Mauvais sang

flemingrob

Sixième volet des aventures de Hervé(s)

Madame,

Dans le cadre d’un questionnement existentiel sur les véritables orientations à donner à mon futur affectif, je me permets de vous contacter.

Devant l’insistance de mon entourage, je dois en effet me mettre, selon leurs dires, en phase avec la normalité. Trop têtu qu’ils me disent. Quoique, généralement, les termes employés sont légèrement plus fleuris.

Il faut que je vous précise que les traditions sont ancestrales et immuables dans ma famille. Mes parents, par exemple, n’ont donc que très peu gouté le fait de me retrouver déguisé en pompier me trémoussant sur Village People dimanche dernier au retour de la messe ! Pour leur défense, il faut dire que j’avais prétexté une forte fièvre pour éviter l’office religieuse dans notre belle église de Saint Nicolas du Chardonnay, les diatribes de l’abbé n’étant en général pas très gaies, il faut dire.

Depuis cette fâcheuse découverte, le médecin de famille m’a prescrit un traitement hormonal à base de testostérone, le prêtre m’exorcise tous les jours pour évacuer cette honteuse maladie et j’ai été sommé de trouver une génitrice pour perpétuer notre belle lignée. Si j’avais eu une cousine germaine, le problème ne se serait pas posé mais malheureusement le tout puissant n’a pas veillé à cette possibilité. En y réfléchissant, ce n’est pas forcément plus mal car trop de consanguinité tue la consanguinité… Étant moi-même à la fois, l’oncle et le frère de ma petite nièce ou sœur, j’ai souvent du mal à m’y retrouver.

Mon choix s’est porté sur vous non pas en raison de votre manque de féminité qui correspondrait bien évidemment davantage à mes goûts mais plutôt pour votre prénom : Marie ! Dans ma famille, l’importance du prénom chrétien est primordiale. Des Pierre, des Paul, des Matthieu, il ne reste d’ailleurs plus que des prénoms bibliques depuis que Jude a été renié. D’autre part, votre couleur de peau semble assez diaphane pour correspondre également aux critères du milieu dans lequel je vis, les amis de mes parents formant un clan très cul, cul.

Bien évidemment, j’espère que vous n’avez rien contre les grossesses rapprochées et les familles nombreuses car selon les prescriptions benoîtes de notre guide spirituel, le pêcher de chair n’est réservé qu’à l’unique but de reproduction.  Voilà, j’espère également que vous ne travaillez pas, que vous portez des jupes et des tailleurs stricts et que vous savez cuisiner des bons petits plats sinon, il faudra bien évidemment vous adapter.

Même si mon père peste contre cette évolution qui laisse le choix aux personnes du sexe féminin, j’espère que ma quête vous soulèvera d’allégresse et que vous pourrez y répondre de manière favorable et enthousiaste.

Recevez Madame tous l’expression de la foi que Dieu m’a donnée comme le dis si bien Ophélie l’hiver.

Hervé XVI

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Mauvais sang sur l'album des Elles Les Elles (1997)

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