Mariage à l’ancienne
Hervé Lénervé
L'église était bondée comme le métropolitain aux heures de pointe, pourtant elle ne vous transportait vers aucune station. Tout le village était venu pour célébrer l'union de deux jeunes tourtereaux du Pays. Tous avaient mis leurs plus beaux atours, sabots vernis pour les messieurs contre poulaines brodés pour les dames. Les coiffes pointues des femmes pointaient la voute de la nef. Le prêtre tout vêtu pour la circonstance d'ors et de lumières paradait comme une ballerine. Il prit la parole de son coffre caverneux avec l'écho des voix des Daft Punk.
- Toi, gente Cunégonde, veux-tu pour époux, prendre ce grand escogriffe de Thibault ? Ou préfères-tu, que ton bon Seigneur utilise son droit de cuissage, par avant ?
- Qui ? Notre Seigneur Jésus Christ ?
- Mais non ! Stupide femelle sans cervelle ! Le seigneur du comté, voyons, espèce de gourgandine !
- Quoi, le vieux conte ?
- Ben oui ! Pas le jeune con d'héritier.
- Non merci, mon père ! Je vais me passer d'être passé dessus par ce vieux débris.
- Un peu de respect ma fille, il assiste dans la croisée du transept.
- Je sais, mon père, je le sens d'ici, tellement il empeste le purin.
- Il est vrai que sa Seigneurie a un fort fumet.
Le seigneur en odeur, prend cela pour un compliment. Il se lève et clame haut du ton de celui qui ne craint rien des hommes.
- Je sens la fragrance des hautes terres, bruyères et noisettes, je ne sens pas mauvais, je sens fort, nuances !
- Fort mauvais, certes ! Lui réplique l'effrontée.
- Que nenni, mon enfant ! Vient dans ma couche, tu verras on s'y habitue.
- Il me faudrait des mois en habitudes avant que tu ne m'habites, vieux furet putoisé !
- Si tu parles de mon épée, sache qu'elle est encore fort vaillante dans les combats au corps à corps, bougresse !
- Tudieu ! La dernière vierge, que tu as tenté de déflorer, prétend qu'elle n'a rien senti, excepté ta puanteur de chacal.
- Parce que je suis doux comme l'agneau de lait, élevé sous sa mère.
- Non ! Parce que tu étais à côté ! Tu es tellement bigleux que tu l'as ratée de trois mètres.
- Il est vrai que mes yeux ne sont plus ce qu'ils furent !
- Ta bite, non plus ! Tu débandes avant même d'avoir bandé.
- C'est exagéré !
- Exagéré, mon cul, oui ! Ta verge est une vraie guimauve, le sucre en moins, l'odeur en trop !
Thibaut le promis, intervient.
- Calme toi ma douce ! Notre maître a toujours été bon envers ses gueux et clément dans ses sentences.
- Clément ? En ébouillantant les présumés coupables pour agrémenter la saveur de sa soupe dinatoire.
Traditions culinaires obligent, ma fille ! Intervient le goupillon toujours prompte à défendre l'épée.
Et pour faire son effet de pacotille, il écarte les bras en croix et les cierges alentour se reflètent sur ses bordures d'or et d'argent. Quelle superbe ! On dirait un toréador dans l'arène
Mais qu'entendons-nous ? On cogne aux larges portes de l'église et celle-ci ne résistent guère à ses coups de butor. Elles sont défoncées, volent en éclats et un taureau contrarié pénètre en furie dans la travée cherchant de toute part n'importe quoi à encorner d'urgence. Le curé a toujours les bras en croix, il aurait mieux fait de les croiser, mais a-t-on déjà vu un curé croiser les bras ? Non, n'est-ce pas ! Le taureau le voit et voit rouge, il écume, bat du sabot, baisse sa fourche et charge comme l'hippopotame qu'il n'est pas. Tout vole sur son passage, bancs volent, pénitents volent, Seigneur du vieux comté (sept ans d'âge) vole, curé vole ! Ma parole, c'est pigeon vole ! L'église est dévastée les saints piétinés, les idoles désacralisées, les tableaux lacérées et dans cette confusion, même le confessionnal partit en miettes, dévoilant par le fait, le vieil abbé en pleine confession avec un enfant de cœur bien confessé de toutes parts.
Quelles belles épousailles que furent ces épousailles-là ! Les rescapées s'en souviendront le reste de leurs jours à vivre. Que de souvenirs à conter le soir à la veillée aux flammes de la cheminée.
Ah, on savait se marrer quand on se mariait en ces temps-là, pardi ! Ventre saint gris !
On se croirait dans les visiteurs...
· Il y a plus de 6 ans ·arthur-roubignolle
Le premier opus, j’espère, car le second n’est que vilaine resucée. :o))
· Il y a plus de 6 ans ·Hervé Lénervé
Le taureau et les mariages, une histoire de riz d'après mon oncle Ben.
· Il y a plus de 6 ans ·yl5
Pas de pub ! Pas de pub !
· Il y a plus de 6 ans ·Hervé Lénervé