Mon Zèbre - Petit traité de la Douance
sadnezz
Posté le: 27 Nov 2018 12:48 Sujet du message: [RP] Les violents de l'automne
" Les faux sanglantes des Violents de l'automne
blessent mon corps d'une lenteur monochrome "
Oublié. Il avait oublié. Assis devant son missel qu'il lisait sans comprendre, Nicolas était ailleurs. Dans sa faute. Une faute grotesque. Les démêlés avec Rome n'étaient pas à l'origine de son oubli. Le coupable, c'était son silence. Le coupable, c'était lui. A l'intérieur.
Si Alphonse avait compagne, Faust lui, traînait Compagnon. Depuis toujours. Un sinistre allié, un sinistre ennemi, tout dépendait des jours, tout dépendait des situations. Silence était toujours là, perché sur son épaule, ombre planant sur les bavardages badins qui parvenaient à tromper les autres. Laconique Aconit... C'est ainsi qu'il était né, avec son trouble, couvé par son compagnon de tous les instants. Une barrière invisible se dressait toujours entre lui les autres. Zèbre. De bleu zébré de noir. Atypique. Mal à vivre. Bourreau de travail. Inadapté aux écueils de la vie. Zèbre. Haut potentiel en souffrance.
Les zèbres ne correspondent pas à la norme établie par la société. Ils ne la comprennent même pas, non pas qu'ils n'en n'aient pas les capacités, mais parce qu'ils ne peuvent la ramener à aucune réalité qu'ils puissent appréhender. Ils sont hors norme, fastement souvent jugés anormaux plutôt qu'à-normaux, c'est-à-dire en dehors , à côté de la norme... La réflexion Aconnitienne est toujours en arborescence. Chaque question soulevée en appelle une autre, invite à une nouvelle hypothèse, autorise d'autres recherches, d'autres expériences, sans que jamais cette insatiable curiosité ne soit suffisamment et convenablement nourrie. Comme un arbre qui pousse, dont les branches se développent et le feuillage s'étoffe, les zèbres voient leur conscience et leur questionnement s'épanouir constamment. Chaque ramification donnant naissance à une autre, Bleu ne sait comment arrêter cette réflexion perpétuellement insatisfaite, incomplète, inassouvie. Ne pouvant pas toujours accepter en soi que son entourage ne fonctionne pas de même, il cherche à satisfaire à ses questions sans y parvenir et se discrédite à ses propres yeux, se dévalorise et se considère incompétent. Incomplet.
Se sentir différent. Ne pas l'exprimer. Ne pas parvenir à s'apprivoiser. Apprivoiser ses peurs. Les laisser remonter de leur limon tranquille, pour exploser en une myriade de comportements inadéquats. Sensible prend de plein fouet les conséquences de ses actes, en coups de triques. Pourtant la différence peut être un atout... Et cette idée n'arrive pas à trouver son cheminement. Faust Nicolas passe souvent pour un contestataire, ses idées n'étant pas communes, dérangeantes. Ce fonctionnement le rend indomptable comme l'étrange équidé à rayures qui ne peut être domestiqué. Et les rayures ne sont absolument pas symétriques, comme ne peuvent fonctionner en symétrie les deux hémisphères du cerveau d'un surdoué... Dans un espace idéal, dans les situations les plus confortantes à cet être à part, les zèbres vivent ou se retrouvent en troupeau, se reconnaissant entre eux sans avoir la nécessité de le dire, et encore moins de se justifier. Un peu à la façon enseignée au Page... " Les gens qui se ressemblent savent se reconnaître". Pourtant bien entouré, aux heures troubles comme ce soir plongé à son missel, l'épisco-pâle se sent plus seul que jamais. Un main sur son ventre, en vrac. Congestionné.
Personnalité prend le pas sur tout. L'empathie, l'extrême sensibilité, le doute, la culpabilité permanente de se savoir différent et impuissant à gommer ces différences, font du jeune évêque sa propre cible. Ou rayures difformes se distendent et se courbent, se frôlent et s'espacent, pour former de parfaites formes circulaires. Comme une goutte d'eau dans l'onde d'une Rivière. Cette sensibilité lui permet de comprendre l'implicite, l'indicible. Pourtant cette remarquable perspicacité semble disparaître, ou du moins ne lui est plus d'aucune utilité quand il est confronté à une situation qui se délite et lui échappe. Il devient aphone. Manchot. Branche d'arbre désirant se fondre dans le décor. désarmé. Il faut alors désespérément chercher une explication rationnelle, logique, justifiante... Son perfectionnisme hélas doublé d'une grande lucidité, génère régulièrement un sentiment d'incapacité et d'échec devant le non aboutissement de ses projets. Il focalise particulièrement sur ses défauts et s'empêche de voir ses qualités et ses compétences. Facilement enthousiaste quand il mène à bien une entreprise, il peut paraître prétentieux. Et ses difficultés d'adaptation l'éloignent encore plus de la norme.
Faust parait alors souvent difficilement manipulable, comme un drôle d'objet dont on ne parvient pas à déterminer les contours. Les autres ne savent pas comment s'adresser à lui. Eux-mêmes sont en souffrance, et vivent avec un sentiment de décalage. Peut être qu'en y regardant de plus près... Montfort ne se sent pas lui-même différent, mais que le monde est différent de lui. Alors Compagnon est là pour le cajoler... Pour le bercer de ses bras apaisants. C'est bon d'avoir un Compagnon... C'est doux. C'est rassurant. Sur l'instant.
Il aide à ne pas se sentir toujours imposteur, particulièrement dans ses réussites. Et quand aussi paradoxalement, Faust trouve plus de justification à la critique qu'au compliment, ne comprenant pas qu'on l'apprécie, qu'on s'intéresse à lui, qu'on l'aime pour ce qu'il est, Compagnon est là pour tout atténuer. Atténuer les réflexes sabotteurs... Ceux où l'épi blond peut se mettre en échec, afin de dissimuler des facultés de compréhension et de réflexion hors norme. Ceux où le chercheur de Géodes peut devenir agressif ou se mettre en danger, adopter des comportements délictueux et destructeurs pour lui-même, préférant la fuite plutôt que de devenir un poids.
Zèbre. Haut potentiel de doute. Fauché, il n'a pas les mots pour se protéger ou repousser les critiques du monde. Faust se replie sur lui même, roulé dans l'épaisseur Matrice de son Compagnon. Comment c'était, dedans? Est-ce que sa Mère avait aimé l'abriter? Savait-elle qu'il était différent, pas de cette différence que l'on octroie orgueilleusement à son enfant, mais de celle que le monde n'aura de cesse de jauger d'un œil juge? L'avait-elle pressenti, était-ce ce qui avait justifié, in fine, l'abandon?
L'abandon. Sinistre mot. Sinistre sentiment. Sinistre peur. Compagnon Pourfend tous les abandons. Oublier, c'est abandonner aussi. Et Faust, ce jour, avait oublié. Les runes. Les bons moments. Il avait momentanément... Oublié. Blessant Alphonse en son fort intérieur. Et dieu qu'il s'en voulait.
Voir le monde sous son prisme était une gageure. Il le savait. Piégé par ses facultés, cette acuité qui les rendait extensibles. Faust avait parfois le drame de comprendre ses propres mécanismes, et de les détester. Fonctionner comme un élastique, toujours en tension entre la normalité et le fonctionnement de son cerveau. Le laisser toucher , le voir réagir, se mettre à vibrer, sensible à tout mouvement. Relâcher l'élastique... Savoir qu'il ne sert plus à rien. Avoir besoin de cette tension, d'être constamment sollicité. C'est une stimulation nécessaire.
Carré dans un rond, Faust se sait parfois montré du doigt, soumis à la vindicte, mal adroit. Il cristallise les problèmes familiaux, incapable de maintenir de saines relations avec Dana. Avec ceux qui comptent. Comptaient. Très empathique, le besoin de s'investir auprès de son entourage est permanent, d'être bienveillant, de trouver des solutions, d'éviter les conflits, très paradoxalement. Bien qu'en surface, Compagnon règne, dans sa forteresse de verre il réagit aux compliments, aux attentions et aux reproches, rares reproches. Faust est si bien entouré...
Parfois autoritaire, il n'en reste pas moins soumis à l'autorité, à la hiérarchie, aux règlements et au Droit. Possédant un sens aigu de la justice, ne comprenant pas qu'on y déroge, qu'on fasse mal, ou qu'on soit cruel, ils cherche continuellement à résoudre une situation, toute complexe soit-elle. Et quand l'issue parait trop inacceptable, Compagnon est là.
Oui, le blond épis était une longue équation, et qui n'était pas fin mathématicien ne pouvait pas s'y résoudre.
[A l'intérieur
Il y a tellement de choses que je ne comprends pas
Il y a un monde à l'intérieur de moi que je ne peux pas
expliquer
Beaucoup de pièces à explorer, mais les portes se
ressemblent
Je suis perdu, je ne peux même pas me rappeler de mon nom]*
*Within - Daft Punk