Miss U
hieros
Marseille. Aujourd'hui.
Léo a 18 ans. Il a été élevé par son père, Vincent Ditalo. Sa mère, Chloé, est partie le jour de sa naissance. Son père a rempli les deux rôles et Léo n'a jamais ressenti de manque vis-à-vis de cette mère inconnue. Il a toujours expliqué qu'elle était morte. Les filles s'intéressent davantage aux garçons injustement frappés par le sort. Finalement, jusqu'ici, sa mère lui a surtout servi à compenser sa timidité. Pour lui, la femme reste un concept très abstrait. Son père a toujours fait en sorte de cacher ses aventures. Sans sa curiosité qui le pousse à fouiller dans les affaires de son père, il ne saurait même pas que Vincent fréquente des femmes. Quant à envisager qu'une femme s'installe pour vivre avec eux… Mais Léo comprend son père. Aujourd'hui, c'est même lui qui le protège. Qui lui tait combien il est difficile de draguer une fille, comme il se sent seul au milieu des autres, comme il s'ennuie si souvent… Il n'a pas de mobylette, trop dangereux aux yeux de son père. Il n'aime ni le foot, ni le flipper. Il ne dit pas non plus à son père que, parfois, au milieu de la nuit, il sort discrètement pour retrouver SON plaisir, sa montée d'adrénaline à lui : il grimpe en haut des grues de chantier, il sent le vent qui fait osciller doucement la pointe de la flèche sur laquelle il est assis, il voit la ville, il épie les dormeurs, il est le maître des songes. Il en frissonne de peur et de bonheur sans personne pour le blâmer. S'il cache ses sorties nocturnes à son père, ce n'est pas par crainte de représailles mais bien pour ne pas l'inquiéter. Léo est très prudent mais il ne parviendra jamais à en convaincre son père. C'est beau, Marseille, la nuit, surtout vu de haut : Léo filme tout, caméra Gopro sur le front, et compile ses plus grands moments de vertige et d'évasion sur son ordinateur. Sur le web, ses vidéos ont même des dizaines de fans qui profitent de la vue par écran interposé.
En plus de son père, Léo a aussi été élevé par celui qu'il considère comme son oncle, le plus vieil ami d'enfance de Vincent : Laurent, un type fascinant qui connaît tous les pays du monde, un grand médecin connu et respecté à Marseille. Lui aussi a bien connu la mère de Léo. Mais ils n'en ont jamais parlé. Léo a toujours aimé Laurent. Il est sous le choc lorsqu'il apprend que son « oncle » souffre d'un cancer fulgurant. Avant qu'il ne s'éteigne après six semaines d'agonie, dévoré par le crabe, Léo lui rend un dernière visite à l'hôpital avec son père. Laurent demande à rester seul avec lui quelques minutes. Vincent disparaît. Laurent tend une enveloppe kraft à Léo. Celui-ci se penche vers son « oncle » pour l'entendre murmurer : « Va voir Liane Derville à Paris. Son adresse est sur l'enveloppe. C'est très important. Fais ça pour moi. Quand tu l'auras rencontrée, donne-lui l'enveloppe. Promets-moi. ». Léo promet et l'embrasse une dernière fois avant de partir. Il n'a aucune envie de monter ou, plutôt, de grimper à Paris comme il aime dire. Mais il a toujours admiré cet oncle d'adoption et il a juré. Son père ne pose pas de question et respecte sa décision.
Deux jours plus tard, il sonne à la porte de Liane Derville. « Liane Derville ? Je viens vous voir à la demande de Laurent. Il vous connaissait. Il m'a dit que vous alliez m'expliquer ». Mais expliquer quoi à qui ? Ce gosse l'appelle par son nom d'agent et ne sait même pas qu'elle est sa mère. Elle, elle le sait tout de suite. C'est son père au même âge. Elle se rend compte qu'elle s'attendait à une visite de ce genre depuis un mois. Flash back Un mois plus tôt, Liane avait reçu un appel de Laurent. Comment avait-il eu son numéro ? Ses relations dans les ambassades, sans doute. La conversation avait été courte. Il était au courant pour le traitement qu'elle avait reçu. Etait-elle heureuse ? Elle avait sorti sa couverture habituelle, l'histoire d'une femme employée de bureau dans une compagnie sans frontière. Laurent avait raccroché rapidement, il semblait gêné. Elle avait oublié cet appel. Ou plutôt rangé dans un coin de sa tête avec une petite alerte. Son instinct d'agent. Il est tard, Léo ne peut repartir chez son père que le lendemain : elle l'invite à rester dormir et prépare le dîner. Pourquoi cette nervosité qui faisait trembler sa main en servant un verre à cet enfant inconnu qui est pourtant le sien ? Elle dont le cœur ne dépasse jamais les 60 battements/minute, même dans les situations les plus stressantes.
Lorsqu'elle est tombée enceinte de Vincent, Liane a été la plus heureuse des femmes. Elle l'avait toujours connu. De 10 ans son aîné, c'était le fils des meilleurs amis de ses parents. A 12 ans, elle était déjà amoureuse de lui. Ce que tout le monde avait pris pour une folie d'enfant était devenu sa vie. Mais la vie n'est pas un rêve d'enfant. Au premier examen prénatal, on lui avait diagnostiqué une sclérose en plaque. C'est Laurent, qui dirigeait alors la clinique, qui lui avait annoncé. Pronostic sévère. Questions de mois, au mieux d'années. Liane avait fait jurer Laurent de ne rien dire à Vincent, ni à personne. Secret médical : la tombe s'était refermée sur sa maladie. Léo était né un soir à 20h. A 8h, le lendemain matin, quand l'infirmière était entrée dans la chambre, le petit Léo était changé, nourri et dormait. Mais sa mère avait disparu. La perspective de souffrir et, pire, d'imposer le spectacle de sa déchéance à Vincent et à son fils l'avait terrorisée. La mort, soudain, avait détruit ce sentiment d'éternité qui portait sa joie de vivre avec Vincent. Par amour pour son fils et son amant, elle avait préféré disparaître d'un coup et leur épargner le spectacle de sa déchéance et de son agonie.
Liane comme Léo passent la soirée à s'observer à la dérobée, entre deux phrases convenues, sans briser la glace de leur face à face. Elle fascinée jusqu'au vertige par ce clone de Vincent, lui troublée par cette femme séduisante dont il ne comprend pas bien les liens avec Laurent. Il la dérange visiblement et n'a rien à lui dire non plus. Une fois couché, Léo renoue avec l'habitude qu'il a chez son père. Avec la discrétion d'un chat, il commence à fouiller l'appartement. Au fond d'une grande armoire vitrée, il repère un tiroir avec une poignée en cuivre. Il l'ouvre. C'est comme dans un film : démontée et bien rangée, toute la panoplie du parfait tueur à gage brille dans le noir. Pourquoi Laurent a-t-il tant insisté pour que Léo rende visite à une femme aussi dangereuse, sinon pour lui mais visiblement pour quelques autres ? En regagnant sa chambre, il ne peut s'empêcher de fouiller le sac à main de Liane. Il y trouve deux passeports. Ses jambes se dérobent sous lui quand il ouvre le plus abîmé et découvre le nom qui accompagne la photo de Liane beaucoup plus jeune : « Chloé Ditalo ». C'est sa mère.
Il lui restait peu de temps à vivre. A vivre normalement, en tous cas. Grâce à Laurent, qui avait longtemps travaillé pour Médecins du Monde, Chloé avait rencontré la femme de l'ambassadeur de Côte d'Ivoire. Elle lui avait expliqué sa situation, sans évoquer l'existence de Léo et de Vincent. Quitte à mourir jeune, elle voulait se rendre utile et n'avait rien à perdre. La femme avait affirmé qu'elle ne pouvait rien refuser à une amie de Laurent. Une semaine après son départ de la maternité, Chloé suait en pleine brousse ivoirienne, précipitée dans l'urgence humanitaire d'un camp de réfugiés. Elle agissait. Elle avait débranché son cerveau. Elle avait oublié jusqu'à sa maladie. De son ancienne vie, il ne lui restait qu'une photo d'elle dans les bras de Vincent, oublieusement cachée dans le double-fond de son sac. Un soir, à l'ambassade, elle avait rencontré Stephen, lui aussi agent des services. Il n'était pas beau. Mais très grand, un peu voûté, il avait des airs de Bruno Cremer, même dans la voix, qui la troublaient. Ils avaient couché ensemble. Ils s'étaient revus. Elle n'avait pu lui cacher sa peur de la maladie. Trois jours plus tard, il l'avait conduit à l'ambassade de France où elle avait été reçue, seule, par un homme qui lui avait mis un marché en main : un traitement secret encore à l'essai pour la sclérose en plaque contre un engagement de service en tant qu'agent. Elle avait tout de suite accepté. En sortant de l'hôpital militaire, ses anciens souvenirs semblaient avoir été effacés par les 15 jours de traitement qu'elle avait subis. Elle avait ensuite reçu un entraînement pendant deux mois avant de retrouver son poste d'aide humanitaire en africaine ivoirienne. La seule différence, finalement, c'est qu'elle avait désormais un Glock 17 dans son sac de voyage. Et que sa maladie ne la menaçait plus. La couverture parfaite au service de la françafrique. Une, deux, trois missions : l'habileté et la finesse de Liane Derville, nouvelle identité de Chloé Ditalo, lui avaient permis de faire ses premières armes sans tirer un coup de feu. Après quatre ans de bons et loyaux services humanitaires, Paris lui avait proposé un poste d'agent international à plein temps. Elle s'était installée dans la capitale.
Le lendemain matin, Léo se lève comme un automate, très pâle. Il se dirige vers la cuisine où Liane prépare du café. Il s'avance vers elle avant de lui tomber dans les bras et de pleurer sans bruit. Elle le serre très fort. Il sait. En déjeunant, Léo ne peut s'empêcher de poser la question qu'elle attend, celle qui peut-être brisera la glace qui les sépare : « Pourquoi est-tu partie ? ». Elle explique, il fait semblant de comprendre. Leur conversation reste tendue. Voyant l'heure, elle lui promet qu'ils se reverront bientôt mais qu'aujourd'hui, il doit rentrer chez son père parce qu'elle a du travail qui ne peut attendre. Léo devient ironique. Il sait donc pour ça aussi. Sur le trajet de la gare, ils restent silencieux et Liane donnerait son âme pour fuir la lourdeur des regards de son fils. Devant la gare, ils se serrent encore dans les bras. Puis elle remonte dans la voiture, sans un regard en arrière.
Léo en a profité pour se glisser dans le coffre de sa voiture, elle n'a rien vu. Elle se fouette l'esprit pour ne penser à rien et n'a pas non plus remarqué la berline noire qui la suit depuis la gare. A un carrefour, elle double la voiture de Liane qui a juste le temps de baisser la tête avant que les vitres explosent sous la rafale de Kalachnikov. Elle pile avec fracas. La berline poursuit sa route. C'est un avertissement, elle le sait. Du sang plein les mains à cause des éclats de verre, elle saisit son portable qui sonne. Stephen. Il la coupe avant même qu'elle ait eu le temps de lui expliquer la situation. « Quitte Paris immédiatement, rejoins Krakov à Dusseldörf, attends-moi là. Ne pose pas de questions, dépêche-toi, fais-vite ». Il raccroche. Liane conduit sa voiture jusqu'à un parking public. Là, discrètement, elle a l'intention de récupérer la valise de secours qu'elle place toujours dans son coffre. Du change pour une semaine, des armes pour tenir un siège. Quand elle ouvre le coffre, elle tombe nez à nez sur le visage blafard de Léo, encore sous le choc et effrayé par le sang sur le visage de Liane et les bris de verre sur les sièges. Liane saisit son sac de voyage d'urgence. Impossible de ramener Léo à la gare maintenant, c'est trop dangereux. « Suis-moi et tais-toi » lâche-t-elle. Impressionné et inquiet, Léo reste muet pendant qu'elle loue une voiture. Ils roulent ensuite sans échanger un mot jusqu'à la frontière allemande.
A Dusseldörf, elle lui demande de l'attendre dans la voiture. Elle monte chez Krakov. Il l'attend dans le salon. Mort d'une balle dans la tête. Elle réalise à peine quand elle entend les premières sirènes de police. Elle prend l'escalier de secours et se glisse dans la voiture pendant qu'une vingtaine de policiers allemands s'engouffrent dans le hall de l'immeuble. S'ils sont si nombreux, c'est qu'ils savent déjà : mais comment ? Qui a tué Krakov ? Qui les a prévenus ? Elle roule vers la sortie de la ville sans échanger un mot avec Léo. Un SMS, c'est Stephen. « Krakov mort. Fuis. Rdv habituel à H. ». Hambourg. Ils ont leurs habitudes au Radisson Blu Hotel. En passant devant un magasin de télévisions, Léo pousse un cri : le portrait de Liane apparaît déjà sur toutes les chaînes, elle est recherchée pour meurtre. Liane comprend qu'elle s'est fait piéger. Sur l'autoroute, elle s'arrête rapidement et explique la situation à Léo. On ne doit pas la reconnaître et leur seule chance de survie est de rejoindre Stephen à Hambourg. Avant cela, elle se coupe les cheveux très courts, sort une perruque, une robe et des chaussures de son sac. Elle les tend à Léo et récupère ses affaires une fois qu'il est changé.
C'est déguisé en femme que Léo avance jusqu'à la réception de l'hôtel, accompagné de cet adolescent aux traits fins qu'on doit prendre pour son fils. Il demande une chambre double et règle d'avance avec la carte de sa mère. Une fois dans la chambre, l'un et l'autre se changent à nouveau et Liane demande à Léo de descendre l'attendre au bar de l'hôtel, elle attend la visite de Stephen. Au bout d'une heure d'attente, Léo n'y tient plus et se glisse dans la chambre de Liane. En contre-jour, il voit la silhouette d'un homme genre DSK qui s'adresse à elle, masquée aux yeux de Léo par le chambranle de la porte. Mais il entend leur conversation. Elle l'appelle Stephen. Ils se connaissent. L'homme parle d'une enveloppe. Elle ne sait pas de quoi il parle. Léo se souvient et comprend : c'est l'enveloppe que lui a remis Laurent. Il l'avait oubliée. Il ne l'a même pas ouverte depuis qu'il l'a rangée dans la poche de son blouson. L'homme hausse le ton et menace Liane. Léo redevient un chat, glisse la main dans le sac de sa mère resté dans l'entrée et en sort le Glock 17. Lentement, pointant l'arme au bout de ses deux bras, il avance. Il entend un déclic, il connaît, c'est comme au cinéma, l'homme va tirer, il tire mais il s'effondre : Léo a tiré le premier. Liane est en sang, une balle dans le thorax. Avant de perdre connaissance, elle réalise que son fils vient de tuer un homme pour la sauver. Il est en danger. Stephen a trahi Liane comme il a trahi le service. Il a tué Krakov et s'apprêtait à la tuer pour une enveloppe dont elle ne sait rien. Cet avertissement à Paris, c'était lui aussi pour la faire tomber dans le piège de Dusseldörf. Tremblant, Léo se précipite vers Liane. « Ne bouge pas, je vais te conduire à l'hôpital » lui dit-il d'une voix qu'il ne reconnaît pas. « Non, non… » souffle Liane. « Pas ici… France… ». Puis le noir, elle perd conscience. Dans le couloir, Léo a repéré un chariot cuivré avec d'immenses bagages. Discrètement, il en fait glisser un jusqu'à la chambre. Il le vide et prend Liane dans ses bras pour la déposer dans la grande valise. Elle est plus légère qu'il ne l'a imaginé. Personne n'a, semble-t-il, entendu les coups de feu. Il s'est rhabillé en femme pour ne pas éveiller de soupçon et pousse la valise jusque devant l'ascenseur. Là, il demande à un groom de lui descendre son bagage jusqu'au parking souterrain. L'homme dépose la valise dans le coffre de la voiture et s'éclipse. Léo n'a jamais conduit : heureusement, Liane a loué une voiture à vitesses automatiques. Léo parvient à sortir du parking et se dirige maintenant vers Brême.
Au bout d'une heure, il quitte l'autoroute et se dirige vers un bois. Il ouvre le coffre et la grande valise. Liane a repris conscience. Il l'aide à descendre et étend une couverture pour que Liane puisse s'adosser à un arbre. Elle est très faible, elle a perdu beaucoup de sang. « Le sac, le sac… » lui dit-elle. Il lui tend. Elle en sort une trousse noire et lui demande de lui faire une injection. Morphine, pénicilline, pas de douleur, pas d'infection. Elle respire mal mais la piqûre la calme. Il fait encore chaud, c'est l'été mais Léo allume un feu devant Liane avant que la nuit tombe. Liane s'endort quelques minutes avant qu'il l'entende à nouveau. « Pourquoi ? Pourquoi ? » interroge-t-elle en le regardant. Il repense à l'enveloppe. Il la sort de sa poche et la déplie devant Liane : « Pour ça, peut-être ? ». Liane observe l'enveloppe avec stupéfaction : elle porte son adresse. Léo lui explique d'où vient cette enveloppe et sa promesse à Laurent. Il a tenu la première partie et rencontré Liane. Mais quand il a compris qu'elle était sa mère, il a complètement oublié l'enveloppe. « Ouvre, lis » murmure-t-elle. « Plus fort » ajoute-t-elle au bout de quelques lignes.
« Chloé, je sais que tu as changé de vie et changé de nom. Je n'ai jamais cherché à te contacter mais j'ai toujours su ce que tu vivais. Il y a 20 ans, j'aurais préféré mourir plutôt que de te laisser partir à l'étranger avec Vincent et ton bébé. Je t'ai aimée à la première seconde où je t'ai vue, tu avais 15 ans, j'en avais 26. Vincent était mon meilleur ami : mon amour était sans espoir. Mais je te voyais tous les jours et cela suffisait à mon bonheur. Pour mon malheur et le vôtre, j'ai trafiqué les dossiers médicaux : tu n'as jamais eu la sclérose en plaque. C'était la seule solution que j'avais trouvée pour te garder. Léo est né, tu es partie, j'ai tout perdu. Quelques mois plus tard, deux hommes m'ont mis un marché en main : ou j'acceptais de travailler pour les services français qui s'intéressaient beaucoup à mes relations ou ils révélaient dans la presse que j'avais trafiqué le dossier d'une patiente et brisé sa vie par convenance personnelle. C'est comme ça que j'ai su pour toi. Ils s'étaient servis de mon mensonge pour te recruter aussi. On travaillait tous les deux pour la même maison et ce lien avec toi m'a tenu vivant toutes ces années, malgré ma culpabilité. Il me reste peu de temps à vivre et aucune possibilité de racheter ma faute. Les deux seules choses que je puisse faire, les voici. D'abord ton fils qui se présentera à toi sans savoir que tu es sa mère. A toi de choisir si tu rattraperas le temps perdu ou pas. Ensuite, la liste complète des agents français qui travaillent pour l'Est. On ne vit généralement pas longtemps quand on diffuse ce genre de liste mais je serai mort avant que ça éclate. Pourquoi cette liste ? Parce que tu le verras, chère Chloé, c'est ton vieil ami Stephen qui est à la tête de ce réseau. J'ai toujours cherché à te protéger et je suis sûr que tu es aujourd'hui menacée sans le savoir. Fais bon usage de cette liste. Prends soin de toi et de Léo. Laurent ».
A peine Léo a-t-il fini de lire la lettre que deux hélicoptères illuminent la cime des arbres. Ils se posent dans un vrombissement de tremblement de terre. Des hommes en noir, armés et cagoulés en sortent. Léo n'a pas eu le temps de réagir que l'un d'entre eux placé sa main gantée sur sa bouche et il perd connaissance. A son réveil, il est dans une chambre d'hôpital et son père le regarde. « Ta mère a laissé un message pour toi » dit-il. Il déclenche le répondeur du Smartphone et Léo entend la voix de Cloé : « Mon Léo, nous n'avons pas eu le temps de faire connaissance. C'est une chance, tu vois, que je sois parti il y a 18 ans : en trois jours seulement avec ta mère, tu as échappé deux fois à la mort et tu as tué un homme. On ne m'a pas laissé le choix et j'ai du te quitter à nouveau. Ton père a fait de toi un garçon sublime dont je suis très fière. Ta mère qui t'aime et qui t'embrasse ». Pour la première fois de sa vie, Léo a l'œil humide. Son regard dérive vers la fenêtre et la grue au sommet de laquelle il avait hier l'habitude d'épier la ville. Il ne sait plus désormais qui épie qui. Mais il sourit. Il sait maintenant que sa mère reviendra.