Mon Cher (dés)Amour...
Sandra Von Keller
Mon Cher (dés)Amour,
Il me prend l'envie de t'écrire, tant ce jour ne cesse de défiler
J'ai contre mon ventre, ce cadeau symbolique que tu m'avais offert, le jour de mon anniversaire.
Il m'était parvenu par colis recommandé.
Cela faisait un mois que je t'avais quitté. Une année désormais.
Et pourtant, tu me faisais parvenir des mallettes de présents. Comme si tu en avais encore quelque-chose à faire.
Il n'y avait aucun mot. Pas une lettre. Pas une trace. Je vérifiais pourtant sous les moindres replis du carton.
Dans l'espoir d'y voir un fragment de douceur ou peut-être mon prénom.
Mais rien de tout ça. Simplement ces offrandes comme si elles m'étaient dues.
Je n'avais pas là, toute la générosité de ton amour, mais rien d'autre que ta rigidité farfelue.
Hélas, je n'arrive plus à porter ces boucles d'oreilles ou même ces chaussures.
Tout ce qui vient de toi me déchire, je t'autocensure.
Alors laissons-les dans leurs boites. Ne les ressortons plus.
Au risque de me retrouver complètement abattue.
Te souviens-tu, tous les deux ou trois mois, ma mère m'attendait sur le quai.
Tu pleurais en me voyant partir. Elle pleurait en me voyant revenir.
Des deux côtés coulaient des larmes. De tristesse et de gaieté.
Jamais je n'avais fait autant souffrir que sourire.
Alors que je quittais la mer bleue qui dominait les horizons et le soleil continuel.
Je retrouvais les champs à perte de vue, toute cette verdure et cette pluie habituelle.
Lorsque je revenais dans ma chambre, je la trouvais toujours d'une sérénité désolante.
Bien moins blanche et vide que la tienne, mais silencieuse et presque étrangère.
Comme vidée de toutes traces de mon existence familière
Les nuits étaient moins chaudes et bruyantes.
Plus de rats qui galopent, de voix lointaines ou de moteurs.
Rien qu'un petit grincement de girouette sur le toit de ma demeure.
Te souviens-tu, Nous lisions des volumes et des volumes de bouquins.
L'un à côté de l'autre en jouant avec nos pieds taquins.
Tu riais aux éclats, citait des passages, des répliques
en faisant de grands gestes avec les mains, des mimiques.
A mon tour, je te faisais part de mes coups de coeur,
mais tu n'avais jamais l'air de t'en préoccuper.
Combien de fois, d'ailleurs, je me suis cogné contre la paroi de ta passivité !
En revanche, tu prenais toujours soin de déposer un baiser sur mon front et mes lèvres avant de t'endormir.
Tu me disais "Je t'aime" jusqu'à ton dernier soupir.
Hélas, je me souviens surtout de nos derniers instants
Ce fameux mois de février où je suis partie en courant
Je t'ai dit "je pars quelques jours",
qui aurait cru que ce serait pour toujours...
Parapluie et sac sous le bras,
tu m'as accompagné jusqu'en bas.
Je montais dans la voiture, dans l'espoir qu'à mon arrivée,
j'aurai déjà provoqué en toi, le besoin de me retrouver.
Mais pas un message ni un appel téléphonique.
La décision était prise, il fallait que je te quitte.
Je ne pouvais plus supporter de te voir si impassible.
Je ne pouvais plus supporter de faire tout mon possible.
Pour n'être heurtée qu'à des portes qui restent fermées.
Pour être la seule à mener une bataille acharnée.
L'inaction est bien plus blessante que les grossièretés que l'on peut cracher à la figure.
Bien des couples se disputent, et quand bien même ils ne font pas dans la demi-mesure.
Je préfère avoir le droit à la haine plutôt que de me cogner contre une armure.
Tu sais, je me vois encore regarder par les grandes baies de la villa de Giulia. Il neigeait ce jour là.
En train de sangloter tout ce que j'étais en train de laisser derrière moi.
Tous ces souvenirs qui s'envolaient brutalement.
Toute cette vie à abandonner à mon plus grand détriment.
Ne plus pouvoir me rendre à la promenade des Anglais
tout en mangeant ces beignets chauds que l'on partageait.
Rester le soir, face à la mer sur les galets
ou sur le banc à contempler le soleil qui se couchait.
Et puis repartir main dans la main jusqu'au scooter
et profiter des brises légères, le casque ouvert,
la tête sur ton épaule, à soupirer de bonheur.
Ne plus prendre le même chemin à tes côtés de bon matin.
Ne plus avoir le droit aux éloges de cette vieille prof d'Art qui m'aimait tant.
Te souviens-tu, elle qui disait haut et fort "Je veux qu'elle reste, Sandra est le meilleur élément" !
Si seulement, c'était toi qui m'avait demandé de rester, ne serait-ce qu'un peu plus longtemps !
Mais te souviens-tu également de ces personnes qui disaient qu'on finirait assurément la bague au doigt ?
Qu'on avait tout l'air d'un couple qui avait déjà affronté vents et marées, comme si nous étions inséparables, toi et moi ?
C'est fou comme les apparences sont biens trompeuses.
Notre herbe paraissait bien verte alors qu'elle n'était que vaseuse.
Mais surtout, je me souviens de mon retour qui n'était pas des plus hilares.
Mes biens étaient déjà regroupés dans une pièce comme à l'affût de mon départ.
je revois ton visage lorsque je pliai bagage.
Immobile, pâle, sérieux et les yeux à l'abordage.
Pourtant tu es resté planté là, toujours aussi passif.
Comme j'avais envie d'écorcher ton regard si évasif...
Comment pouvais-tu rester là sans rien faire ?
A me regarder, moi et mon amie prendre mes affaires ?
Tu voyais nos souvenirs heureux s'envoler.
Toi, l'homme rude qui était toujours prêt à affronter.
Tu avalais ta salive en contenant tes larmes.
Mais pas un geste, pas un signal d'alarme.
Peut-être étais-tu paralysée par un mal perforant ?
Peut-être que le moment était bien trop perturbant ?
Peut-être réalisais-tu que notre histoire était telle un vieux livre que l'on connait par coeur ?
Inutile de l'ouvrir à nouveau puisqu'on sait à l'avance que la fin se termine dans la douleur.
Mais j'espérais mon amour, être la seule à vouloir rendre les armes...
Que tu me retiennes, que tu me prouves que rien nous désarme !
J'ai été bien dupe de croire que les mots allaient finir par se bousculer.
Que de ta bouche, ils allaient enfin pouvoir sortir et s'entrechoquer.
Au lieu de ça, j'ai dû faire face à ton indifférence
Et surtout au plus grand des silences.
J'aurai dû m'en réjouir, me dire que cela réduirait bien des souffrances.
Bien au contraire, le mal n'en était que plus dense !
Te voir aussi résigné, c'était mon mal du siècle.
Ne m'avais-tu jamais aimé pour nous laisser réduire en miettes ?
Nos adieux furent aussi brutales et silencieux que notre rupture.
Pas un mot, pas un geste, pas une étreinte, j'étais face à un mur.
Je te vois encore refermer ce fameux portail vert et blindé.
Pas le temps de me retourner une dernière fois, qu'il était déjà verrouillé.
Je fus aussitôt saisie d'une brûlure intérieure, comme une morsure me ramenant à la réalité.
J'éclatais en sanglots toutes les larmes que j'avais retenu par fierté.
J'ai pleuré tout le long du trajet sans pouvoir m'arrêter.
Je me disais ce soir là, que la pluie pleurait en ton nom.
Que plus jamais nos corps ne se donneront de frissons...
Je me demande alors s'il ne te reste plus que d'absurdes images et souvenirs écorchés ?
Ou ai-je complètement disparu de ta mémoire comme si je n'avais jamais existé ?
Sais-tu au moins à quel point j'ai pu t'aimer et comme j'ai bien de la peine à t'oublier ?
T'arrive t-il de repenser à mes sourires et à mes regards, t'arrive t-il de regretter ?
Ai-je laissé un grand vide où s'est t-il rapidement dissipé ?
Tant de questions me taraudent tant la bobine de notre histoire me semble inachevée.
Si cette nuit là devait recommencer, dis-moi, me prendrais-tu par le poignet ?