Mon prénom

Un prénom habille la personnalité, lui donne un sens. On dit les Maÿlis sauvages, volontaires, indépendantes, dotées d'un caractère qui laisse tout sauf indifférent. Qui provoque passion ou critiques. Mais rien de mitigé, vague ou trouble. Ce sont de fières aventurières, capitaines de leur destin. De fait, le prénom Maÿlis est lié à l'élément puissant de l'eau puisqu'il signifie « goutte de mer » en langue hébraïque. J'aime mon prénom. Il me correspond tellement bien qu'on pourrait penser que mes parents me connaissaient avant la naissance. Qu'ils avaient senti quelle sorte d'enfant sensible et rebelle j'allais devenir. Maÿlis… Prénom issu de l'hébreu, aux sonorités contraires, qui hésitent entre la douceur de la première syllabe, arrêtée par l'élastique du « y », lui-même suscité par les trémas et la limpidité âpre du « lis ». J'ai l'habitude de dire que mon « y » serait aveugle sans les yeux des trémas. Ils apportent une touche d'originalité que je n'ôterais pour rien au monde. Le mot commence suavement, balance, saute à pieds joints dans les branches du « y », allume les deux points, puis s'élance dans l'aile du « l » et stoppe, brutal, sur un glissement net « is ». C'est bon, on y est. Maÿlis. Ce prénom, c'est comme une lame brillante, imprévisible, farouche, espiègle. La vie, c'est drôle. (Une phrase que je me répète parfois, avec un sourire qui tremble au bord des lèvres) Oui la vie, c'est drôle. Parce que mon prénom, on dirait qu'il m'a été destiné par quelqu'un qui me connaissait avant même que j'ouvre les yeux sur le monde. Quelqu'un qui a assemblé les lettres, dans ce sens et pas un autre, pour donner cet effet étrangement étrange, contrarié entre douceur et rudesse. C'est comme un coquillage, en fait. Lisse quand on l'aborde du premier doigt de la main, et puis mordant. Cette dualité qui est une force, finalement. D'extérieur forte, confiante et gracieuse, d'intérieur secrète, encaissant les coups en silence, et rancunière. Maÿlis, écart entre détermination et pudeur, élan et retenue, Maÿlis, déconcertante et compliquée. Source de renouvellement, de soulagement, le changement, histoire de garder indépendance et liberté, souffle d'air dans l'étouffement. Comme le « ÿ » est la charnière créatrice entre la délicatesse du « Ma » et l'envolée abrupte du « lis », qui éclate comme la corolle de la fleur. Un prénom que j'enfile tous les matins, car il est léger et enveloppant à la fois, bondissant par la dynamique des syllabes et rapide, rapide, rapide. Il s'échappe de la bouche, court, s'arrête, reprend, siffle à la fin. Quel dieu tête en l'air (donc plus averti que les autres) a façonné ce prénom, a animé les trémas, a dessiné la courbe harmonieuse du « l » qui mène à la fleur ?

Qui donne une âme à Maÿlis ? C'est moi.