Mon quartier (chap 1)
laventure
Le quartier où je vis est fait de petites maisons de pierre. Elles sont toutes identiques, construites en 1946 par le ministère de la Reconstruction. Ces maisons ont d'abord été réservées aux employés des PTT et de la SNCF. Depuis maintenant quelques années les propriétaires des années 40 disparaissent les uns après les autres. On voit donc s'installer une nouvelle population dont je fais partie. Ce quartier est un village dans la ville, les rues sont étroites, les maisons mitoyennes, les espaces verts sauvegardés, les jardins fleuris et les potagers bien entretenus.
Mes voisins les plus proches se nomment Jean François et Michelle, ils ont deux enfants, deux petites filles. Ils ont bientôt cinquante ans et font souvent la fête. Ils ont l'intention d'agrandir leur maison. Je ne les croise jamais aux manifestations, pourtant leur discours semble honnête. Ils profitent de la vie et de leurs ami(e)s sans vraiment se soucier du monde extérieur.
Au fond de mon jardin, j'aperçois l'habitation de Bernard et Béatrice. Bernard est un ancien conducteur de train de la SNCF. Il est à la CGT Cheminots. J'ai toujours eu un certain respect pour les gars du chemin de fer. Je les imagine toujours un peu noir de cambouis et de charbon, même si je sais que leur condition de travail ont bien changé. Il n'empêche, quand j'y pense j'ai des images d'Epinal dans la tête, des Gabin, des René Clément, des clichés de congés payés …
Bernard il fait du cidre. Une fois par an, au mois de novembre, il y a un gros tracteur rouge avec une presse à pommes qui vient se ranger sur le trottoir. C'est un peu la fête. Tous les enfants du quartier sont là de bonne heure, à peine réveillés, emmitouflés dans leur gros manteau, des fois encore en pyjama. Ca sent bon la pomme, et le mout humide. On goûte le cidre doux, on demande si la récolte a été bonne, s'il n'y a pas trop de fruits véreux. Pendant ce temps, les enfants font des barrages de feuilles mortes dans le caniveau avec l'eau de lavage des pommes, ils sont tout crasseux et contents d'eux.
De mon quartier quand le vent porte, on entend la ville qui se réveille.