Monologue de Bérénice
Lilya Saude
Bérénice, seule.
BÉRÉNICE
Bérénice… Où en es-tu? Que fais-tu ici? Seule… Titus, ce beau Titus ne m'attend plus. Que fait-il? Tant d'ignorance en toi, Bérénice. Il faudrait que tu te réveilles. Réveille-toi de ce beau rêve fait d'amour et de volupté. En fin de compte je sais où tu es, Titus. Tu es loin. Tu es parti. Parti pour les contrées lointaines de Rome. Loin de moi et de l'amour qui t'entourait. Ô Bérénice… Tu as donné ton corps pour un empereur. Il ne te choisira pas. C'est Rome qui a décidé pour toi Titus, pour nous, pour la passion de deux corps en harmonie. Arrête Bérénice, je t'en supplie. L'amour t'apporte la souffrance, te ronge, te tue… Mes larmes coulent, mais le vent de la nuit froide les séchera… Un jour. De mes yeux, je vois les dunes, je vois le sable qui brûle sous les pieds. Je vois l'oasis. Cet oasis qui est aussi inaccessible que ton amour. Cette eau pure que les hommes cherchent à atteindre. Cette eau qu'il n'auront jamais. L'eau, c'est toi Titus. C'est toi mon Amour, mon Malheur. Et je ne t'aurai jamais. Rome en a décidé ainsi. "Rome le veut ainsi, Rome a dit, Rome en a décidé autrement…" Assez ! Prend la parole Titus ! Confesse à ton empire tes souffrances et tes passions… Qu'attend-tu? Qu'attend-tu toi aussi pour te réveiller? Ne crois-tu pas que j'attends, moi? Dans ton regard il y a la douceur. Mais je te connais ! Je t'ai côtoyé, et ton regard n'est que fourberie ! Lâche ! Le ciel à compté tes journées. Le ciel à compté mes nuits à pleurer. Comment oses-tu? Comment peux-tu? Comment arrives-tu à écouter ton peuple avec l'amour que je te porte? Mon amour ne vaut-il pas tout l'amour du monde? Tout l'or du monde? Toutes les journées ensoleillées? Toutes les nuits douces à Rome? Toutes les victoires? Toutes les lois? Tout le ciel? Tout l'univers? Dis moi, Titus, ouvre-toi, confesse-toi ! As-tu déjà pleuré pour moi, Titus? As-tu déjà fais des rêves presque idylliques? T'es-tu déjà battu pour moi, Titus ? PARLE ! Bérénice… La colère et les pensées malsaines te hantent, te mangent… Comment puis-je me calmer? Comment puis-je m'arrêter? Comment puis-je respirer lorsque ma vie est de l'autre coté de la Terre? Ô, Titus… Que faire sans toi? Me revoilà seule comme le jour avant notre rencontre. Mais ma solitude est extrême. Ce n'est pas n'importe quelle souffrance… C'est ma souffrance. La souffrance d'une reine orientale. D'une reine qui doit avoir la tête haute. Mes yeux sont noyés, mon coeur est vide. Vide comme si tu t'étais emparé de mon sang. Ce sang qui m'a aidé à être forte, prodigieuse. Mais tu as bu ce sang, tu as bu mon amour, tu as bu ma force, mon âme, mon honneur. Mon corps est fébrile depuis tes huit jours de règne. Mes mains tremblent toute la journée, mais la nuit laisse place à des gouttes salées qui coulent. Qui coulent le long de mes joues pour s'essuyer dans le creux de mon cou. Mais, Titus… Tu es loin. Tu ne m'attend plus. Tu es partis. Tu es à Rome. Tu es chez toi. Sur tes terres. À l'autre bout du monde. Notre amour est maintenant impossible. L'amour est un lien. Notre lien... Rompons le seul lien.