Le début du repas fut silencieux, puis au même moment Erna et André ouvrit la bouche pour parler.--- Toi d’abord, dit André.
--- Non, toi, dit Erna.
Bien ! dit André, ---Tu te souviens de notre conversation au Old Vienna ?
---Oui, bien sûr. Je t’avais dit que je n’étais pas mûr pour une aventure sentimentale.... mes études d’abord.
--- En effet...c’est exactement de ça que je veux te parler.
Erna, d’une voix légèrement soupçonneuse, --- je t’écoute.
---Je vais tout faire pour t’aider à poursuivre tes études. Tout ce qui est en mon pouvoir je vais le mettre à ta disposition pour que tu puisses travailler sereinement. Deuxièmement, tu n’as toujours pas répondu à ma question.
--- Quelle question ?
--- J’ai toujours pensé que lorsque je demanderais la main d’une femme, le plus beau moment serait son —oui—. Alors je veux l’entendre de ta bouche. Veux-tu m’épouser ?
Oui... mais ne me bouscule pas, je viens à peine d’arriver. Nous allons prendre notre temps.
--- Pas de oui...mais. Simplement oui.
--- Oui.
--- Maintenant quel est le mais ?
--- Il n’y a pas de mais.
---C’est toi qui décideras de la date.
Erna resta d’abord silencieuse, heureuse de voir qu’elle ne s’était pas trompée sur l’homme assis en face d’elle.
Elle lui prit la main, --- Ca va pas mal chambouler ta vie. Tu vas être obligé de déménager à Jérusalem. Ils ne vont pas t’en vouloir à Magdena ?
---Je continuerai de m’occuper de Magdena. J’en ai parlé avec la direction. C’est sans problème.
--- Et ton logement ?
--- Je vais obtenir une chambre sur le campus. Je pars ce soir pour Magdena et je reviens dans 8 jours.
--- Dis-moi, on dirait que tu avais tout arrangé, sûr de toi.
--- Non je n’étais sûr de rien. Mais si c’était oui, je voulais avoir réponse à tout.
Elle fronça les sourcils,--- Je suppose que Judith et Joseph sont au courant.
---Non, c’est toi qui leur en parleras quand tu voudras. Ils ne savent même pas que je suis à Jérusalem.
---Je t’autorise à tout leur raconter. Et puis non, je vais appeler Judith et ce soir je vais parler à Amélia. Je ne pense pas que ce sera une épreuve trop difficile.
Ce ne fut pas une dure épreuve. Le mariage d’André et d’Erna eut lieu à Magdena le jeudi 10 avril 1958.
A suivre...
Le redémarrage.
· Il y a plus de 13 ans ·yl5