Marguerite Térébenthine - Prologue 2 - La manifestation de la vie

pascaldinot

La manifestation de la vie... Ou comment la vie peut se manifester autrement qu'avec des banderoles et des odeurs de merguez grillées....

" Prométhée ???? Arrête de jouer avec ce briquet dans l'Olympe, tu vas finir par foutre le feu... " ZEUS (De l'infini à l'au-delà... et même plus loin d'ailleurs ! )


En général, les scientifiques exposés au problème de la définition de la vie, réduisent ce phénomène à sa plus simple expression. Ce sont les propriétés d'auto-réplication et d'évolution. D'un point de vue biologique, ces scientifiques considèrent qu'une cellule est l'unité de base de la vie. C'est parce qu'ils n'ont pas observé le phénomène d'auto-réplication et d'évolution avant la création d'une cellule. Donc, cette cellule duplique son matériel génétique et se divise, pour donner naissance à d'autres cellules. Celles-ci évoluent en modifiant ou  en subissant une modification de leur patrimoine génétique. Elles transmettent ensuite ce patrimoine génétique à leur descendance. Cette descendance interagit avec le milieu dans lequel elle évolue... Et ainsi de suite. C'est finalement la définition qu'a adoptée la NASA (National Aeronautics and Space Administration) pour définir la vie :

" La vie est un système chimique auto-entretenu capable d'évolution Darwinienne."

Nous voici donc à ce moment. Quand toutes les conditions du principe de la vie sont réunies. Le premier élément vivant est généré.

PAF !  ou Tadaaaaa !

Aussitôt, l'accomplissement des fonctions reproductrices et évolutives se met en marche. La manifestation de la vie, quel que soit sa nature, est une matière malléable, qui prendra forme en fonction des variations extérieures du milieu où elle se trouve. L'évolution peut lui faire prendre des directions très singulières, mais toujours en adéquation avec les conditions de son environnement. L'extraordinaire faculté de la manifestation de la vie est de s'adapter à tout : Circonstances, conditions, et environnements. Prenons exemple sur terre, la vie a été aquatique, puis terrestre et aérienne. Elle est infiniment petite et extravagamment grande. Et tout ceci a été créé à partir de la même matière, de la même "argile" originelle. En prenant des formes différentes, en explorant des directions différentes, la manifestation de la vie, par la diversité de ses espèces due à son évolution, a su conquérir la Terre.

Cependant...

Une espèce a évolué de manière radicalement différente :

- La nôtre.

Au terme de quelques centaines de millions d'années, toutes ces directions ont abouti à notre civilisation technologique. Unique en son genre.

Sommes-nous le fruit d'un pur hasard ?

La nature a-t-elle une intention délibérée de nous faire accomplir un ténébreux dessein ?

Mystère.

" Prométhée !!! Pose ce foutu briquet, sinon je vais me mettre en pétard ! "

ZEUS (Deus Ex Furax)

Personnellement, je suis convaincu que la technologie n'est pas un but mystérieux ou divin. Sinon, je suppose que la nature, si parfaite soit-elle, l'aurait codifié génétiquement, pour faire évoluer la manifestation de la vie dans ce sens. Très tôt, les premiers êtres peuplant la surface de la planète, se seraient dotés d'outils biomécaniques, afin de réaliser ce pour quoi la nature les a créés. Dans le but ultime d'assurer la reproduction et l'évolution. Or, seuls nos ancêtres, les Homo Habilis, ont laissée des traces que ce qu'ils ont créé. Les autres ayant laisser des traces de ce qu'ils ont été.

Il s'est donc déroulé un événement exceptionnel. 

Un événement qui a bouleversé le sens de la manifestation de la vie. Cet événement qui a propulsé, en un  laps de temps très court à l'échelle de la terre, des êtres primitifs vers une civilisation avancée.

" OH ???? MERDE !!! " Prométhée (Pyromane)

Si notre civilisation est devenue technologique, c'est que nous avions toutes les prédispositions physiques et intellectuelles pour y aboutir. Il ne manquait plus qu'une stimulation pour activer cette prédisposition. Tout commence approximativement il y a trois millions d'années avant notre ère. Quelque part entre la Mésopotamie et l'Irak actuelle. Homo Habilis vivait dans un véritable paradis luxuriant, offrant un habitat et de la nourriture à profusion. A cette époque, le climat de cette région était tempéré.

Au tout début et en ces temps reculés, Homo Habilis a encore des habitudes de primate. Il est plutôt grand par rapport aux autre congénères. Il n'a pas encore adopté complètement la bipédie. La station verticale pour se déplacer n'est pas une posture naturelle, pour un animal se mouvant plus rapidement sur quatre pattes. Quand il se dresse sur ses courts membres inférieurs, c'est pour surveiller les alentours, en positionnant la tête par-dessus les hautes herbes de la plaine. Cette attitude permettait la perception du danger à plus grande distance. Cependant, cela n'empêchait pas les attaques d'un énorme félin, apparenté au lion. Dès qu'un prédateur était repéré, le groupe, alerté par les hurlements de la vigie courait se mettre à l'abri en grimpant dans les arbres. Les Homo Habilis ne pouvaient pas faire autre chose que subir. Nos ancêtres n'étaient pas au sommet de la chaîne alimentaire, mais juste au milieu. Les prédateurs se délectaient de proies si faciles à attraper. L'Homo Habilis n'avait aucun moyen de se défendre à part donner l'alerte. Et pour donner l'alerte, il faut surveiller au plus loin en se positionnant à la verticale. La première phase d'un mécanisme qui a très certainement changé l'humanité toute entière, car pour la première fois, la posture "debout" libérait les mains et ainsi la préhension d'objet.

Même si je reste convaincu que la première chose que l'Homo Habilis a fait avec ses mains, c'est se masturber, avant de créer des outils.

Ce qui a précipité les choses, c'est justement ce moment crucial où nos ancêtres se sont retrouvés en danger. En danger de disparaître (aucunement à cause de la masturbation... )

Prenons un homo Habilis.

Nous allons l'appeler Jean-Luc.

Jean-Luc ne le sait pas encore, mais grâce à lui, le destin de toute l'humanité va basculer.

"ZEUS ? Tu sais où se trouve Poséidon ? J'ai besoin de beaucoup d'eau, là !"

Prométhée (BSPP)

Le voici cet événement exceptionnel. L'ancêtre de l'homme ne va plus subir son environnement. Il va en prendre pleinement conscience. Cette prise de conscience scelle définitivement le sort de toute la future lignée. Dorénavant, tout ce qu'il fera sera éclairé par ce qui vient de se passer dans son cerveau.

Il réfléchit.

Cette étincelle d'intelligence va embraser le monde. Désormais, ses réactions ne seront plus le fait d'actions instinctives. Il va inclure à son évolution, des éléments qu'aucun autre règne animal ne peut inclure : Méthode et organisation. Ses mains seront les extensions de son intelligence. Comme Prométhée, volant le "savoir divin", le feu sacré de l'Olympe, et le restituant aux hommes. Manque de bol pour Prométhée, il se fera gauler par Zeus. Zeus qui le condamnera à être attaché à un rocher sur le mont Caucase, tandis que qu'un aigle lui dévorera quotidiennement  le foie (avec des fèves au beurre et un excellent chianti....fft fft fft )

   

Bref, la flamme de humaine brillera sur le monde entier, sans aucun moyen de l'éteindre.  

L'événement fabuleux peut être narré comme suit :

- C'est le mois de juillet, il fait beau, nous sommes vendredi et il est midi.

Et je mets au défi les plus grands paléontologues, de me prouver que le fabuleux événement qui va se produire, ne s'est pas déroulé à midi. Malgré une chaleur étouffante, il souffle une légère brise sur la plaine. Jean-Luc est debout, grimpé sur un monticule de terre. Un poste d'observation idéal. Il repense à une femelle Homo Habilis.

Nous allons l'appeler Virginie.

Virginie est assise à l'ombre d'un arbre, au milieu d'un groupe d'autre Homo Habilis. Virginie observe les agissements de Jean-Luc du coin de l'œil. Car Virginie est perplexe. Une perplexité somme toute primitive, au sujet de Jean-Luc. Perplexité qui la pousse à entrevoir les choses sous un nouvel angle et en particulier, le rapport au sexe. Pour la reproduction de l'espèce, les Homos Habilis sont plutôt « Saute-au-paf », directs et sans nuances. Les préliminaires ne viendront que bien plus tard. Il ne s'agit pas de prendre du plaisir, mais d'assurer la survie de l'espèce par des réflexes instinctifs. Cependant, Jean-Luc a adopté une nouvelle méthode d'approche, qui a déconcerté Virginie. Jean-Luc, plutôt que de lui sauter dessus frénétiquement, a offert à Virginie des fruits savoureux et des orchidées sauvages. Cette dernière n'a pas su quoi en penser sur le moment. Les orchidées ne se mangent pas. Puis, Virginie a commencé à ressentir des sensations étranges. Sensations qu'elle n'avait jamais ressenties auparavant. Comme une irrépressible envie d'emmerder Jean-Luc. De lui casser les pieds. De devenir la seule chose à quoi il pense. Virginie se sent importante. Alors elle regarde Jean-Luc, debout sur son monticule de terre. Il a les « guibolles » qui tremblent. La position debout lui pèse, et pour cause. Il force sur ses membres antérieurs pour rapprocher ses genoux. Membres qui n'ont pas l'habitude de supporter verticalement, tout le poids de son corps. De plus, ses pieds ne sont pas correctement posés à plat sur le sol. Il surveille la zone d'attaque favorite des prédateurs, pour montrer à Virginie, qu'il est un mâle responsable. Pour voir au plus loin, il est obligé de s'étirer. Pour un Homo Habilis, sa boîte crânienne est encore osseuse et lourde. Ce n'est que bien plus tard qu'elle prendra sa forme définitive. Malgré la très forte luminosité, il ne cligne pas des yeux. Ceux-ci sont profondément enfoncés sous de lourdes arcades sourcilières. Ses bras pendent le long de son corps. Il observe. La légère brise souffle dans son dos et balaie les hautes herbes. Ce n'est pas évident de repérer un fauve quand toute la plaine est en mouvement. Le vent créer des remous en surface, comme sur une étendue d'eau. Il est distrait par Virginie et quitte quelques instants sa surveillance, pour lui adresser un doux regard, néanmoins primitif. Virginie lui adresse un timide signe de la main, un peu émue. Sous l'arbre, et autour d'elle, ses congénères Homos Habilis n'ont pas la même tenue, ni la même décence. Ce qui lui fait prendre conscience de son importante aux yeux de Virginie. Un de son espèce dort en vrac, à même le sol, positionné en étoile de mer. Il ronfle bruyamment, la bouche ouverte et la langue sur le côté. Un second tente vainement de se déloger un morceau de nourriture, coincé entre ses dents. Au début avec ses doigts, puis avec ses doigts de pieds. Puis avec les doigts de pieds du congénère endormi. Le reste du groupe s'occupe à des activités d'épouillage ou copule mollement, à cause de la chaleur. Certains se chicorent pour une raison totalement futile et se distribuent des tartes en criant. Jean-Luc retourne à sa surveillance. Le monticule est un bon poste d'observation, mais le vent qui souffle dans son dos éloigne les odeurs de son nez. S'il ne peut compter que sur un seul de ses sens, la vue en l'occurrence, il devra accentuer son attention. Il ressent une sensation étrange qui prend naissance dans son crâne et lui remonte au niveau du front. Jean-Luc ressent comme une démangeaison qui ne gratte pas. Par réflexe, il secoue vigoureusement la tête, puis d'un geste approximatif de la main, il tente de se débarrasser d'un parasite qui vient de prendre place sur son front. Pourtant, il n'y a aucun parasite. Il reprend son observation. Toujours rien à l'horizon. Sauf cette sensation frontale toujours présente, qui prend progressivement de l'ampleur, au point de le détourner de son activité de surveillance. Jean-Luc a maintenant l'impression d'avoir un hamster qui lui cavale à l'intérieur de la boîte crânienne, comme dans sa roue. A cette sensation très étrange, il réagit en s'enfonçant les trois phalanges de son index, au plus profond de son trou de nez, avec la ferme intention de l'attraper et de l'extirper par sa narine. Et puis soudain, plus rien. Il retire son index. Il le lèche. Un frisson d'inquiétude lui parcourt tout le corps et lui hérisse les poils. Quelque chose vient de lui parler. Une sensation unique et nouvelle. Il n'est plus tout seul à l'intérieur de sa tête. La chose étrange logée dans son crâne, lui demande de percevoir différemment l'étendue herbeuse s'étalant devant lui. Il ne comprend pas encore ce qu'il vient de ressentir. Son rythme cardiaque a augmenté. Pourtant visuellement, rien n'a changé. C'est sa conception de la plaine qui vient de changer. Son instinct lui intimait l'ordre d'en avoir peur, de la craindre. L'étincelle d'intelligence qui vient de jaillir dans son cerveau lui ouvre de nouvelles possibilités, de nouvelles perspectives et pour la première fois, des associations d'idées. Son regard n'est plus vide.

Jean-Luc vient de muer en être conscient.

Jean-Luc raisonne.

Cette sensation unique le relie immédiatement à la réalité de sa condition existentielle. Il se retourne et regarde le reste du groupe à l'ombre de l'arbre. C'est alors que notre Homo Habilis éclairé, constate pleinement que la situation de son espèce est désespérée, condamnée à servir de repas aux fauves. Il ne pense plus à l'instant présent, mais se projette dans une nouvelle dimension : l'avenir. Et s'il n'agit pas, cela risque de les mener inéluctablement à disparaître. Virginie aussi. Son instinct n'est plus seul à commander ses actions. De nouvelles solutions s'offrent à lui et, pour la première fois dans la vie d'un futur humain : Il a le choix.

Le choix de prendre sa destinée en main.

Au même moment, la brise légère se calme. Les hautes herbes cessent leur balancement et laissent apparaître un imperceptible sillon dirigé dans sa direction. Une odeur terrifiante lui parvient aux narines. Ça sent le fauve. Au sens propre comme au sens figuré. Même si la peur l'étreint au plus profond de lui, il se sent partagé entre deux sentiments. Son instinct lui intime l'ordre de déguerpir au plus vite en hurlant, tandis que son intelligence lui soumet des solutions.

Le fauve avance à pas feutrés. Ce prédateur affûté pour la chasse, est équipé de circonstance et sa puissance est sans égal. Approchant délicatement de Jean-Luc en rasant le sol, sa concentration est à son maximum. Il doit frapper vite et fort, pour ne lui laisser aucune chance. Comme d'habitude, il sera trop tard pour celui qui donne l'alerte, mais pas pour les autres. Cependant, Jean-Luc n'a pas envie de disparaître dans l'estomac du fauve. Il prend une décision. La première dans toute l'histoire de l'humanité. Le fauve est subitement perturbé par le choc de quelque chose tombant à terre. Sur sa gauche, puis sur sa droite, puis devant lui. Il redresse doucement la tête, les oreilles abaissées en arrière, pour juger de la distance à parcourir. Quand soudain, une pierre d'une bonne taille vient lui frapper le museau. Le fauve est perplexe, mais curieux. Au-delà de la douleur, c'est son orgueil que Jean-Luc vient de blesser. Il se dresse sur ses pattes et constate avec stupéfaction, que son casse-croûte est en train de lui balancer des pierres. Forcément, ça vexe. Les autres Homos Habilis sont attirés par l'agitation de Jean-Luc, mais sans prendre conscience du danger, car Jean-Luc n'a pas hurlé le cri d'alarme, ni montrer le moindre de signe de peur panique. Ils le rejoignent sur le monticule en suivant leur instinct. Plus particulièrement, un principe fondamental du comportement humain : le mécanisme de l'apprentissage par mimétisme. Les voici, imitant Jean-Luc, en lançant eux aussi, des pierres dans la même direction. Certes, ces derniers ne savent pas ce qu'ils font, mais ils démultiplient d'autant les projectiles en direction du fauve. Le prédateur abandonne sous la pluie de pierres et rebrousse chemin. Jean-Luc vient de comprendre. Ce qu'il tient dans sa main n'est plus une vulgaire pierre.

C'est une matière à exploiter pour en faire un outil.

L'outil de sa domination future.

C'est aussi le cas d'Abdelkader.

Abdelkader est pleinement conscient, lui aussi, de la situation désespérée de son espèce.

C'est un homme éclairé.

Il a l'outil ultime entre ses mains.

Un outil qu'il compte bien utiliser contre ses prédateurs.

Mais aussi pour la sauvegarde des siens.

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