Mon ami de l'Arsenal

Pascale Pli

Aujourd’hui je n’ai pas le temps

De descendre à Bastille tout simplement

Marcher quelques pas pour m’approcher de l’eau

Accoster un instant parmi les bateaux.

Alors sur une feuille blanche,

Je jette l’encre au recto, au verso,

Larguant les mots.

Je vous confie un ami que j’aime par tous les temps,

Un peu canal, mais pas banal.

C’est à Paris le Port de l’Arsenal. 

Mon ami vit depuis longtemps

Un peu caché, retranché

Du brouhaha et du surmenage de la ville

A peine effleuré du bruit, au pied de la Bastille.

Il offre un havre de paix

Où seule l’écluse, s’ouvrant sur La Seine

Les jours de brouillard et de pluie

Lui rappelle la Normandie.

Autrefois il fut marchand

Le fruit de la vigne, du bois et du travail des hommes

Se déversaient continuellement sur ses flancs.

Mais ce fossé d’accotement ne fut plus suffisant

Pour alimenter les faubourgs de Paris grandissant

Que devait-il faire dorénavant ?

Larguer les amarres tout simplement ?

Non, il aimait trop les bateaux, Paris

Et par-dessus tout. Les gens. 

Décidé à ne pas rester à fond de cale

Il sortit tout son arsenal.

Ah ! Il n’avait rien de banal

Ce fossé ancré au cœur de la capitale

En 1983 il fut dédié aux plaisanciers

Le Port de l’Arsenal était né 

Le passage de l’écluse est le signal

Qui marque le début ou la fin de l’escale.

Certains ont fait le choix d’accoster

Pour une année, un mois, une journée.

Son accueil professionnel, amical

Offre toutes les commodités, la modernité

Et font de lui un port recommandé.

Il ne se laisse jamais débordé

Il a toujours une bouée de secours

Un gilet de sauvetage, pour dépanner

Un naufragé et l’aider à refaire surface.

Il faut dire que mon ami est connu dans le monde entier.

De France et de Navarre. Surtout de Navarre. D’ailleurs.

Ah ! J’avais oublié «Nul n’est bon port dans son pays»

Et encore moins dans son quartier.

Il lui arrive f'être méconnu à deux pâtés de rues.

De toute façon, quelle que soit votre nationalité

Croyant ou athée,

En bateau ou à pied

Chez mon ami

Vous serez toujours un plaisancier.

Il faut dire qu’il est charmant

Mon ami de Paris.

Il est plaisant, un rien dandy  

D’allure longiligne,

Il porte, sur les côtés de son emmanchure,

Deux berges assez larges

Où les touristes et les badauds initiés

Affluents, flânent, se reposent

Défilent à tout âge,

Sans craindre les carambolages.

Bien amarrés sur leurs chaises

Les plaisanciers jettent par-dessus-bord

Des regards familiers aux promeneurs.

Les badauds quant à eux

S’imaginent déjà montés à flots.

De toute façon chez mon ami personne ne reste le bec dans l’eau

Sauf les canards, mais c’est une autre histoire.  

Quelle que soit votre façon de débarquer

Chez mon ami vous serez un vacancier.

Sous les projecteurs et leur chaleur,

Les bateaux alignés se font bronzer

Comme des sardines,

Sans la criée.

On dirait Le Sud, la Méditerranée

Le temps prend son temps

A la terrasse du café.

Surtout à l’heure de l’apéro

En attendant l’resto.

Chez lui, les gens sont heureux

Plutôt cigales que fourmis.

Il parait même que le vent du sud

N’annonce pas la pluie.

Ah ! Oui ! Il a de l’allure mon ami

Un air de Côte d’Azur.

Pourtant il est à Paris comme il est à la Seine

Un amant à jamais conquis par sa reine.

Accolée aux berges pavées,

L’herbe publique sans repos

Se propose pour les pics niques, les bains de lecture

Pour les crocos bien sur !

Chacun bronze à son rythme

Navigue à vue, sans voile et sans moteur.

Continuez votre chemin, cap à tribord !

Entrez dans le jardin,

Profitez de son ombre et de sa fraicheur.

A l’intérieur des jeux pour enfants sont installés.

Pendant ce temps,  les couleurs, le parfum des roses et des fleurs,  enivrent

Envahissent les embruns des pergolas alentours

Il est temps de redescendre sur les berges

Les portes du jardin se ferment.

Je monte sur la passerelle

Je regarde le ciel

Le génie de la Bastille

Illumine et veille les bateaux.

Je jette un dernier regard à l’eau.

Je vois le reflet de l’ange qui s’anime,

Ailé comme la liberté, il danse, s’amuse puis s’endort

Bercer par les flots.

Je crois que chez mon ami

C'est le ciel et l'eau

Qui portent les bateaux...

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