Moi, bête au cœur de soie

Moi, je suis une poupée, une petite marionnette.

Toi, tu es mon maître, tu es « l'autre ».

Moi, je t'aime.

Toi, tu le sais et tu joues avec ce sentiment, avec mon corps tout entier.

Tu me fais tourner, tourbillonner, sauter, danser.

Alors, je me laisse faire.

Je tourne, tourbillonne, saute et danse.

Tu tiens la croix qui est à plusieurs centimètres au-dessus de ma tête.

Je suis reliée à cette croix par des fils transparents très fins.

Je ne t'ai jamais touchée mais je me sens si près de toi.

J'aimerais que tu continues éternellement à me faire danser.

Mais toi, à un certain moment, tu te lasses toujours de moi.

Alors tu m'abandonnes et tu vas rencontrer d'autres marionnettes.

Je t'appelle pour que tu reviennes, pour que je ne disparaisse pas de ta mémoire.

Mais tu ne fais que me jeter un coup d'œil.

Moi, je t'attends. Moi, j'espère.

Moi, je t'attends toujours. Moi je désespère.

Après m'avoir laissé pendant un certain temps dans ma folie, tu reviens vers moi,

Et je peux à nouveaux bouger, me dégourdir un peu les jambes.

Mais ce temps de bonheur ne dure jamais très longtemps.

Tu repars en me laissant dans une position la plus inconfortable qui soit.

Tu me fais comprendre que c'est toi le maître, c'est toi qui décide, c'est toi qui me manipule.

Ces fils qui me rattachent à toi s'épaississent de plus en plus.

Mais pour l'instant, elles sont tellement fines que je pourrai facilement les déchirées pendant ton sommeil et partir loin, loin de toi. Devenir libre. Devenir moi-même pour me trouver un nouveau propriétaire, un nouvel « autre ».

Mais non. Moi, bête au cœur de soie, reste là à t'attendre toi et à attendre que ces fils grossissent.

Parce que je t'aime moi et que je veux que ce soit toi, « l'autre ». Je veux que ce soit toi, qui me fasses tourner, tourbillonner, sauter et danser.

Et danser…

Et danser.