Mise en plis

Apolline Mariotte

Je l’avais imaginé maintes fois ce carré cranté des années 1930. Fouillant dans les photos et les trésors de famille pour dénicher des modèles, j’avais créé de mes douze petits doigts la très chic voilette mouchetée qui n’attendait plus que d’être piquée dedans.

Ce jour là, lorsque je me suis assise face à la glace, un peignoir sur le dos, je plaçai tous mes espoirs en la jeune coiffeuse blonde qui m’avait été attribuée. Derrière ses lunettes rectangulaires, elle me jauge en tripotant mes cheveux, sans ménagement. À ma gauche, le patron crêpe le chignon d’une future mariée. Il dégouline d’anglaises et de perles. À ma droite, une apprentie me dévisage sans discrétion, le visage inexpressif de l’ado apathique.

Vous avez le cheveux fin MademoiselleEt puis pas vraiment de volume. Munie de quelques images, je tentai de bien lui faire comprendre mon idée.

Alors elle commence. Armée d’un bataillon de fers, elle boucle, elle gaufre, elle laque, sans conviction ; sans succès non plus. Pendant plus d’une demi-heure, elle tentera sa chance avec tous les outils du salon. Mes yeux commencent à s’humidifier quand j’entends crépiter mes cheveux sous le fer et vois un filet de fumée s’en échapper.

J’essaye de me décontracter en fixant mon attention sur les conversations alentour. Il y en aura bien une pour parler du mauvais temps.

Je vous installe sous le casque Madame Baldy ?

Oui, mais pas trop chaud, j’ai plus grand-chose vous savez bien.

C’est votre nature de cheveux, Madame, malheureusement, on n’est pas toutes à la même enseigne pour ça.

Les soucis vous savez, ça n’arrange pas. J’ai commencé à les perdre à 25 ans. Et les golfes, croyez-moi, ça va vite.

http://apollinemariotte.wordpress.com

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