Mon voeu embouteillé

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Prologue

763ème année de l'ère du Lycoris 


Les cloches de l'église sonnèrent quatre fois, résonnant dans toute la capitale du royaume d'Armanria. 16 heures. Cela allait bientôt commencer.

En plein milieu de la place centrale de la ville, se trouvait un échafaud. Et sur cet échafaud, une immense guillotine. Les plus jeunes frissonnaient, mais une curiosité morbide ne cessait de faire croître la foule. Les exécutions publiques avaient été interdites des siècles auparavant, mais le Grand Conseil, en accord avec le Temple, les avaient rerétablies "pour que Dieu prenne conscience des crimes des pêcheurs". C'était donc un évènement à ne pas manquer. D'autant plus que cette fois-ci, la condamnée n'était pas n'importe qui.

« Il parait qu'elle a comploté avec l'Empire de ShÌ, disait l'un.

- Et qu'elle aurait même tué ses propres parents, murmurait un autre.

- C'est vrai, elle n'a même pas versé une seule larme à leur enterrement, affirmait une vieille dame, je l'ai vu de mes yeux !

- Si jeune et pourtant si corrompue. »

Tout à coup, la foule se tût. Trois personnes montèrent sur l'estrade. La première était celle qui attirait le plus l'attention des habitants. Ses mains étaient menottées et elle n'était vêtue que d'une simple chemise et d'un pantalon de lin beige. La tenue des prisonniers. Ses cheveux blonds, autrefois longs, avaient été coupés sous les oreilles. C'était elle la condamnée. À première vue, elle n'avait même pas quatorze ans. Mais son jeune âge importait peu. Elle était une criminelle, une pécheresse, et elle devait être punie. Mais, étonnement, elle ne criait pas, ne pleurait pas, ou ne se débattait pas comme le faisait la plupart des condamnés. Elle ne tentait même pas de clamer son innocence. Non, elle gardait son regard rivé au sol. Elle était étrangement calme, comme si elle ne regrettait rien.

Il était aisé de deviner le rôle des deux hommes qui l'accompagnaient. L'un, habillé assez pauvrement et dont le visage était caché sous un sac, retenait la corde empêchant la lame de tomber : le bourreau. L'autre, habillé plus somptueusement, tenait entre ses mains un parchemin enroulé.

Une fois que le silence régna parmi la foule, le second homme déplia le parchemin et lut d'une voix assez forte afin que tout le monde puisse entendre :

« Lucille Bérénice Marie Adélaïde d'Armanria, princesse d'Armanria, pour avoir attenter à la vie du prince héritier et trahi le royaume, vous êtes condamnée à la peine capitale. Quelles sont vos dernières paroles ? »

Pour la première fois, la Reine déchue leva la tête. Ses yeux gris scrutèrent la foule, à la recherche de quelqu'un. Quand elle trouva la personne qu'elle cherchait, elle lui offrit un chaleureux sourire et dit calmement :

« C'est l'heure du goûter ! »

Puis, elle fut installée et le simple levier de bois qui allait lui retirer la vie fut enclenché. Un bruit métallique faisant grincer les dents retentit, rapidement suivi d'un sourd bruit de chute. Il était 16h10, et la princesse n'était plus. Les habitants restèrent silencieux un instant, puis un homme lança son chapeau en l'air, s'exclamant haut et fort :

« La traîtresse est morte ! »

Sa réaction entraîna plusieurs autres lancés et exclamations tandis que le bourreau débarrassait le corps – ainsi que sa tête – sans vie de l'estrade.

Cependant, cachée parmi la foule en délire, se trouvait une personne dont le visage était dissimulé sous la capuche de sa mante de laquelle dépassaient quelques boucles blondes.

Personne n'avait remarqué que, loin de se réjouir de la mort de la Reine, elle restait immobile à fixer l'estrade.

Personne n'avait remarqué qu'elle serait ses poings délicats tellement fort qu'elle retrouverait certainement ce soir-là dix petites demi-lunes marquées dans ses blanches paumes.

Personne n'avait remarqué la goutte de sang qui perlait à ses lèvres roses tellement elle les avait mordues.

Personne n'avait remarqué que durant tout le... Spectacle, elle s'était fait violence pour ne pas se ruer sur la scène, empêcher cette fichue exécution.

Personne n'avait remarqué que c'était elle que la jeune Reine regardait.

Rapidement, la foule commença à se disperser, faisant fi de la présence de la demoiselle en larme. Elle regarda encore un temps l'échafaud duquel on avait débarrassé le corps sans vie de la Reine. Ses petites mains se desserrèrent, comme à contrecœur, et elle releva finalement la tête, son regard étrangement sec dirigé vers le ciel. Lorsqu'elle libéra finalement ses lèvres de l'emprise de ses dents, ce ne fut que pour prononcer, un sourire forcé collé au visage, un seul et unique mot :

« Merci. »  


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