mon camarade
arthurm
Quel choix laisse-t-on au temps ?
sinon que de passer
couvrir de cheveux blancs
nos sourires édentées
les rides aux coin des yeux
et les tâches sur les mains
les souvenirs de jours
qui paraissent lointain
C'était pourtant hier
qu'avec toi je faisais
le rêve d'une guerre
contre les gens armés
où nous parlions des nuits
entières où tu disais
qu'il fallait qu'on s'unisse
et qu'on pouvait gagner
Autour d'une table
chez toi, dans un café
nous récitions les mots
que d'autres prononçaient
avant notre naissance
héritiers d'un combat
que nous savions vital
et nous trinquions à ça
Alors par tous les jours
où l'avenir tremblait
où les foules en colère
les pouvoirs menaçaient
nous étions dans les rues
nous battions le pavé
fantasmant de les prendre
et de les balancer
Plus à gauche que la gauche
même et plus encore
le sac plein de bières
et de ressentiments
nous portions le drapeau
noir et nous chantions
aux lendemains des peuples
à la révolution
Nous étions des milliers
et pourtant tu l'as vue
Et il n'y a plus eu qu'elle
dès l'instant tu l'as su
vous vous êtes mariés
dès le premier regard
Tous ceux qui vous ont vu
ont retrouvé l'espoir
De cet instant est né
une histoire deux enfants
un métier bien rangé mais
bon faut bien qu'ils mangent
et pourtant tout au fond
près du coeur et des tripes
tambourine encore la fureur
électrique
Alors quand ton corps
a dit « fini tout ça ! »
Qu'il ne t'es plus resté
des jambes que la parole
Tu as transmis aux tiens
le goût du vitriol
et l'amour du combat
pour tous ceux qui n'ont pas
Car c'est bien là le but
tant qu'on peut et on peut
de faire vivre la lutte
pour que « demain c'est mieux »
qu'on creuse des tranchées
qu'on atteigne des sommets
que le mot liberté
ne soit plus opprimé