Mireille (Suite1)
keltouma--2
Il fait beau et le petit soleil qui pointe par intermittence laisse prévoir un bon séjour dans un pays qu’elle visite pour la première fois de sa vie.
Dans l’attente de son tour, elle s’approche lentement de la passerelle où de jeunes matelots en maillots rayés organisent tant bien que mal ce débarquement.
Tel un essaim les chaloupiers embarquent les marchandises et les voyageurs, pour les déposer non loin d’un mausolée tout en blanc auquel la ville de « Casablanca » doit son nom.
En fait elle n’aurait peut être pas du parler de ces marocains qui n’avaient rien de barbares et qui pouvaient prétendre eux aussi à l’indépendance.
Une conviction qu’elle affichait clairement, mais jamais elle n’avait pensé qu’elle toucherait des intérêts aussi vitaux et que cela donnerait lieu à des réactions jusqu’à ce qu’elle reçoive sa première lettre de menace.
Un petit papier blanc qu’elle trouva dans sa boite à lettre avec en rouge : « Ecrire peut faire perdre la vie ».
Au début, elle n’y avait pas donné trop d’importance et s’est contenté d’en parler avec un ami qui lui avait assurée qu’elle pouvait dormir tranquille.
Justement elle ne dormait plus depuis qu’elle fut assaillie de coups de téléphones anonymes avant de recevoir une carte avec une fleure rouge et au dessous : « rouge en flammes, la fleur de macadam »
Les menaces étaient si terrifiantes qu’elles lui voilaient tous les risques d’une aventure aussi dangereuse qu’un safari en terre arabe alors même qu’elle ne connaissait de cette langue que le mot « choukrane ».
C’est ce qu’elle réussit à prononcer plus ou moins correctement au chaloupier qui l’aide à déposer sur le sol africain la grosse malle où elle avait précipitamment enfouit tous ses souvenirs.
Ravissant chaque coin du large quai, des garçons et des adolescents appelés les « oulads », se présentent, seuls ou par petits groupes proposant leurs services moyennant quelques pièces de monnaie et un petit sourire de remerciement, mais la jeune femme ne peut se permettre ce service.
Trainant difficilement sa lourde valise elle s’éloigne quelque peu du tumulte et ajuste, bien claire, la rose qui devrait servir de signe de reconnaissance à la personne qui doit en principe l’accueillir.
Les minutes s’égrènent lentement et elle semble plutôt désemparée alors que sa crainte de ne trouver personne à l’attendre se dessine de plus en plus.
En effet, le doute l’envahit peu à peu au fur et mesure que le quai progressivement se vide au moment où les « oulads », sals et mal-habillés, continuent à tournoyer autour d’elle.
Mais elle est décidée à aller jusqu’au bout, et cela se voit dans la lueur des ses yeux bleus au reflet de ce beau ciel, où le soleil règne en maitre absolu, combien même le col-montant de son pull en laine l’étouffe au point de l’asphyxier.
Ajustant encore plus apparente sa rose, elle ne bouge pas de sa place, mais après une heure d’attente, le doute se transforme en certitude et la crainte en peur.
Elle ne sait même pas où aller et résignée elle met sa main sur sa valise lorsqu’un petit gringalet, propose, dans un français plutôt tordu, de la lui porter.
Vu ses moyens limités, elle allait refuser, mais les yeux tout noirs et presque suppléants du porteur la font renoncer.
Heureusement d’ailleurs car le parcours jusqu’aux services des Douanes est très long sans compter le soleil de plomb qui inonde chaque mètre de ce gigantesque port très encombré.