MARIE BONTEMPS

Gabriel Abel

Série du pardon

 Une balle perdue comme on dit,
S'est logée dans mon coeur, siège de mon ennui
J'étais bien seule et en mauvais pli
Ce policier, j'ai entendu son cri
"Dégage de là, sale conne !"
Trop tard ! Déjà le pistolet qui tonne
Je chancèle un peu avant de tomber
D'autres détonations, on court dans l'allée
Les bruits se font plus sourds
Tout doucement, voilà la lumière du jour
Quelqu'un va me trouver
Le flic sait qu'il m'a touchée ?
Je perds beaucoup de sang, non ?
C'est étrange, je ne ressens rien
Aucune douleur, aucune vision
Vais-je mourir ce matin ?
Est-ce que j'ai les clefs de la maison ?
Elle n'est pas rangée, que va t-on penser ?
Que j'étais seule et en mauvais pli
Que c'était mieux pour moi de mourir ici
Elle avait vingt-deux ans
Il lui manquait deux dents
C'était il y a bien longtemps
Elle n'a plus vraiment d'âge
Elle s'appelait Marie Bontemps
N'a jamais connu de demande en mariage
Le policier a été muté
Je ne sais s'il a des regrets
En tous les cas, moi, j'ai pardonné
Quel autre choix est-ce que j'avais ?

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