Moment Ronsard
Vincent Vigneron
C'était une galaxie au bout du couloir
Un matin de grande tendresse pour la gueule de bois
Loqueteux, en liesse, sans frange de velours sur le bord des cils
Le lit était laissé à l'abandon
Le lit était laissé à son usage, à son jus
Il gardait une couverture sous sa dent comme une vengeance froide
Après avoir beaucoup décapsulé
Il faut dire que nous étions tombés
Sur le sol, sur le parquet, sur le sol de la véranda à l'esprit large
Nous étions une fête tissée un matin où Pénélope crut bon de la jouer à l'envers
De revoir à la baisse son ouvrage de fils emmêlés
Il y avait un chat sobre
Comme un cherchez l'intrus dans le panorama
En miaulant il passait, il frôlait nos doux dingues
Nos corps d'hommes-canons après l'accident
Une coupe de lait intacte pour son plaisir
S'écrémait en pure perte dans le soleil naissant de la cuisine
Nous étions frères jusqu'à un point de cuisson inédit dans l'adn
L'aîné gardait de fraîches et d'anciennes cicatrices sur toute sa face, territoire de chutes
Parchemin, par ici le chemin rédemption après une demi-nuit
Lassé de ronfler je m'étais éveillé
Encore tenu dans une camisole, pourtant sans vêtement
La barbe avait fait son office durant la nuit
Sa devise : ''pousse, ignore tout des méfaits''
Ignore tout des gars en short de jean sans aucun rapport avec la saison
Avec l'humeur du maître des lieux
Je grattais cette barbe à la recherche d'une lumière douce et non de son climax
Forte et sans fard, elle me trouva
Me guida, fleuve sans berge, vers le jardin
C'était au bout du couloir
On traversait des traboules de fleurs en pot dans l'ancienne véranda
C'était une planète inconnue de moi la veille encore cette pièce contiguë
Elle semblait la roseraie d'un moine mauvais en prière
Elle était prise de tête, anarchique
Avec des remparts de verdure sur les bourgeons les plus fragiles
Passé un moment d'inquiétante étrangeté, de désorientation par l'apnée
Je gardais migraine sous le coude
J'oubliais yeux martelés par le jour
Je calais ma respiration sur celle de la serre
Enluminé par ses franges à peu près de velours
Par ses arabesques en mieux
Par ses herbes autrefois appelées ''simples''