Méditation

marjo-laine

ça bouchonne à Abbeville, drapeau vert à Fort Mahon, elle éteint l'auto-radio. Elle se gare sur le parking 300 places, près du parc équestre. Elle commence sa promenade sous les arbres, croise des jeunes filles à cheval, cheveux lisses, nattes parfaites. De belles propriétés aux grandes baies vitrées. Une dame dans son jardin, rassurante au téléphone, -non, ça va mieux, nous avons enfin pris notre premier apéro sur la plage hier. Un petit rosé bien frais ». Découverte du point de vue sur la baie de la Canche. Des voiliers, des planches à voiles, l'odeur des oyats. Elle enfouit ses pieds sous le sable fin. S'asseoir, allonger les jambes, tendre la main, remonter son pantalon au-dessus des chevilles, sentir le tissu sous ses doigts, le vent qui soulève son tee-shirt, le bruit des vélos, la légère douleur dans le bas de son dos, souvenir du déménagement. Elle reprend la marche, se perd dans les dunes, découvre les milliers de pins maritimes.

Arrivée à la digue, elle prend la rue Saint-Jean, commande une moule frites. Un bar rutilant, des serveurs en tabliers blancs. Elle beurre des tartines. Un couple s'installe à la table à côté. « Il ne fait pas chaud » dit la femme « Tu n'as pas chaud ?» lui répond-on. Ses moules arrivent. Elle ouvre une coque avec ses doigts, retire la moule « On est en plein courant d'air » Porte la moule à sa bouche « Tu veux qu'on aille plus à l'intérieur ? » Texture sur sa langue, contre ses dents » « A l'hôtel ytrau moins, on avait vue sur la mer ». Elle avance sa main gauche pour saisir sa fourchette, pique une frite, la plonge dans la sauce, « Je crois que je vais prendre une moule marinière » Autre texture dans sa bouche, chaude, croustillante. « ah non, tu vas pas prendre une moule marinière, on est pas venu ici pour manger des moules, on aurait pu rester à l'hôtel, au moins on aurait eu chaud. » Enchaînement de mouvements, décomposition de gestes, « Prends plutôt une tête de veau » Mouvement de lèvres et de dents, elle continue son expérience gustative, profitant de chaque instant. « Bon, il est 13H30, il faut qu'on mange, que décide-t-on ? » Le couple s'en va.

Sieste sur la plage. Retour par la ville, le village Suisse, les villas 1900, l'hôtel Westminster. Elle achète des conserves, émiettés de maquereaux, mousse de sardines au whisky, soupes de topinambours. Elle se trompe de chemin, passe à côté du lycée hôtelier. Elle s'assoit sur un banc, ferme les yeux, les moteurs des voitures, sabots de chevaux sur le bitume, tremblement de ses paupières. Elle ouvre les yeux, se penche, ramasse une pomme de pin, elle referme ses doigts, un à un dessus, la fourre dans son sac. Elle retrouve sa voiture, tourne la clé, rentre chez elle.


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