Monde à l'endroit

Christian Lemoine

Vos pas, vos voix, vos visages. Des ombres éclairées saisies par effraction entre les marches des gradins. Des emports de colère et de détresse, des litanies de femmes et d’hommes simplement arrachées aux glèbes anonymes pour venir briller un soir dans des chaleurs électriques. Des voix. Vos voix. Des mots d’autres devenus vôtres, des vôtres mots proclamant par vos gorges déployées les mots des humiliés, les mots des apatrides, des affamés, des expulsés, les mots des épuisés. Des pas. Vos pas, vos rythmes. La scansion obstinée des récalcitrants. Des visages, vos visages. Différents, changés, pour donner la vie à des aurores encore inattendues. Vos visages. Ceux-là, qui s’éloigneront dans le feu diminué des projecteurs. Encore ceux-ci, moins nombreux, plus sertis dans l’âme recluse, qui lui seront parfois consolation, quand elle saura glaner dans vos mémoires l’étai des fraternités impératives. Vos visages, un visage. Une vie. Le concours contingent de quelques trajectoires. Un feu courant. Puis le retour au silence, et que chuchote encore malgré tout tel regard qui ne s’efface pas.
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