Mépris (chapitre un)
David Le Borgne
En ce temps, il s'était reclus au bord d'un lac d'haute altitude. Dans ses veines, des résidus de vinaigre bouillant circulait, le brulant de l'intérieur dès qu'Autrui et ses attitudes sortait le bout de leur nez. Tâchant de se concentrer sur les enluminures naturelles avec lesquelles il interagissait, il ne pouvait s'empêcher de grommeler des yeux à son approche. Un grommellement sourd dont lui seul connaissait l'ampleur et la violence inouïe. La beauté d'autrui le faisait frémir oui mais de rage, gémir de dégoût. Il lui aurait craché au visage mais sa salive était trop fière pour s'y résoudre. Autrui lui apparaissait comme étant grossière. Il se l'imaginait s'étalant dans des mares de boue pendant qu'il ruminait, ourdissant les écarts de bagout à son égard, sujet tabou. Il avait franchi l'octave et sur la gamme de l'antipathie, il errait dans les graves et ses nombreux accrocs. Sa pensée toujours à l'ombre d'un nuage menaçant, il savait qu'il mourrait ainsi qu'un simple manant sans recevoir l'attention de quiconque. Pourtant lui de l'attention il en donnait. Il passait des nuits blanches à observer les vestiges de la belle Autrui, espionnant ses moindres actions, pestant contre son prestige il l'aurait écrasé. Vulgaire mouche devant son miroir qui agressait le peu de répit que son coeur presque entièrement rassis lui laissait. Le seul lieu acceptable était les hauteurs dédaigneuses qu'il ne cessait de gravir. Chaque pas émanant d'un strident remord, il était sans cesse pris de haut le coeur spasmodiques. La nausée s'installait en lui en prenant le pas sur toute l'humanité, toute la bienveillance et la sérénité qu'il avait jadis ressenti vis à vis de ses semblables. Ces vieilles notions avaient été remplacé par des sarcasmes aversifs, un marasme de désillusion qui n'avait laissé que de l'inimitié pour ses congénères. Chaque visage était une morsure, chaque parole adressée une insulte et il fuyait l'affection comme on fuit la peste. Il avait délaissé sa veste pour vivre nue, provocation à l'instar de ceux qui se noyait dans la bienséance et s'enlisait dans les commodités ambitieuses de la réussite sociale. Il riait d'eux, d'un rire jaune en s'enivrant d'un vin plein de fiel, vin distillé dans des futs de répulsion massives. Quand il avait assez bu, il se mettait en garde face à une paroi et déversait sa colère en s'écorchant les poings, jusqu'à ce qu'il ait les jointures des phalanges écorchées. Quand il arrivait à ce stade, il frappait de plus belle et se perdait dans les méandres de l'irascibilité devenant furie virulente. On le retrouvait au petit matin, le corps rougeot gisant au sol dans une flaque de transpiration dévasté. Personne ne savait pourquoi, mais il finissait toujours par se relever. Pourquoi persévérait-il à s'accrocher à la vie comme à une liane qui lui irritait les paumes? Quel but poursuivait-il? Préméditait-il le meurtre d'Autrui? Etait-il le simple outil du dessein perverti et scarifié de l'ange lascif sculpté dans le fer? Beaucoup voyait dans les branches qui le surplombaient la marque de Lucifer qui lui avait dessiné sur mesure une voie sans issue. Maçon de la haine, il construisait sa masure avec des rondins taillés dans une humeur exécrable. Les fondations de sa hutte étaient à l'image de son égocentrisme, faîtes pour ne tenir qu'au dessus de sa tête, conçue pour s'effondrer au moment précis ou un quidam y pénétrerait. Son visage perpétuellement morne, quand il n'était pas crispé portait la marque d'un optimisme bafoué, celle du viol d'une intégrité jadis ancrée mais que cet homme aurait volontairement délaissé, sans doute désabusé par les innombrables tromperies d'Autrui, les vicissitudes qu'elle avait dispersé sur sa route comme autant d'embuches insurmontables. On ne savait pas grand chose du passé de cet homme, mais il était évident qu'il n'avait pas toujours été dans cet état de vacuité morale. Cela était particulièrement visible au moment où il s'effondrait dans une léthargie profonde après avoir craché tout son venin. A cet instant précis, on pouvait distinguer les restes d'une candeur enfantine sur ses paummettes, le rêve de rejoindre la lune avec Autrui, rêve étouffé dans l'œuf. Essoufflé, il ne bluffait même plus maintenant et quand un regard croisait le sien celui ci était aussitôt fusillé par l'hostilité débordante qu'il dégageait. Hostilité envers la gentillesse, hostilité envers la beauté, hostilité envers la liesse, hostilité envers leur bonne santé. Il oscillait dans l'air en dégageant des ondes nocives, à ce stade nulle autre âme ne pouvait plus le sauver.