Un Mistral pour Poutine

Allain Louisfert

Le propriétaire d'un (petit) bateau amarré à Valras se voit entraîné dans une histoire rocambolesque sur fond de (faux) trafic de drogue.

                  UN MISTRAL POUR POUTINE

                                Allain Louisfert


                       Du petit navire aux Mistral

Un marin d'occasion, plutôt "d'eau douce", moi , se prépare à attaquer la grande Bleue. Je quitte le ponton n° 54 sur l'Orb, petit fleuve côtier qui descend des Cévennes, (son embouchure constitue une partie du port de Valras-Plage) et me dirige vers elle (la mer). Je ne pouvais me résoudre à ce que mon petit canot, un Cap370 propulsé par un 15 cv, 4 temps (j'y tiens !) ne voie jamais la mer. Les employés de la capitainerie m'ont bien aidé pour la mise à l'eau, je fus tout content de le voir amarré et me dit « demain à nous la Méditerranée ! » J'ai trouvé une location pour quelques jours à Sérignan limite de Valras, je peux y laisser la remorque du bateau sous les mûriers, j'ai fait le voyage depuis l'Auvergne, ma région d'adoption, mon "Espace-Renault" poussif s'est acquitté de sa tâche. La saison touristique va démarrer, l'énorme navire de la gendarmerie maritime arrive le deuxième jour de mon séjour, je le trouve accosté à deux cents mètres de l'emplacement de mon bateau lors de mon retour de promenade, bien sûr il est là pour faire respecter les règles maritimes… il me semble d'autant plus énorme que ma coquille de noix est semble-t-il la plus petite du lieu. Il faut le permis côtier pour barrer un esquif mû par un moteur de 15 chevaux, c'est une faible puissance mais étant seul à bord le bateau a tendance à déjauger (la proue s'élève) rapidement et a des velléités de décollage !

Il y a quelques mois que j'ai retrouvé sur FaceBook une connaissance de vacances du temps de mon enfance et début d'adolescence à Grosley-sur-Risle (j'en reparlerai) lorsque chaque année j'étais l'invité des Galland : ma tante et son mari - qui était mon parrain - (et mon oncle par alliance, donc). C'était, si j'ose dire du temps de leur « splendeur » (tout allait encore bien pour eux, du moins en apparence). Pour en revenir à mon ami de Grosley de l'époque : Michel L. que je perdis de vue pendant près de soixante ans, c'est tout récemment que nous avions échangé quelques mails, il fut très étonné la première fois que j'osai le contacter ! Michel était le descendant de « Russes Blancs » que j'avais connus à l'époque, je me souviens encore de cet homme à la barbiche blanche et aux cheveux tout aussi blancs qui était de grande taille et se tenait droit comme un I : son grand-père, qui parlait peu le français et disait souvent en parlant de son passé d'avant l'URSS « mille ouvriers » ! c'était le nombre d'employés de son usine ou fabrique. Je me souviens aussi de son père, un cadre supérieur de l'industrie qui était autant français que russe, de sa maman avec laquelle nous faisions de longues promenades dans la forêt de Grosley, elle était totalement bilingue, comme ses enfants, elle appelait son fils Michel ou Micha, son autre fils André ou Andrioucha. J'ai gardé un bon souvenir de ce temps-là.

*

Dans mes bagages pour Valras il y avait mon ordinateur portable, je suis plutôt du genre « addict » comme disent certains. Le troisième jour de mon court séjour au bord de la Méditerranée, peu avant de garer ma voiture non loin du ponton, ce matin-là j'aperçois le navire de la douane – Valras est un port douanier – avec le pavillon bien visible : « Douane», bord à bord avec le bateau de l'autre administration : la gendarmerie maritime, déjà mentionné. Je me dis « nous sommes bien gardés ! ». Je monte à bord , vérifie le niveau d'essence, il en reste assez, ce moteur consomme assez peu, mes sorties ne durent jamais longtemps et je ne m'éloigne jamais à plus d'un mille et demi de la côte. Je suis loin de m'imaginer à quelle aventure je vais être mêlé incessamment … J'effectue une promenade de trois quarts d'heure, d'abord il faut descendre le petit fleuve, à certains endroits il n'y a que quatre-vingt dix centimètres d'eau, heureusement mon bateau mesure moins mais je me pose la question pour les bateaux de pèche, ils ont davantage de tirant d'eau, comment font-ils ? Puis je sors du port en passant entre les bouées rouge et verte et comme pour la première fois je me retrouve en mer et je suis seul à bord – ce qui n'est pas conseillé - là je peux augmenter la vitesse au dessus des six kilomètres/heure et je ne m'en prive pas ! Je me force à ne pas trop m'éloigner mais je ne résiste pas à l'appel du large ! N'en rajoute pas trop ! Puis je rentre au port, passe près des deux navires de garde, à deux cents mètres de mon ponton que j'atteins pas trop rapidement. Lors de l'accostage, je vois arriver par la rue qui longe l'Orb deux douaniers, un homme aux cheveux courts et à l'embonpoint marqué portant un porte-document et une jeune femme de couleur, tous deux aux alentours de trente-cinq ans. Ils arrivent vers moi, je suis le seul à bord d'un bateau dans les parages donc c'est pour moi me dis-je, pas de doute à avoir. Je me dis même qu'à une minute près ils n'auraient trouvé personne.

« Bonjour Monsieur » me dit la préposée, «service des douanes, nous vous demandons l'autorisation de monter à bord pour une petite visite de votre bateau ».

- Bien sûr.

- Vous êtes en vacances à Valras ?

- Oui pour quelques jours.

- Vous avez de la chance il fait beau ajoute le douanier. Ils sont déjà montés, me demandent les papiers qui ne sont pas à bord, je vais les chercher dans mon véhicule, pendant ce court laps de temps ils se sont dirigés vers la proue, la jeune personne ouvre le petit compartiment où je range ancre, bouts, jerrycans d'essence, fusées de détresse et je n'ai pas encore eu le temps de remonter sur mon bateau qu'un malaise s'installe soudain : là enveloppés dans un vague plastique que je ne connais même pas, elle exhibe plusieurs paquets (je tombe des nues, mon cœur s'accélère, je ne comprends rien à cette situation surréaliste). Elle fronce les sourcils en me regardant, ne prononce pas un mot, son acolyte (le plus gradé ?) rompt le silence :

- Et ça Monsieur, qu'est-ce que c'est ?

- Pas la moindre idée, ce n'est pas à moi !

- Cela va être difficile à prouver, c'est sur votre « navire » ajoute-t-il d'un air qui me semble narquois. Il faut vous dire que sur mon petit « Cap 370 » (3,70 m donc, qui est davantage une barque à moteur qu'un véritable bateau, pas habitable évidemment) rien ne ferme au cadenas, tout le monde peut monter à bord pendant mon absence… Je suis mal pris ! Eux savent ce que c'est et … moi aussi, la tête qu'ils font en dit assez long : du cannabis. La femme s'en va, je reste en compagnie de l'homme qui m'assène un « vous êtes dans de beaux draps, vous savez ce que vous risquez ? ». Je suis près de vaciller et lui réponds, très excité : « mais puisque je vous dis que ce n'est pas à moi ! » L'idée me traverse l'esprit (ce qu'il m'en reste...d'esprit) : les douaniers « auraient » pu pendant que je me rendais à ma voiture, ça m'a demandé une minute, pas plus, à quinze mètres du bateau, en profiter pour déposer le paquet et me compromettre gravement, je ne peux m'empêcher de faire une remarque très osée (je ne me reconnais plus) : « qui me dit que ce n'est pas vous qui venez de déposer cette saloperie ? » N'importe qui aurait pensé la même chose, n'empêche qu'il fallait être très fort ou bien le hasard les a bien servis ! Car si je n'avais pas eu à me rendre à ma voiture pour les papiers (qui auraient dû être à bord), il leur aurait été difficile de glisser les paquets de « came » sans un minimum de temps et il fallait faire l'opération juste avant ou au moment de demander à vérifier le bateau. Pourquoi ? Parce que s'ils avaient été déposés plus tôt, par exemple la veille ou le matin de bonne heure, comment auraient-ils pu être sûrs que je ne les aurais pas découverts au moment de faire le plein par exemple et 'balancés' en mer un peu plus tard… - Attention à ce que vous insinuez, je suis fonctionnaire assermenté, vous aggravez dangereusement votre cas ! (il appelle sur son portable).

Après quelques minutes je vis revenir la « douanière » en compagnie d'un gendarme de haut grade : chef d'escadron (commandant). Que se sont-ils dits ? Toujours est-il que la situation est en train de dégénérer pour moi. Lui (le gendarme) :

- Bonjour Monsieur, nous n'avons pas pour habitude d'accuser les gens pour rien, maintenant vous allez être mis en examen pour détention de stupéfiants. (Je me prends la tête, en proie à la panique). Quelques secondes se passent, interminables, le gendarme semble réfléchir, consulte du regard les douaniers, tous les fonctionnaires présents gardent leur calme et restent stoïques, seul le gendarme est en proie à un tic ? (clignements répétés de l'œil gauche). Quant à moi je m'emporte en lâchant avec rage « vous me dégoûtez tous, elle est belle la France ! Vous êtes moins fiers que ça face au grand banditisme ». - Calmez-vous ou je vous passe les bracelets (clignements des deux yeux en rafale). Puis juste après le commandant ajoute, étonnamment calme :

- Je vous propose un 'deal'.

- Vous avez l'habitude des dealers !

- Pauvre type ! Vous devriez réfléchir au lieu de vociférer bêtement. Je me force à un peu de calme :

- Où voulez-vous en venir ?

- Avez-vous un smartphone, un ordinateur ? Un accès à l'Internet ?

- Oui, pourquoi ?

- Voilà ce que vous allez faire, ne pensez-pas vous en tirer sans une participation, si vous voyez ce que je veux dire.

- Je ne vois rien du tout, vous m'accusez à tort et il faut que je participe, jamais il ne m'est arrivé une chose pareille.

- Vous avez peut-être entendu parler du site « lettre au Président » qui permet de lui adresser un message, une supplique sur un sujet qui nous tient à cœur. Ça tout le monde à le droit de le faire. Je vais vous donner l'url exacte du site, je ne l'ai pas ici, vous avez un matériel pour vous connecter à l'Internet ?

- Oui, je vous l'ai déjà dit, à mon adresse de location, j'ai mon ordinateur portable.

- Ce que je vous propose est tout simple à réaliser, revenez par ici à 15 heures, vous vous garez le long du trottoir en face de notre bateau, c'est à deux cents mètres plus bas, vous savez où ?

- Et si je ne trouve pas de place ?

- Il y en aura ! À quinze heures donc, mais pas d'entourloupe ! Vous vous connecterez sur la wifi de chez nous, on le fera ensemble, facile, comme je vous ai dit : avec l'url que je vous donnerai, on enverra le message à l'Élysée. À tout à l'heure, vous n'avez rien à craindre. Ma voiture est repérée, pas de doutes. Ils s'en vont, les douaniers et le gendarme, je reste seul sur mon 'rafiot', quelle histoire je vis ? Je souffle un peu après toutes les misères de ce matin, vais prendre mon repas sans appétit, prépare mon PC portable, bien sûr je ne peux m'empêcher de me poser des questions, pourquoi moi ? Il est évident que je suis victime d'une machination, je n'arrive pas encore à y voir clair, j'échafaude des scénarios… D'abord quelle coopération va m'être proposée ? Je ne vais pas tarder à le savoir.

C'est bizarre cette idée - une prémonition ? -qui revient sans cesse, je repense à mes jeunes années à Grosley où j'ai vécu des jours heureux grâce à ma tante et à mon oncle, je n'ai pas été très reconnaissant envers eux, ils est trop tard. Que vient faire la Russie dans cette histoire ? Quel rapport ? Il n'y pas d'explication rationnelle. À quinze heures précises le bateau de la gendarmerie est à l'accostage, ils sont sortis en mer ; je n'ai même pas de créneau à faire, la place est grande, le panneau d'interdiction a eu son effet ! J'attends une minute et sors, 'on ' va s'occuper de moi.

*

Grosley

Une image s'est toujours imposée à ma mémoire d'enfant chaque fois que j'essayais de retrouver mes premiers souvenirs de vacances chez 'tata' Germaine , comme je disais étant jeune. Je vois une ville en ruines, c'est peut-être l'été 1946. Pas certain, la ville était vraisemblablement Caen, pas encore relevée de ses cendres, les bombardements de la guerre étaient encore tout proches. Avec les Galland nous étions allés à Courseulles qui se trouve sur la côte normande pas loin de Caen, ils avaient eu une résidence secondaire à cet endroit avant-guerre comme on disait alors. Ce temps était encore proche pour eux, je me souviens qu'ils avaient essayé de se faire reconnaître par des commerçants dont ils se souvenaient très bien mais ces mêmes commerçants les avaient oubliés, je vois encore la mine déconfite de mon oncle et de ma tante… Que de bons moments passés dans ce petit village de l'Eure près de Beaumont-le-Roger, j'ai eu une chance inouïe de venir là quinze jours ou trois semaines chaque année. En ce moment-là je n'étais pas bien conscient de cela, moi le petit paysan de l'Orne où mes parents avaient 'atterri' en 1943 venant de la banlieue de Paris.

J'entends encore ma tante me dire «viens, on va aller voir Flo-Flo» j'étais encore tout petit en 46-47. Je me souviens que nous jouions à l'avion – je n'en avais pas encore vu de près – avec une pelle d'enfant en guise de manche-à-balai. Je crois qu'elle avait fait un voyage au Liban, en DC-3 . L'année qui a suivi ou celle d'après ? Je ne suis plus bien sûr, une autre petite fille est devenue la compagne de Florence, je la vois encore tout occupée avec ses aiguilles à tricoter, elle était vraiment petite, avait les cheveux très bruns, noirs même. Les années passèrent, chaque été je retrouvais mes compagnes qui grandissaient comme moi.

*

Je vous avais laissé entendre que les gendarmes « maritimes » et les douaniers tenaient à conserver des relations avec moi. Il va sans dire que la petite « manigance » qu'ils avaient mise au point à Valras leur permettait sans mal de m'inviter à une collaboration en apparence désintéressée, mais il y avait des limites que j'entendais bien leur faire prendre en compte à un moment ou à un autre ! Le commandant Trinquand avait depuis un certain temps rejoint sa base-mère, après la période estivale passée à Valras, il avait retrouvé St-Nazaire. Comme par hasard c'est là que les Mistral : le « Vladivostok » et le « Sébastopol» attendaient qu'on s'occupe d'eux ! Un soir du début novembre ce ne fut pas vraiment une surprise pour moi de recevoir un appel de mon « ami de Valras » le gendarme, qui avait une proposition de mission pour moi. Il poussa la délicatesse jusqu'à me préciser que je n'étais pas obligé d'accepter mais que vu les circonstances et le dossier qui était en sa possession …

- bon, où voulez-vous en venir? lui répondis-je. Il s'agissait de me rendre d'ici une quinzaine à Clermont-Ferrand pour réceptionner une équipe de spécialistes russes d'ingénierie maritime qui auraient à intervenir sur les Mistral pour désinstaller des équipements militaires, surtout les logiciels informatiques qui ne devaient en aucun cas tomber aux mains d'une puissance étrangère. Ces professionnels seraient accompagnés d'une interprète. Il faudrait que j'accompagne tout ce beau monde à Saint-Nazaire. Le commandant avait pensé à moi car mon Renault Espace semblait tout désigné pour cela. Ce qu'il ne savait pas c'est que ledit Espace était complètement H.S. Je pensai m'en sortir à bon compte. Je manifestais aussi mon étonnement quant au « crochet » de ces messieurs par Clermont, c'eut été plus judicieux, à mon humble avis ! de rejoindre St Nazaire directement par l'aéroport de Nantes. - C'est pour ne pas éveiller les soupçons ajouta-t-il, tout cela me laisse pantois, qu'ont-ils à cacher ? Pour ma voiture, ils s'en chargent ! Que demander de plus, ma femme et moi nous n'en avions pas espéré autant… Les modalités restent à définir, me dit-il, mais ce sera fait rapidement. La date et l'heure vont vous être communiquées un peu plus tard, réfléchissez à ce que je vous propose, je ne pense pas que vous ayez à y perdre, je vous rappellerai dans trois jours, pour le véhicule cherchez dans une occasion aux environs de six ou sept mille euros, je pense que c'est honnête, le Bon Coin regorge de véhicules du genre du vôtre.

Quelques jours passèrent, évidemment j'avais trouvé la voiture ad hoc, tout fut arrangé rapidement, leur caisse de secours, c'était les termes employés par le gendarme, avait servi une bonne cause (?) J'aurais pu jouer les dénonciateurs mais je préférai m'abstenir.

*

Les Russes

Le 23 novembre au matin, me voici fin prêt à l'aéroport de Clermont-Ferrand (CFE) pour accueillir « mes » Russes et l'interprète sortant du vol Britair-AirFrance. L'interprète est une Française d'une quarantaine d'années, d'allure sympathique aux cheveux châtain clair, plutôt de grande taille, quant aux cinq Russes, ils ne parlent pratiquement pas le français, leur âge s'étage de vingt-cinq ans à la quarantaine, ont le type slave, les yeux bleus, seul le plus âgé est de taille moyenne, tous les autres sont grands. Nous nous présentons mutuellement : Alain (moi) à Anne, Alexei, Danii, Bogdan, Fyodor, Dimitri. Un me semble particulièrement intimidé par notre interprète, un autre c'est plutôt le contraire, ils ont déjà eu le temps de faire connaissance. Ils sont arrivés la veille à Charles de Gaulle et ont même eu le temps d'aller voir la Tour Eiffel, ils sont très marqués par les attentats me dit Anne, elle a le charme slave, peut-être est-ce une idée que je me fais. Je ne participe pas beaucoup à leurs conversations, ma connaissance du russe étant nulle mais même avec l'interprète je ne me lance pas beaucoup, je suis un vieux timide ! Elle s'est installée d'office à l'avant, je ne sais pourquoi je m'imagine qu'elle est comme eux les Russes, qu'elle découvre la France, évidemment il n'en est rien, elle n'a aucun accent.

La navigation est facilitée par « Mappy , « Camsam » m'aide pour les radars...Google donne 5 heures 10 par l'A71 et l'A85, nous verrons bien, évidemment il y a les péages mais au diable l'avarice ! Surtout lorsqu'on ne paie pas ! Je serai défrayé. Il faut que je me fasse à mon nouvel Espace, pratiquement pas de différence avec mon ancien. Nous ne nous arrêterons que pour avaler un sandwich. Les conversations vont bon train à l'arrière, Anne s'immisce quelquefois dans leurs échanges... Arrivés à St Nazaire, pour moi c'en est pratiquement fini de ma mission, je laisse tout mon monde sur le quai où on aperçoit à faible distance les Mistral retenus par d'immenses cordages. J'aperçois le « Smolny », le navire russe qui avait amené les équipages chargés de convoyer les Mistral en Russie, je suis étonné de le voir encore à St Nazaire...Je crois reconnaître à une centaine de mètres un certain navire aperçu sous d'autres latitudes, ne cherchez pas, je veux dire à Valras. N'étant pas d'un naturel curieux je ne fais rien pour rester sur place et m'engage sur le chemin du retour après avoir salué chacun, Anne a insisté pour régler elle-même les frais de gazole et de péage, retour compris. Je passe sur celui-ci, il me sembla bien long, je dus m'arrêter sur une aire d'autoroute pour « piquer un somme », j'étais fourbu en arrivant au « Soleil » en Haute-Loire.

*

Le commandant de gendarmerie Trinquand avait en juin dernier, comme je l'avais mentionné plus haut, prévenu les services de l'Élysée sur les risques qui pourraient se présenter de la part de certains activistes pro russes de prendre possession d'un (ou des) Mistral. Bien sûr ceci n'était pas resté lettre morte : ces mêmes services élyséens avaient donné un blanc seing sans enquêter – semble-t-il – sur les intentions de ce gendarme trop zélé pour être tout à fait honnête, plutôt pour être tout à fait loyal envers le pouvoir qu'il a pour rôle de servir même s'il est surtout au service de son pays. Le commandant Christophe Trinquand est un homme respecté de ses subalternes, il est un bon mari, ses enfants sont fiers de lui, son épouse l'aime, ses supérieurs l'apprécient. Sa femme l'estime beaucoup, bien sûr comme toutes les représentantes de la gent féminine elle essaie bien d'en tirer le meilleur parti et comme presque tous les hommes son époux n'en est pas toujours conscient. J'ai reçu un mail de Michel L. très récemment. Je m'étais entretenu avec lui il y a plus longtemps de mon souhait de descendre à Valras et depuis cet épisode sur la Méditerranée nous n'avions plus été en contact. Il occupe, plutôt il a occupé – il est maintenant retraité – le poste de directeur pour la Russie d'un grand groupe pétrolier français. Son affinité avec le pays de ses ancêtres l'a fait opérer un rapprochement avec ce pays, quoi de plus normal ? Il est à l'aise dans la langue et a une parfaite connaissances des coutumes, de la culture russe, bref c'est son pays de cœur. La France son pays de naissance, il se sent bien dans ses deux pays. Il a deux enfants, deux filles, mariées, il est plusieurs fois grand-père. Dans ce dernier mail il tient à préciser ceci : « j'avais dit à Trinquand que tu descendrais à Valras, puisque c'est ce que tu m'avais précisé en juin dernier or ce que je n'avais pas prévu c'est qu'il se servirait de toi comme il l'a fait, je lui avais laissé entendre qu'il serait bien qu'il aille te donner le bonjour de ma part, c'est tout.  Je n'ai pas manqué de lui dire ce que je pensais de ses agissements ! » Enfin je commence à y voir plus clair ! Je suppose que le gendarme était passé à la capitainerie de Valras-Plage et que cela avait été un jeu d'enfant pour lui de trouver l'emplacement de mon bateau. Je ne manquai pas d'appeler monsieur Trinquand pour le « féliciter » moi aussi, il ne me parût pas particulièrement à l'aise ! La situation politique ayant -légèrement- évolué ces dernières semaines et même ces derniers jours, amena le commandant Trinquand à changer de position : passer du coup de force initialement prévu, avec tous les risques inhérents, à une attitude moins risquée pour lui et essayer d'influencer Vladimir Poutine pour qu'il accepte de rencontrer, presque dans l'intimité, le président français et le flatter un peu, ensuite il accepterait une demande de F. Hollande sur les frappes envers Daech-Etat islamique et l'amènerait à reconsidérer sa décision d'annulation de la livraison des Mistral ! Seulement cela ? Il fallait une certaine dose de culot ou d'inconscience. C'est Trinquand qui parle : « Je décidai de m'entretenir avec V. Poutine directement, j'avoue que c'était à la limite du raisonnable mais c'était jouable. Ne sachant comment concrétiser cela, j'appelai l'ambassade de la Fédération de Russie à Paris, leur expliquai que j'avais déjà rencontré leur président en Russie en compagnie de Michel L. de sa femme, de sa fille Anne/Anna, ils eurent la politesse de m'écouter jusqu'au bout, avec attention, je dis que j'avais quelque chose de très important à lui communiquer au sujet des Mistral. Le moyen de le joindre m'ayant été donné, Anne et moi nous préparâmes avant de nous lancer ! L'ambassade n'avait pas manqué d'ajouter que cette information était à la portée de tout un chacun par l'Internet, ce que je pus vérifier aussitôt, j'en fus même interloqué et dépité, moi qui pensais que j'aurais droit à un traitement privilégié. Le site « President of Russia » existe bel et bien, pour sûr, on ne « tombe pas » sur le président Poutine immédiatement, vous vous doutez bien ! Il y a plusieurs numéros d'appel qui permettent d'entrer en relation avec un secrétaire… il faut de la patience mais on y arrive. On peut aussi envoyer une lettre en ligne comme en France avec le système « lettre au Président » déjà mentionné». Mais là j'ai un doute sur le résultat.

Donc mon épouse me servit d'interprète, en russe, ce quelle sait faire à merveille. Je lui dis, après avoir rappelé une fois de plus notre rencontre il y quelques années en compagnie de Michel L. mon beau-père, qu'ayant appris sa visite à Oussoulx, Haute-Loire, (là il y eut comme un blanc, le président russe n'ayant apparemment pas mémorisé ce nom de lieu, il fallut lui rappeler certains détails mais il dit « ok, je me souviens , juste après le lancement de la Cop21 à Paris-Le Bourget ? », je me permis de l'informer du voyage que le président F. Hollande prévoyait de faire ce même jour à Lunel dans le sud de la France où il devait se rendre à l'inauguration d'une mosquée et lui dit que ce serait bien pour nos deux pays s'il acceptait, lui le président de la Russie, de rencontrer son ami le président F. Hollande en ce lieu, Lunel n'est pas très loin d'Oussoulx... Là, ma chère Anne verdit un peu et grimace, encore un blanc ! Elle ne dit plus rien, j'imagine Poutine pour le moins indigné qu'on se permette de lui faire une telle proposition, ma femme me dit « je te le passe ! » n'en pouvant plus !

Et là c'est à moi de me défendre seul. Je m'exprime dans un anglais basique en bredouillant, j'entends Poutine qui s'énerve dans sa langue, je réponds du mieux que je peux avec ma connaissance du russe encore plus basique. Je comprends vaguement qu'il n'apprécie pas notre intervention, ne sachant pas comment m'en sortir, je m'accroche soudain à cette idée : essayer de lui faire comprendre que je soutiens « la » cause, il ne comprend pas (ou feint ?) Je n'en puis plus, je reviens à l'anglais et dis que c'est moi le gendarme français gendre de Michel L. qui ai reçu dernièrement les « spécialistes » chargés d'intervenir sur les Mistral, encore un blanc (il le fait exprès ? Ou quoi ?) Puis, miraculeusement tout s'éclaire chez mon interlocuteur (il aurait pu ne pas être informé de cela aussi) et se détend. Vladimir Poutine est enchanté de mon intervention au-delà de ce que je pouvais espérer ! Il y a encore deux minutes c'était mal engagé. Il me remercie et dit prendre les choses en mains envers son ami Hollande, il s'occupe de tout, il ajoute qu'il est persuadé que le président Hollande va accepter cette idée de voyage commun après la Cop21, le seul problème dit-il à mon épouse – qui est de nouveau en ligne avec lui – est le facteur temps : il en reste peu. Nous le quittons maintenant.

Anna est semble-t-il un peu en colère contre moi, l'épisode de l'entretien téléphonique avec Poutine lui a mis les « nerfs en pelote », elle me traite de pervers narcissique et de manipulateur, quand nous en en sommes là dans les échanges, c'est que l'humeur n'est pas au beau fixe. Évidemment, et toi tu n'es pas une manipulatrice ! La Russe c'est toi, qui entraîne l'autre ? Et toi tu t'es bien payé la tête de ce pauvre type avec son rafiot ! Je ne suis pas sûr qu'il y ait perdu ! Quel argument ! Et ça continue encore un peu comme cela puis s'estompe, comme toujours.

*

Le bracelet  

Revenons un peu en arrière. Danii avait été l'invité de Trinquand à Saint-Nazaire après que l' « organisation » le lui eut recommandé. La saison d'été de ce dernier à Valras allait rapidement commencer, il devait emprunter la Gironde puis la Garonne et le canal du Midi, son départ aurait lieu dans les trois jours qui suivraient le retour de Danii en Russie. Les deux hommes s'étaient mis d'accord – avec l'aide importante d'Anna comme traductrice – sur l'éventuelle coopération d'un « commando » de Russes pour l'affaire que vous connaissez. Anna aime son mari mais sait-elle ce qu'est un véritable amour, un amour fort, puissant, qu'on ne peut endiguer ? Une femme aime son mari tant qu'il est un amant, au fur et à mesure que le temps passe, la morosité s'installe, donc pour rester amoureux on peut considérer qu'il est préférable de ne pas passer par la case mariage ! Comme beaucoup d'épouses, Anna aime bien l'expression à la mode pour désigner Christophe, surtout lorsqu'elle est courroucée alors que celui-ci est plutôt du genre « bonne pâte » envers sa femme, bien sûr on ne peut lui reprocher un manque d'ambition, il a peut-être une propension à se servir de son épouse pour arriver à ses fins, il n'est pas le seul – et la réciproque est tout aussi vraie - cela n'en fait pas un pervers pour autant. « Je me suis enfermé dans la rêverie » lui avait déclaré Danii quelques jours avant ce 18 juin, jour de son départ. Depuis lors Anna n'avait jamais cessé de s'interroger sur le sens de cette phrase. Cela pouvait-il avoir un lien avec ce joli bracelet en quartz rose qu'elle avait reçu quelques jours plus tard dans une enveloppe expédiée de Russie ? Cela semblait tellement évident qu'elle ne se posait même plus la question. Quand on connaît la symbolique de cette pierre on n'a plus de doutes sur la nature des sentiments de celui qui l'envoie...Sa sœur jumelle Diane (Diana) lui avait remémoré ce moment précis où Danii la dévorait des yeux alors qu'elle était assise à l'ombre de la tonnelle à la glycine bleue, Anna en vint à se dire qu'elle n'avait pas encore connu le grand amour. Que se passa-t-il dans sa tête ? Pourquoi prit-elle la décision, peu de temps après le départ de Christophe sur son bateau, de se rapprocher de Danii ? Anna : « Je ne vais pas pousser l'outrecuidance jusqu'à demander les coordonnées de Danii à Christophe, comment le retrouver ? Il faisait souvent référence à sa ville : Kalouga (Kaluga), j'ai recherché Danii Anissimov sur FaceBook, peine perdue, même chose sur Vkontakt (Vk.com) le « FaceBook » russe. Il me restait les « White Pages » de Russie, c'est fou ce que c'est facile avec Internet,  en plein dans le mille ! J'attendis un peu, le cœur battant et tentai ma chance ».

- Zdravstvuyte eto Anna (Bonjour c'est Anna) Je me trouve toute bête, j'ai près de dix ans de plus que lui quand même, il me semble qu'il se trouble un peu, fait mine de chercher qui je suis. J'ajoute :

- Anna de France - Da da, je te reconnais maintenant (nous nous étions rarement tutoyés).

- Comment vas-tu ?

- Bien, et vous, et Christophe ?

- Ça va bien, Christophe vient de partir pour la Méditerranée avec le bateau et l'équipage, je dis, confuse « merci pour le cadeau », un blanc puis « oh ! ce n'est rien ».

- Cela m'a fait un grand plaisir, sais-tu si tu reviendras ici ?

- Je ne suis pas certain, cela dépendra de Christophe, tu sais que je suis un spécialiste de l'équipement des Mistral, moi-même je me demande encore pourquoi il m'a fait venir en France, il est trop secret, je crois qu'il est entré en relation avec, une, comment dirais-je, une organisation pro-russe en France, tu le sais, oui ou non ? - Danii, mon mari me demande quelquefois de remplir le rôle d'interprète comme tu as pu t'en rendre compte, pour l'organisation pro-russe tu en sais plus que moi, lorsqu'il n'a pas besoin de moi, il ne me demande rien évidemment mais ne me tient pas a courant de ce qu'il se trame, comprends-tu ? Tu as mon numéro ? Bon, je t'embrasse... On se quitta là-dessus. Je réalise que je ne sais presque rien de lui, a-t-il seulement une « petite amie » ?

Je suis seule maintenant, mon mari est parti à Valras pour deux mois et demi, il est prévu qu'il revienne quelquefois, le week-end, pour remplir le devoir conjugal ? Le TGV de Montpellier à Paris puis encore le TGV pour Nantes, Je m'ennuie, mes enfants sont grands et n'ont plus besoin de leur mère. Un soir j'appelai Christophe pour savoir où il en était au sujet des Mistral, il me répondit, laconique « je ne peux t'en parler au téléphone », je lui envoyai un mail, pas plus bavard ! « Quand auras-tu une permission ? », « pas avant quinze jours » Bon, je ronge mon frein en attendant.

Il y a des activités de mon mari qui restent un peu trop dans l'ombre, j'aimerais bien en savoir un peu plus mais c'est un militaire et il a le culte du secret. Il remarqua instantanément mon nouveau petit bracelet rose, je lui répondis pour le taquiner : « un ami, tu laisses ta femme trop souvent seule ». « C'est la dernière fois que je m'éloigne aussi longtemps », pense-t-il ce qu'il déclare ? Quand je lui dis qu'il ne « s'étend » pas sur ses activités, il me raconte le « coup » qu'ils ont monté, la douane et lui, je réponds que ce n'est pas très sympa ! « Tu vois comme tu te comportes, c'est toi la Russe », une de ses expressions favorites. Ça sous-entend qu'il fait ça pour moi.

- Par exemple pour ton ami russe, quel est, ou sera son rôle ?

- Ah ! Tu l'aimes bien celui-là ?

- Pas spécialement, il m'est sympathique, sans plus. - Moi, je ne décide pas de tout, tu sais que nous avons une cause à soutenir, tous les deux, même si cela fait partie du non-dit, tu le sais bien.

- Où veux-tu en venir Christophe ? Tu sais très bien que tu as le culte du secret, de plus tu essaies de me faire croire que je suis au courant de toutes tes activités, donc que je suis de connivence, tu me manipules !

- Je sais, pervers narcissique etc,etc. Et quand tu sers d'interprète tu n'es au courant de rien ?

- Tu le fais exprès, tu sais très bien que tu me caches des choses !

- Je ne vois pas quoi, bien sûr je ne te raconte pas mes journées de travail !

- Tu sais très bien que je ne fais pas allusion à cela !

- Comme le dit une chanson « je t'aime encore mieux quand tu n'es pas là » ! Arrivé à la fin du week-end, le dimanche après-midi je reconduisis mon cher et tendre à la gare de Nantes. Je fus bien obligée de constater que nous n'avions pas beaucoup évolué. Et si je faisais un « saut » en Russie ? Non, je perds la tête. Il ne me reste qu'à attendre la suite des événements car je suis sûre que la situation évoluera mais dans quel sens ?

Après le retour de Christophe, à la fin de sa saison d'été à Valras, je fus chargée d'aller chercher « mes Russes » à Charles-de-Gaulle comme vous le savez. Et là nous n'avons pas résisté, après une soirée bien arrosée dans un restaurant de grande classe, notre nuit à l'hôtel fut une apothéose, en tout cas pour mon chéri Danii et moi. Le lendemain matin, nous n'étions pas très « frais » pour rejoindre Orly et prendre le vol pour Clermont-Ferrand. Notre crainte à nous deux, les nouveaux amants, était une indiscrétion, par les attitudes, les sous-entendus, les clins d'œil des collègues de Danii lorsque nous serions en présence de mon mari resté à St Nazaire. Un détail avait mis « la puce à l'oreille » du commandant Trinquand quand Anna avait insisté sur le fait qu'il lui cachait certains pans de son activité, en général il l'informait de tout ce qu'il entreprenait dans ce qui constituait « la cause », à savoir intervenir chaque fois qu'il le pouvait (plutôt dans son domaine de compétence) pour permettre l'amélioration des relations entre la France et la Russie, ça vous l 'aviez compris...Or il ne l'avait jamais entretenue de ses relations avec l'organisation pro russe en France, tout simplement parce qu'il n'avait pas eu besoin de ses services d'interprète (il reconnaissait facilement que ce n'était pas très « sympa » d'agir de la sorte). Puis le fameux goût du secret qui le caractérise ne lui coûta pas cher si je puis dire, n'ayant eu besoin de personne pour lui venir en aide. Or comment avait-elle appris cela ? Si tant est que c'est bien à cela qu'elle avait fait allusion…Danii, lui, est au courant de ces tractations donc de là à penser qu'ils entretiennent – peut-être – des relations il n'y a qu'un pas qu'il s'autorisa à franchir.

Vous vous souvenez de l'interprète de Poutine et de l'heureuse influence qu'elle avait « distillée » à l'Élysée, eh bien avant de rentrer chez lui, le président russe lui avait donné « quartier libre » (il n'avait plus besoin d'elle dans l'avion présidentiel).

Après une nuit à Paris, direction Montparnasse, là Irina prit le TGV pour Nantes, elle s'était mis en tête d'aller surprendre son chéri Danii à St Nazaire. Elle découvrait cette région, elle connaissait peu la France mais sa connaissance parfaite du Français lui permettrait de se déplacer sans aide. Il ne lui serait pas difficile de trouver le bassin où se trouvaient les Mistral et le Smolny. A Nantes elle loua une voiture chez Avis, elle savait se servir du GPS comme tous les jeunes. Or la première personne qu'elle aperçut en compagnie de Danii fut, vous savez bien qui, elle ne s'attendait pas à cela ! Elle préféra ne pas s'approcher davantage d'eux mais elle n'eut aucun doute sur leur relation - les femmes savent cela d'instinct – et battit en retraite. Elle loua une chambre dans un hôtel à bas coût et tenta d'élaborer un plan d'action, ils lui paieraient cet affront !

*

La Cop21

La Cop21, la conférence sur le climat commença le lundi 30 novembre, on reçut les grands de ce monde, Obama, Poutine, ces deux-là se remarquèrent à peine. Je suppose que Vladimir Poutine avait fait diligence pour contacter Hollande avant de quitter la Russie pour lui proposer ce voyage à deux, bien sûr les détails de leur arrangement ne me concernait pas mais celui-ci eut bien lieu comme nous l'avions prévu ».

Allain (moi) maintenant : C'est à Oussoulx que les responsables de l'établissement furent pris d'un peu court : ils attendaient Poutine et son interprète mais ils eurent droit aussi à la visite du président François Hollande, la presse locale se fit l'écho de cette réunion ; les malades du centre et le personnel écoutèrent deux discours puis l'allocution du directeur du centre le docteur … (j'ai oublié son nom, qu'il me pardonne). D'abord Poutine qui se dit ravi de visiter un établissement dirigé par la Croix rouge de son pays (même par l'ancienne organisation, sourires) et qu'il n'était pas trop tard pour réparer cet anachronisme lié à l'Histoire (sourire plus crispé du directeur). J'abrège, je n'étais pas présent on s'en doute, je relate ce qu'a dit la presse. Ce fut le tour de notre président qui ne s'étendit pas n'ayant pas eu le temps de préparer un texte personnel, il lut vaguement ce que lui avait préparé un secrétaire de l'Élysée qui lui-même avait contacté un certain Laurent W. personnalité de Haute-Loire (qui ne fut d'ailleurs pas présent, « empêché » avait-il dit). Le directeur du centre intervint à son tour puis un vin d'honneur fut servi et au revoir la compagnie ! Les invités d'honneur reprirent la route ainsi que la presse. L'hélico emmena les deux présidents et l'interprète de Vladimir Poutine vers l'aéroport du Puy-en-Velay où attendait le Falcon présidentiel qui se fit un devoir, avec l'équipage habituel de l'armée de l'air, d'emmener ce beau monde vers Montpellier-Mauguio qu'ils joignirent en moins de trente minutes. Là un autre hélico attendait et les transporta en dix minutes à destination : la mosquée de Lunel où des extrémistes avaient tenté il y a peu de s'imposer par la force. Ce n'était donc pas une inauguration mais une prise de parole suite aux incidents récents.

Ici je reproduis un extrait d'article du Midi-Libre du 28 octobre :

« Un homme, frappé à coups de poings, a été blessé C'est un groupe de jeunes fidèles - les mêmes qui sèment le trouble depuis plusieurs mois, notamment par des menaces verbales - qui s'en est pris à d'autres fidèles. Des cris ont été entendus de l'extérieur. Un homme, frappé à coups de poings, a été blessé. Le vote a été reporté dans la foulée ».

Il ne m'appartient pas ici de relater les paroles de notre président, le sujet étant extrêmement sensible vu, si j'ose dire, la population concernée. Vladimir Poutine, on le comprendra aisément, se garda bien de toute déclaration ! Je ne m'avance pas beaucoup en écrivant qu'il dut se demander ce qu'il faisait là. Hollande ne manqua pas de le présenter à l'assemblée, Poutine salua, de légers applaudissements vite retenus eurent lieu. Les présidents ne s'attardèrent pas, l'hélico redécolla, le retour vers Villacoublay à bord du Falcon 2000 de la République s'effectua rapidement, j'aurais bien voulu être petite souris, les rares journalistes à bord furent peu diserts, seul F. Hollande manifesta – paraît-il - un étonnement peut-être feint après que l'interprète eut terminé une phrase. La journée prit fin avec une réception à l'Élysée, les deux présidents manifestèrent une bonne humeur qui trancha sur le reste de la journée, on dit même que les journalistes présents dans le court laps de temps qui précéda le dîner, aussi bien russes que français se crurent autorisés à correspondre avec leurs agences de presse avec volubilité. Il se dit ce soir-là que deux nouvelles inattendues – pas pour tout le monde - seraient vraisemblablement portées à la connaissance des médias des deux pays en priorité. Hollande n'était séparé de Poutine que par l'interprète, cette jolie jeune femme au charme slave si enjôleur, il semble qu'elle ait eu ce soir-là un rôle d'importance qui fit tant et tant que la compagne du président, qui n'était pas présente mais put voir un court extrait que les médias ne purent s'empêcher de montrer à la fin du dîner quand ils furent invités quelques minutes, en conçut une jalousie non feinte ! Certains ont découvert il y a peu que l'interprète Irina Annikova serait une lointaine cousine De Vladimir Poutine !

Que va penser Barack ?

Les nouvelles en question ne vous étonneront pas tant que cela j'en suis certain. Entre la poire et le fromage, alors que la décision semblait inéluctable, François Hollande avec son sens de l'à-propos légendaire ne put s'empêcher de poser une question en anglais directement à Poutine : « comment as-tu pu savoir pour mon déplacement à la mosquée de Lunel ? », son hôte, pour gagner du temps et n'étant pas du genre émotif s'en sortit par une pirouette : « et toi comment as-tu su pour mon passage à la Croix Rouge russe ? », « mon cher, c'était un secret de polichinelle tandis que pour Lunel... », « et la Voix de la Russie ? Qu'en fais-tu ? Notre journal s'intéresse aussi aux événements en France ». Hollande ne sera pas dupe et enquêtera plus tard...Trinquand a du souci à se faire.

Le lendemain matin, la presse se déchaîne :

UN MISTRAL, LE SEBASTOPOL SERA LIVRE A LA RUSSIE

POUTINE REJOINT LA COALITION CONTRE DAESH *

L'interprète de Vladimir Poutine arrêtée dans le TGV

Irina fit tant et si bien qu'après avoir guetté de nombreuses heures de suite nos deux tourtereaux (elle n'avait pas été aperçue de Danii jusque là), et se trouvant en attente en double file, à une cinquantaine de mètres du passage protégé d'un carrefour très fréquenté qu'Anna et Danii empruntaient plusieurs fois par jour, elle mit le moteur en route, démarra en trombe et profitant d'une inattention d'Anna qui était légèrement devant son amant, la faucha à grande vitesse. Le choc fut terrible (Danii avait crié « attention ! » quand il avait vu la voiture foncer mais trop tard).

Anna gisait, inerte ! Évidemment le véhicule continua sa course. L'horreur ! Danii voulut se jeter sous une voiture qui arrivait à vive allure, le conducteur put stopper, descendit de voiture, des passants essayèrent de faire du bouche à bouche, sans effet, les pompiers et une ambulance arrivèrent très vite mais il n'y avait plus rien à faire ! Quand Christophe qui était sur son bateau au moment du drame arriva pour constater l'inacceptable mort de sa chère épouse, son infortune et la terrible réalité, ce fut pour traduire du mieux qu'il put les réponses de Danii aux policiers sur les circonstances de l'accident. Celui-ci précisa qu'il était quasiment certain d'avoir reconnu Irina, sa fiancée, au volant, il dit qu'Irina souffre d'une forme de jalousie « dévorante », incontrôlable, allant jusqu'à la perversion et qui peut lui faire perdre son « humanité » (ce sont ses mots), il dit qu'il a déjà expérimenté cela.

Soudain un déclic se produisit dans la tête de Christophe Trinquand : son épouse lui avait rappelé que c'était ce matin qu'elle devait se rendre à Paris auprès de ses parents pour l'anniversaire de son père, ses soixante-dix ans, alors l'abominable douleur qu'il avait ressentie jusque là se transforma en un état de jouissance presque incontrôlé, malgré le drame car il venait de reconnaître Diana, la sœur de sa chère Anna. Danii avait été le jouet de cette dernière, elle nourrissait une jalousie morbide envers Anna. Christophe sortait d'un épouvantable cauchemar, sa chère femme était encore en vie.


La police lança des procédures de contrôle dans la région particulièrement au départ des TGV pour Paris, ceux de 15H 16H 17H29 18H, ce dernier fut le bon ! Irina Annikova fut incarcérée, vous vous en doutez, elle expliqua qui elle était, l'affaire fit grand bruit dans la presse aussi bien locale que nationale, puis cette même presse se crut autorisée à divulguer ceci :

« Après un échange fructueux entre nos deux pays, aux niveaux les plus élevés, il fut décidé de lancer la procédure de libération de Mademoiselle Irina Annikova ».

*

Rien n'est terminé

La presse se fit l'écho de cette décision, on cria au scandale, l'affaire fut évoquée à l'assemblée, Michel L. ne put se résoudre à ce que l'assassin de sa fille soit remise en liberté, il se rappela l'époque où il avait du poids en Russie, décida d'en référer directement à Vladimir Poutine et se permit de l'appeler sur sa ligne personnelle, la communication fut établie ! (il avait encore de « beaux restes ») Il rappela à Poutine qui il était pour se permettre de l'appeler, lui l'ancien patron du groupe pétrolier français en Russie, il ne manqua pas de parler des liens qu'ils avaient entretenus il y a encore peu de temps, lui expliqua la raison de son appel et lui demanda de surseoir à la décision de libérer l'interprète.

Le jour suivant, Danii, qui se maudissait n'osa plus apparaître devant Christophe Trinquand et retourna en Russie. Il était en proie à un état dépressif, il se jura bien de plus jamais avoir Irina dans ses relations. Chaque nuit il repensait à sa chère Anna et ses rêves l'emmenaient vers elle, le réveil était une dure réalité, c'est plus d'une fois qu'il imagina mettre fin à une existence sans but. Néanmoins sa jeunesse reprit tout doucement le dessus mais il ne put jamais l'oublier. Il ne sut jamais la vérité.

Épilogue

Le président français, qui avait une bonne mémoire demanda une enquête sur le commandant Trinquand suite à son intervention auprès de Poutine dans l'affaire du Mistral, néanmoins il tint compte de la terrible épreuve qu'avait vécu sa famille et arrêta les poursuites.

C'est Vladimir Poutine en personne qui s'entretint avec Hollande au sujet de la libération envisagée d'Irina Annikova et après de nombreuses tractations tous deux convinrent qu'il était préférable de garder celle-ci en détention, elle pourrait éventuellement purger sa peine en Russie. Le Mistral « Sébastopol » prit le chemin de la Crimée par Gibraltar, les Dardanelles et le Bosphore, Erdoğan ne s'opposa pas à son passage, préférant garder un « profil bas » suite à l'affaire du Sukhoi abattu récemment à la frontière turco-syrienne.

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