MEURTRE EN BLEU MARINE
lunule-campanule
- Pourquoi ! Pourquoi tu as fais ça !
Des clapotis et un rire joyeux lui répondent. La lune brille sur les vagues et l'air marin est frais.
- Dis-moi pourquoi tu as fais ça !
Un nouveau rire accompagne la réponse.
- Parce que j'en avais envie !
- C'est tout ? C'est juste parce que ça t'est passé par la tête que tu as commis … ça ?
Les éclats de rires sont presque couverts par un bruit d'éclaboussure.
- Tu en fais une tête ! je pourrais croire que tu es fâché si je ne te connaissais pas si bien.
- Mais je suis fâché.
Le couple a abandonné ses chaussures sur l'herbe rase en haut de la plage déserte. Ils sont très élégants, smoking et robe du soir. Une luxueuse voiture noire les attends un peu plus loin.
- Je me demande bien pourquoi !
- Tu ne m'as pas dit pourquoi tu as fais ça.
- Et toi, pourquoi veux-tu le savoir ? Moi, je ne passe pas mon temps à te demander pourquoi tu fais ceci ou cela ! je n'en finirais pas et cela t'ennuierait terriblement.
Ils se font face à présent, dans la mer jusqu'au genou.
- S'il te plait, dis-moi pourquoi tu as fait ça.
- C'est si important pour toi ?
- Oui, c'est important.
Ils s'enlacent.
- C'est à cause de cette gourde, à la réception. Tu comprends, elle se pointe comme ça et elle commence …
- Elle commence à faire quoi ?
- Elle a commencé à me débiter des … choses ! ça m'a énervé !
- Tu as fais cela parce que tu étais énervé ?
- Oui, mais maintenant, je suis parfaitement calme et détendue.
Toujours enlacé, ils se rapprochent de la limite des vagues.
- Ce n'était que pour te sentir mieux ? que pour ça ?
- Ce n'est pas si grave, n'en fait pas un drame !
- Mais si, c'est grave ! c'est un drame !
Il passe la main dans ses cheveux, essayant de distinguer ses yeux à la lueur de la lune.
- Et puis, personne ne le saura.
- Mais … ta robe … elle est pleine de sang.
- Je vais la jeter.
Elle rit.
- Je ne suis pas femme à porter deux fois la même robe, de toute façon.
- Et … lui.
- Quoi lui ?
- La police va le trouver. Et enquêter.
- Personne ne soucie de lui, ce n'est qu'un clochard.
- Qu'en sais-tu ?
- Il traînait au bord de la route, c'était un clochard.
Il ne voit pas ses yeux mais son beau visage n'exprime aucun remord, juste une perplexité teintée d'agacement. Il caresse sa joue, passe les doigts sur ses tempes. Il ferme les yeux en la serrant contre lui. Une larme s'échappe.
- Tu as massacré un parfait inconnu pour te sentir mieux ?
- Oui.
- Et tu ne réalises même pas que tu as commis un meurtre.
- Tu exagères.
Il la serre un peu plus.
- Tu avais déjà … ce n'est pas la première fois ? que tu te calme de cette façon ?
Elle hausse les épaules.
- Qu'est ce ça change ? personne ne viendra nous embêter.
- Tu en es si sure … c'est parce que la police n'est jamais venu avant.
- Et elle ne viendra pas non plus maintenant.
Les larmes coulent sur son visage. Il l'entraîne sur le sable. Ils glissent ensemble en position assise.
- Non, elle ne viendra pas te poser de question.
Ils regardent la mer, emboîtés, sa nuque à elle reposant sur son épaule à lui. Ses mains remontent lentement sur le corps de sa compagne, passant sur sa gorge, sur l'or et les diamants dont il l'a couverte par amour.
- Jamais ils ne viendront te poser la moindre question sur un type au crâne défoncé.
Une de ses mains enserre le si beau visage de sa compagne tandis que son autre bras maintient son buste. Elle ne tarde pas à s'agiter convulsivement sous l'effet du manque d'oxygène. Elle est si mince. Il se demande fugitivement comment ces deux brindilles ont pu avoir assez de force pour fendre un crâne humain. Elle ne lutte pas longtemps et son corps ne tarde pas à se relâcher complètement.
Il est encore là quand l'aurore aux doigts de rose vient caresser la plage. Elle est allongée à quelques mètres de lui, dans sa robe ensanglantée.