Mon Ange

lena-siwel


Lettre-lettre.

…Vraie lettre comme avant, comme quand on était petits et qu'on écrivait, vraiment, plume, encre et papier ; sur fond d'ancres et d'embruns de sel, et le noir indigo de notre mer, malmenée par ce vent fou qui a arrondi nos caractères, lustré notre goût. Qui a fait de son mieux pour nous faire grandir et nous rendre meilleurs.

***

Monaco, ce jour,

Sans pluie,

Sans vrai froid,

Si ce n'est celui de ton absence sur les ondes électroniques,

… Mais je sais que tu es là.



Mon être-là, mon Ange,


J'ai fait un rêve qui ne voulait que toi, et puis toi et encore toi, un rêve-messager pour tous tes tois dispersés, un rêve déposé, tel un cadeau du ciel, derrière le voile de mes yeux enfouis dans un sommeil cousu.

… C'était un rêve qui ouvre mille chasses aux trésors, renverse les escaliers, inverse le cours du temps, remet les pendules à l'heure des heures plus légères, remonte le courant des vies en parallèle, se rapproprie le monde, l'étire, le réamorce, pour le recomposer à sa manière.

Un rêve sûr de lui, qui balaie les terres de bruyères, transforme les lansdscapes déserts et froids et humides des pays nordiques, en une terre caressée par des alizés caraïbes.

Dans ce rêve…,

Les Vents d'Anges avaient chassé les Vents Noirs.

Alors lui, Stéphane, avait rejoint le groupe de ceux qui se rallient enfin, et encore à la troupe des anges sur terre. Et ça se voyait, ça se voyait sur ses photos, même s'il ne se doutait pas encore à quel point son sourire était ce qui le soulevait, pour le faire entrer dans le chant des sphères. Car il avait, pour la première fois, souri, souri à nouveau. De ce sourire qui remonte vers En-Haut, pour nous relier à nos origines, et faire parvenir à notre Dieu nos mercis.

Il n'avait pas trouvé Paradis sur terre, mais les Vents Noirs s'étaient dissipés, à Porto. Réconfort silencieux d'un peuple sans artifice, d'un temps qui s'aérait, comme s'il avait eu la courtoisie de s'être retenu d'aller, ici, trop vite, pour aider les autres à garder, sur ses terres, la vérité de ce qui reste simple et fort. La certitude que tout cela existe encore. … Le temps avait bel et bien fait une pause pour lui permettre de retrouver une forme d'avant, une ancre, un goût salé, et puis une encre et un papier… Et il savait que c'était beau, c'était beau.

Alors elle l'avait imaginé…

Elle avait rassemblé tous ces moments de lui, pour le voir faire, faire et défaire sa vie. Pour la refaire. Elle avait réussi à mettre en marche sa Machine à Imaginer. Pour l'espérer, lui, l'espérer mieux, et puis l'espérer bien, et puis ailleurs, parti de Porto, revenu à Paris, dans ses quartiers, dans son métier, dans ses idées, ses dessins. Elle l'avait imaginé dans son train, en route vers ses racines aquatiques au goût salé et à la mer noire et en furie. Et puis et puis la machine à rêver n'avait plus fonctionné… Quels autres « lui » avait-il bien pu inventer ? Même si elle le savait habile à se reconstruire, comme les chats qui sautent des hauts murs mais ne meurent pas, elle s'était, d'un sursaut, réveillée : « Je t'implore car je ne sais pas, je ne sais plus… : alimente ma machine à rêver de toi, et dis-moi si les Anges Blancs ont bien fini de chasser les Vents Noirs !!! ». …

Alors, elle avait imploré son Ange, de l'aider, lui : « Viens, écoute-moi, je te le demande : pars vers lui ! Dis-lui que je l'aime, et depuis si longtemps ! Assure-toi qu'il va du mieux, qu'il le peut… ! Et aide-le à délier ses voiles pour voguer vers de nouvelles Indes ».

Et pour le supplier et le supplier encore, elle s'était accrochée à ses ailes. Quand il avait obéi, pour partir prendre des nouvelles de lui dans le loin qu'il saurait trouver, il avait laissé, entre ses doigts, quelques plumes blanches, comme le témoignage qu'il avait bien été là, et l'avait écouté.


C'est avec toutes ses plumes encore dans la main, elle avait refermé cette lettre-lettre,

Cette vraie lettre,

Comme celles du temps d'avant…

… Et les plumes de l'Ange étaient restées dedans.


« Dis-moi que tu vis ». Signé Romi.


  • du style.. il y a de tres belles phrases.
    j'aime bien "Et aide-le à délier ses voiles pour voguer vers de nouvelles Indes"

    · Il y a plus de 7 ans ·
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    Hi Wen

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