Maille que vaille

Séverine Capeille

Il y a la vie qu’on a
Et puis la vie dont on rêvait
Il n’y a que ça

Dans cet écart, on tricote une existence
On fait des lignes de souhaits
Qui font mal quand on y pense

Côté cœur, côté droit
On dessine subtilement les regrets
Au point de croix

Maille que vaille
Croix qu’il en coûte

On brode parfois
Un espoir à la mode
On raccommode
On s’accommode

Rhapsode
Sédentaire

Décousu de l’intérieur

On compte pour ne pas se tromper
Un jour
Un mois
Une année

Les fils de l’enfance
Traînent
Et l’on se prend
Les pieds dedans

Les fils trahissent
Les silences aiguillés

Reprendre la rangée.

Il y a les mailles à l’endroit
Et les journées d’ennui
Il n’y a que ça

Dans cet écart, on tisse nos insolences
On fait des rayures sur l’uniforme
Pour briser la cadence

Maille que vaille
Croix qu’il en coûte

On voudrait inventer
Des motifs pour rattraper
Les rêves

Mais c’est fini

On ne fait plus de fleur
Autour des « i »
Que des points et des points
Très précis

On rapièce
On acquiesce

Psalmodie
Sacrificielle

Patchwork uniforme

On s’arrange pour ne pas y penser
Un jour
Un mois
Une année

Les fils de la pelote
De haine
S’emmêlent
Avec le Temps

L’ouvrage fait peine
Avec ses trous dedans

Reprendre la rangée.

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