MEURTRE EN VERT POMME

lunule-campanule

Tout ça pour une pomme.

Une pomme verte des plus ordinaire. Bon, une belle pomme à la peau brillante avec une belle couleur verte qui promet croquant et fraîcheur à la première bouchée. Mais une pomme.

C'est comme ça qu'ils se sont rencontrés, en achetant des pommes vertes au marché. Des doigts qui se rencontrent sur un étal, un petit rire gêné, et on brise la glace sur le thème fruit et légume.

C'est une pomme qu'ils se sont partagés, la première fois, alanguis dans les draps froissés.

Et il y en a eu d'autres, des pommes et des draps froissés. Ils se sont installés dans leur liaison et dans le mensonge.

Ha, ils ne se sont pas privés de croquer la pomme.

Cela faisait trois ans que nous étions ensembles quand il a rencontré cette gourgandine. Je ne me suis rendu compte de rien, jamais. Enfin jusqu'à ce qu'elle me kidnappe parce que notre mec ne voulait pas me quitter.

Cela m'a fait un choc. En plus de me réveiller saucissonner dans une cave.

J'avoue que je me suis creusé la tête pour comprendre pourquoi il ne m'avait pas quitté s'il ne m'aimait plus. D'un autre coté, sa maîtresse est tarée.

Je devais partir une semaine, en vacance dans un hôtel au bord d'une plage. Arrivée sur place, quand j'ai vu une femme avec une pancarte à mon nom, je me suis dit que l'hôtel prenait vraiment soin de ses clients. J'ai bien trouvé que l'hôtel était … petit. Mais juste après, c'est le trou noir.

A mon réveil, ficelé comme saucisson donc, cette garce s'est fait un plaisir de me raconter leur histoire dans les moindres détails, surtout les plus scabreux. Quand le téléphone a sonné, elle m'a coincée une pomme verte dans la bouche pour me faire taire. Il ne m'a pas fallu longtemps pour m'en débarrasser mais elle m'a mis un vrai bâillon en revenant dans la pièce.  Ensuite, je l'ai entendue sortir de la maison.

Là, je dois dire que les clichés sur les femmes incapables de faire un travail d'homme me sont tous revenus à l'esprit. Je me suis libéré en me tortillant cinq minutes. En passant dans la cuisine, j'ai vu une coupe à fruit.

J'ai bien failli les empoisonner, ses fichues pommes vertes.

Je n'ai renoncé que parce que le risque d'erreur était trop grand. C'est toujours au moment ou on ne s'y attend pas qu'un clampin se pointe et prend une pomme dans la coupe à fruit (et puis je n'avais vraiment pas le temps de chercher sa réserve de mort-aux-rats).

Au lieu de cela, j'ai agi le plus raisonnablement du monde, je me suis barré en remettant ma vengeance à plus tard.

J'ai embarqué son sac à main et piqué sa caisse. Je ne sais pas ce qu'elle est allée faire dehors, peut-être creuser ma tombe. Toujours est-il que je me suis enfuie sans problème. J'ai roulé au hasard pendant un long moment. Quand je me suis arrêté pour me calmer, j'ai fouillé son sac et la merveille de technologie lui servant, accessoirement, à téléphoner. Messages, photos, réseaux, comptes, tout avec un seul mot de passe. Folle et stupide.

Sans oublier sentimentale, elle a gardé le moindre sms échangés. Le fourbe ne semble pas au courant des plans diaboliques de sa maîtresse ou il est assez malin pour n'avoir laissé aucune trace numérique.

Lui, je sais où le trouver, dans son atelier à fignoler sa maudite exposition. Quant à elle, je me demande si elle va le rejoindre. Ou simplement le contacter.

En attendant, retour au bercail, pas chez moi mais prés du traître pour concocter une vengeance digne de ce nom.

                                             P

J'ai eu de la chance, ma chambre d'hôtel donne les fenêtres de l'atelier et de son appartement juste au-dessus. Comme prévu, il est à fond dans son expo, dort peu et semble très irrité par les appels de sa maîtresse. Elle a dut être sérieusement perturbé de récupérer son sac aux objets trouvés, la garce. Elle essaye aussi de le convaincre de la voir par mail mais il ne les ouvre même plus. Moi, je les lis et la garce est furieuse qu'il se préoccupe plus de ses peintures que d'elle. Elle a peur, aussi.

Une idée sournoise commence à germer dans mon esprit, qui me permettrait de me venger de ces deux nuisibles.

Mon peintre est un être faible obsédé par sa peinture. C'est son unique préoccupation, ce qui le définit. Il ne supporte pas que l'on porte atteinte à son travail, cela lui fait perdre tout contrôle de lui-même. Son talon d'Achille.

C'est là que je frapperais.

Je n'ai qu'à l'éloigner de son atelier, vandaliser quelques toiles, faire venir la garce par un faux mail de mon pratiquant ex, et laisser faire les choses. La seule chose que je regrette, c'est de ne pas assister à la scène. Je préfère cependant éviter d'être relié à ce mauvais tour, mon peintre ne pourrait pas apprécier, en dépit du fait qu'il m'a trompé et que ce qu'il préfère chez moi, c'est mon carnet d'adresse.

                                    P

 

Ma blague a fonctionnée au-delà de mes espérances.

Bien au-delà.

Carrément trop.

C'est la police criminelle qui m'en a informé.

Ils ont sonné chez moi pour m'informer que mon petit ami avait tué sa maîtresse dans une crise de rage après qu'elle eu jeté un pot de peinture rouge sur son chef-d'œuvre, intitulé « le pommier vert ».

J'aurais peut-être de vrais remords, un jour.

Peut-être.

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