"Miroir mon beau miroir..."

la-musique-de-l-ame

02/04/2020

Encore un matin, mi-figue mi-raisin. Je sors de la douche le corps revigoré par les bienfaits de l'eau sur ma peau, mais l'esprit déjà fatigué de la journée qui m'attend. Un regard lancé à mon ennemi le réveil m'indique que je suis en avance sur l'accoutumée, chouette ! Je vais pouvoir mettre ce temps à profit et abandonner le jean qui, je l'avoue, m'avait précieusement dépanné ces derniers jours de lever difficile. Renouer avec le confort d'un vêtement ample et le contact du voile sur mes jambes me rend immédiatement le sourire. Un bouquet de sensations agréables que peu d'hommes sont amenés à connaître, pauvres d'eux ! Je choisis donc une paire de collants sombres qui feront une transition parfaite entre ma robe grise chaude et mes toutes nouvelles bottines d'un cuir noir étincelant.

A peine sortis de leur tiroir, la rêverie commence. Mes paumes frissonnent à ressentir leur pouvoir de séduction sur les hommes bien qu'aucun ne soit encore présent, à l'exception de ce miroir dont je sens le regard posé sur moi, curieux, inquisiteur, impatient. Muet je l'entends pourtant qui me nargue à m'observer sans mot dire, à me demander en silence si j'oserais... Mes lèvres s'étirent comme une réponse entendue au défi qu'il me lance. Tu veux jouer, alors jouons !

J'allume le poste de radio qui s'ouvre sur une musique d'Asaf Avidan : "Devil's Dance". Parfait ! Voilà qui ne peut mieux tomber. Je referme le tiroir et regagne mon lit, arme en main, parée de mes seuls sous-vêtements. Je m'assieds sur le coin du matelas, face à lui, tandis qu'il tente de me dominer de toute sa hauteur. Mes doigts s'attellent à retrousser la première jambe du collant avec une lenteur extrême. Je prends soin d'imprégner chacune de ses mailles dans la plus petite parcelle de mes mains, jusqu'aux ongles. Je courbe l'échine pour y insérer délicatement mes orteils, puis ma plante, mon talon et enfin ma cheville. Je marque une pause et lève mon regard vers la surface réfléchissante que j'imagine rougir devant ma poitrine offerte, ornée et délicieusement penchée vers elle. Un sourire large m'échappe, amusée, alors que je retourne à l'oeuvre pour ajuster la couture sur mes phalanges, puis dérouler le collant jusqu'à mi-mollet.

Je procède de même pour le second côté avec davantage de soin encore. Diable que cette caresse me transporte, nourrissante, énergisante ! Une fois mes mollets à demi couverts, j'entreprends de dérouler l'ensemble en me redressant avec une nonchalance indécente, tant pour aguicher mon spectateur de fortune que pour me galvaniser de ce moment intime, choisi, particulier. Le plaisir des sens se poursuit jusqu'à envelopper entièrement la partie inférieure de mes jambes, puis la courbure de mes genoux, enfin le bas de mes cuisses. Taquine, joueuse, j'accorde une nouvelle oeillade à ce cadre qui semble déjà avoir perdu de sa grandeur et de son assurance.

Je me lève et achève d'appliquer le collant, déploie la totalité de ses fibres comme une seconde peau, m'enivre de son gainage et de ce jeu inverse entre mes muscles et lui. Lorsque, point d'orgue, mon corps se trouve emprisonné jusqu'à la taille, mon bassin esquisse un mouvement de recul et ma bouche un soupir. Que c'est bon ! Je pivote et me place de façon à observer mon profil pendant que mes mains glissent sur mon bas-ventre, mes hanches, mon fessier. Je sens le miroir fondre, se déformer, se tordre devant le spectacle de mon galbe. Enorgueillie et victorieuse, j'amorce une demande :

— Miroir mon beau miroir, dis-moi...

avant de m'arrêter net de peur que le pauvre ne se brise sous le coup de l'émotion.

Je sors un instant de mon errance pour regarder l'heure : merde, déjà ! Je m'assieds une dernière fois pour vérifier que mon arme de séduction massive entoure mes jambes de manière lisse, droite, harmonieuse, en y laissant voyager mes mains, doigts et paumes. Que cette journée va être plaisante, maintenant ! Je me relève d'un bond, enfile ma robe et disparaît dans l'ouverture de la porte, sans autre égard pour mon soupirant imaginaire qu'un clin d'oeil doublé d'un sourire : Sylvie 1 - miroir 0 !

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