Mariage mixte lointain, après plusieurs enfants et autres futilités
Thierry Kagan
Avant de vous lire le petit texte tout à fait convenu que j'ai écrit entre deux Xanax, je dois vous confier la principale turlupinade – de turlupiner – qui, malgré mon absence totale de jalousie, me taraude en tous points depuis 25 ans maintenant et, particulièrement, en ce jour précis: Pourquoi Gustave… et pourquoi pas moi?
Ne répondez-pas, comme souvent… les réponses à mes questions me dépriment.
Voici donc mon texte.
Bien évidemment coquet, frais et très léger, comme attendu pour une telle circonstance. Un peu comme du Saint Môret… ce fromage à tartiner, finement salé, frais et… et léger.
En fait, je ne suis pas tout à fait sûr de l'image. Mais bon…
Pour ce… premier mariage de Gustave – de sexe considérablement masculin – et de Fabienne, de sexe terriblement complémentaire, j'avais eu, au départ, l'intention triviale de faire l'éloge de nos deux reproducteurs olympiques.
Bateau.
Même supertanker, au regard limpide:
– de leurs plastiques irréprochables;
– de leur preuve constante d'amitié sincère à mon égard et pas qu'à taux zéro sur 5 ans;
– et de l'organisation au cordeau dont nous profitons tous depuis des mois, par mails interposés, mails aux bénéfices presque aussi prometteurs que ceux vantant banques, assurances, voyages et pilules pour ne pas décevoir Madame, sa chèvre, Monsieur Seguin ou la serrure de la voisine.
Parlons d'abord de nous!
Avez-vous remarqué qu'à peine avons-nous été rassemblés en cet improbable endroit – convenez-en, qui n'a rien à envier à tout le contraire de la Porte Maillot un jour où les feux tricolores ne tricolent plus – que déjà, chacun a pu sentir la cohésion sans écueils
– du casting d'invités
– qui ferait baver
– n'importe quel ambassadeur gavé
– de Ferrero Rochers.
Bon!
Il manque, c'est vrai, quelques parents. Sans eux, tout ceci n'aurait pu avoir lieu.
Mais je ne vais pas remuer plus longtemps la carpe farcie dans le tajine : ayons une pensée tendre pour ces quatre-là qui ont fait Gustave et Fabienne, en des positions plus ou moins incongrues mais bien connues de chacun, sauf peut-être euh... de toi… et toi, mais incontournables pour sauver l'espèce… ou mieux dormir, ou passer le temps quand l'IPad est déchargé.
Mais je suis confus… j'ai semé le doute sur les intentions premières de ces indispensables aïeux.
Revenons à l'essentiel : Gustave et Fabienne nous ont été livrés, déballons-nous sans retenue.
Pour ce faire, une fois que chacun aura mis un pouce dans la bouche – et n'hésitez pas à prêter l'un ou l'autre à ceux qui n'osent pas – nous pourrons avouer, de concert, à ces deux êtres si positivement intégrateurs, notre désir collectif d'être langés, bercés, biberonnés et, entre toutes ces activités, d'êtreaccrochés à un paramoteur qui vrille faute de combustible ou conduit dans un Van Mercedes aux vitres et portes condamnées, alors que ses sept occupants ont faim en même temps et qu'il n'y a qu'un Finger Caramel à partager.
Que dire d'autre sur nous ?
Rien.
Aussi, comme j'ai si peu l'occasion de parler de ma personne en cet hémisphère-là, que mon amour propre, mon ego et moi -même avons décidé de suivre les recommandations de notre thérapeute, je vais évoquer deux / trois éléments clés me concernant.
D'une part, je dois beaucoup à Gustave.
Grâce à lui, gagner plus d'argent que mon prochain ne m'a jamais caressé l'esprit.
Non que la place soit déjà prise!
Mais être aimable, constant et indéfectiblement optimiste avec des clients est clairement au-dessus de mes forces. L'avantage est que j'ai peu d'amis, donc peu de cadeaux à faire… et à recevoir, d'ailleurs.
Et que je suis étonnamment tranquille, notamment aux alentours des tiers provisionnels: aucun appel à joindre des bouts qui ne sont pas les miens.
L'autre avantage est aussi qu'ayant choisi un métier sans patron, ni subordonnés, ni clients et quasiment sans salaire, je peux m'amuser au quotidien sans craindre d'être licencié – pour peu que mes élèves ne répètent à leurs parents ce que je leur raconte.
Par exemple, lorsque je fustige le racisme – et ici est bien l'endroit pour évoquer ce thème, puisque l'amour qui lie Gustave et Fabienne dépasse des religions dont on taira le nom, mais qui invitent carrément à ne pas trop déconner.
À mes élèves, donc, j'explique qu'il n'y a qu'un genre humain car, quel que soit le pédigrée des uns ou des autres, nous sommes tous compatibles.
Alors que si je voulais, moi, copuler avec une girafe, je ne pourrais rien en tirer. Même si l'envie, comme la girafe, est très grande.
Aussi, oui, je dois à Gustave l'impulsion qui me prend presque tous les matins de sauter dans le vide. Je n'arrive toujours pas à voler, mais goûtant plus rapidement que lui aux merveilles de l'attraction terrestre, j'ai la fierté d'être meilleur au moins sur ce terrain… ayant par contre, déclaré forfait sur la quantité maximale d'enfants mis au monde; et ne cherchant plus à valoriser ma semence auprès de qui en voudrait, car là-dessus, je peux vous l'assurer, eux, ne s'arrêteront jamais.
Quant à Fabienne, je lui dois beaucoup aussi.
Surtout de me vanter de savoir, sans turgescence, regarder une créature d'une grande force et d'une beauté étourdissante. En tant que femme d'un ami précieux, elle n'est plus un être de chair appétissante et de passion sensuelle, mais l'incarnation définitivement asexuée de la tendresse apaisante et gouvernante à la fois.
Une autre façon de dire à Fabienne: « Fabienne: promenons nous à poils, rien que tous les deux sur la plage, en toute confiance, main dans la main: il ne se passera absolument rien entre nous.»
Sauf, bien sûr, si tu insistes et ce, très légèrement suffira.
Voilà.
Après ces quelques confessions, c'est certainement le dernier mariage de Gustave et de Fabienne auquel je serai invité.
Et d'ailleurs, vous aussi.
Profitez-en bien.
Je n'aime pas faire de discours de mariage, je suis meilleur en oraisons funèbres. :o))
· Il y a presque 2 ans ·Hervé Lénervé
Pour ce dernier coup-là, le mariage dure éternellement.
· Il y a presque 2 ans ·(je vais travailler sur la mienne sous peu)
Thierry Kagan