Menace

Christian Lemoine

Ça devrait bruire de mille syrinx excités, les petites langues pointues agitées dans les becs grands ouverts, ces flammes de chair dans la vasque orange des coupoles bifides. L'opaque, cependant, ne guide pas les pas. Mille essors duveteux devraient secouer les feuilles et suggérer aux jeunes drageons la suspicion des granivores. Le friselis du vent, cependant, ne débusque que la feuille atone. Le poids du silence abject gonfle la forêt d'une terreur de tigre, de griffes lacérée, de dents déchiquetée, lorsque l'étouffement latent n'est que l'attente du drame. Ici, rien de cette menace. Celle qui s'avance en silence, celle qui n'est que silence ; celle que le silence ne prélude ni ne cortège, celle que le silence exhibe : la menace du vide, qui grignote peu à peu la toile des panoramas, jusqu'à flétrir déjà le seuil de juste-un-peu-plus-loin.
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