Mon plus beau baiser
rena-circa-le-blanc
Ca c’est produit il y a très longtemps, lors de ma pauvre et tendre jeunesse : c’était d’ailleurs pile au nouvel an. J’étais chez un bon ami, Aurélien, que j’avais affublé à l’époque d’un sobriquet peu commun à cause de son nom dont je ne parvenais pas à me rappeler ; ce surnom m’était venu par ce qu’il m’avait annoncé pour que je me souvienne de quelque chose de lui « quand j’étais petit, j’étais gros »… le nom est venu immédiatement : Petit Sumo. Il n’y avait pas les parents : du coup, ce fut boissons à volonté (alcoolisées et non alcoolisées !) et cigarettes pour les fumeurs. Ces derniers avaient même amené leur petite barrette. Ce n’était pas du chocolat, donc je n’en ai pas voulu.
Bref, la soirée commença bien, on ne buvait pas trop pour ne pas finir torchon chiffon carpettes, en tout cas pas avant le terrible décompte ! Je me souviens avoir parlé à tout le monde, saufs, en raison de ma trop grande timidité, à deux garçons, qui sortirent un moment. Poussée malgré moi par Amandine, la copine d’Aurélien, je parlais donc dehors avec eux, pendant très longtemps (il faisait froid mais j’avais devant moi de beaux mecs dont un était libre, alors, Amandine m’ayant donné des ailes, il ne me restait plus qu’à prendre mon envol) jusqu’à ce que nous soyons coupés dans notre conversation par les autres, à l’intérieur, qui nous appelaient. Alors il fallut bien que nous rentrions dans la maison, face à la télévision du Moyen Âge d’Aurélien. À mes côtés, lui, ce garçon si charmant, aux allures de Prince, il rigolait parce qu’il sentait que l’année suivante allait bien se dérouler.
10, tous les regards sont fixés sur la télé ; neuf, le mien commence légèrement à dévier vers lui ; huit, je le vois dans le coin de l’œil ; sept, je le vois, qui me regardes aussi ; 6, mes yeux se tournent difficilement vers la télévision ; cinq, au passage, je croise le regard d’Amandine, qui me fait un clin d’œil ; quatre, je lui réponds par un large sourire ; trois, la télé se retrouve de nouveau face à moi ; 2, un nombre incalculable de pensée se promène dans ma tête ; un, ça y’est, je ne peux pas le croire, l’année actuelle se termine, avec ce garçon tout à côtés de moi…
Zéro, enfin je vois mon soupirant tiré de l’autre côté. Soit, j’attendais de le revoir. Je prends les gens dans mes bras, chantant pour la bonne année qui commence, et ça y’est, je le vois de nouveau. C’est le seul qui n’ait pas pu me faire la bise pour me souhaiter la bonne année, et dès que nos yeux se rencontrent, tout se passe au ralenti autour de nous, les gens qui sautent partout en lançant des confettis, ceux qui en profitent pour verser les alcools forts dans leurs verres, ceux qui allument immédiatement leur cigarette, comme si cette soirée se passait dans l’espace. Sur la Lune plus précisément. Ses yeux ! Ses yeux bleus comme l’océan, si beau, avec un regard tellement sincère que j’ai l’impression de plonger dans cette mer de l’espace à la lenteur d’un escargot qui campe sur l’arbre le plus grand de la Terre. Je n’entends plus rien autour de moi, même la télé où ils font la même fête que nous, ici, même les gens qui se trouvent juste à côté de moi et hurlent sûrement vu la forme ovale que prend leur bouche.
Derrière lui, Aurélien et Amandine me regardent d’un air… Malicieux. D’autres s’apprêtent à se moquer de nous, mais peu m’importe à ce moment-là.
Il cligne des yeux une fois sans bouger, puis au second clignement, il se penche en avant, vers moi.et encore, et encore ! Plus que quelques centimètres ! Le décompte, le décompte ! 5, 4,3, 2,1 ça y’est, ses lèvres touchent enfin les miennes, je n’y tiens plus : je lui saute dessus ! Mes yeux se ferment pour mieux apprécier cette saveur si belle qu’est un premier baisait avec une personne qu’on ne connaît que depuis deux ou trois heures.
Mes bras sont autour de son cou, les siens enlacent ma taille. J’ai l’impression qu’il a il y a un feu d’artifice dans ma bouche et mes cheveux se dressent sur ma tête ! Quelle sensation explosive ! Je n’ai plus la force de penser à quoi que ce soit, alors je ne pense à rien.
Il enlève doucement sa langue de mon palais ! Non ! Je ne veux pas ! Je serre les dents et il émet un grognement. Finalement, je laisse faire. J’ouvre à nouveau les yeux, et plonge mon regard dans le sien. La réalité n’est pas encore là.
_ Bonne année, me souffle-t-il.
_ Bonne année.
Et au moment où il pose à nouveau ses lèvres sur les miennes, j’ai l’impression que cette fois, c’est un carnaval tout entier qui est arrivé, et autour de nous, tout reprend forme, couleur, auteur, sensations, mouvement.
C’est cette tendre et douce claque me ramenant à la réalité de l’année nouvelle qui a été, à ce jour, mon plus beau baiser.
Merci à vous deux !!!
· Il y a environ 13 ans ·rena-circa-le-blanc