MEURTRE EN JAUNE SOLEIL

Il fait chaud.

Une chaleur écrasante, un ciel d'un bleu immense et une lumière crue et blessante enveloppe le monde d'une chape de plomb.

Et la piscine échauffe les sens plus qu'elle ne les apaise. Les corps sont détendus et les esprits vacants, entre somnolence et curiosité, les aînés observent les seuls à s'agiter.

Ils ont vingt ans, ils sont jeunes et ils sont beaux comme on est beau à vingt ans, la peau lisse et bronzée, la délicatesse de la silhouette et l'énergie de se rire de la canicule.

Ils jouent, à s'asperger, à se séduire, compétition cachée pour être meilleur, plus beau, plus aimé que ses amis.

Et il est arrivé. Et il était beau, il le savait sûrement, mais savait-il, savait-il seulement que d'entre tous, il était le plus beau ?

Tous l'ont suivi du regard, homme et femme, parce qu'il était, d'entre tous, il était le plus beau. Combien de femmes ont regretté, à cet instant, de n'être pas plus jeune. Et combien d'homme, de n'avoir été lui quand ils avaient vingt ans.

Même la piscine a frémi, quand elles l'ont vue, ces filles de vingt ans qui n'avaient pas (encore) de ce genre de regret. Et ces garçons de vingt ans qui ne voyaient en lui que le pire des rivaux. D'autre vagues ont agité l'eau et la compétition s'est un peu moins masqué. Une autre danse a commencé, sous le soleil de plomb, un peu moins légère, un peu plus sauvage.

Et il était au centre, au centre de l'attention, des filles qui le voulaient, des garçons qui le repoussaient. Car, d'entre tous, il était le plus beau. Et le jeu suit son cour, l'eau gicle toujours plus violemment, de plus en plus loin du bord, dans plus de bruit et de confusion.

Quand enfin, vêtu de blanc et indifférent, un homme vient calmer ces jeunes, que l'eau s'apaise …

Il ne resta que lui dans la piscine, lui qui était le plus beau.

Il semblait dormir, alangui, sur le carrelage au fond de l'eau.

Jamais il ne regrettera ses vingt ans et jamais il ne sut, non jamais, que d'entre tous, il était le plus beau.