Monsieur 21 révolver

Sandra Laguilliez

L’homme au vingt et un révolvers était là debout droit comme un  « I ». La jeune Tiphanie pleurait, faisant couler son mascara le long de ses joues blême, elle en avait peur de cet homme au regard dur comme du métal et à l’allure sévère :

            « - Maintenant, j’aimerais partir. Risqua-t-elle, d’une faible voix.

- Tu es le feu qui brûle dans mes veines. Dit-il, poétiquement, contrastant avec son allure virile.

            Elle avait entendu dire que Monsieur 21 révolvers, faisait de la violence une énergie et que plus il était violent avec les femmes plus il se sentait bien et moins il ne faisait de mal après, mais Tiphanie pouvait-elle croire ses paroles ?

- Tu es la dernière résidente de l’immeuble, et tu me résiste. Constata l’homme, les lèvres pincés, laissant ressortir ses rides marquées de ses quarante ans.

            Elle n’avait absolument rien à répondre, elle ne voulait pas coucher avec lui, même si cela lui aurait permis de rester ici, à l’abri et de pouvoir manger tous les jours à sa faim. L’homme fit grincer ses chaussures sur le carrelage sale, un bruit statique qui rendait mal à l’aise toutes les filles de l’immeuble. Tiphanie retient son souffle, espérant qu’il ne se jetterait pas sur elle.

- Elles se rappellent toutes de la première fois avec moi. Dit-il, espérant la convaincre. Tu verras, on s’y fait.

            C’était banal pour lui, rien de plus, elle n’était et ne serait qu’une fille parmi des dizaines d’autres, parmi toutes ses filles qui fuient la pauvreté et la misère, mais pour elle, ça serait différent, il serait le premier et elle ne c’était jamais imaginé que cela se passerait comme ça.

            On ne lui avait dis qu’après comment ça se passer avec Monsieur 21 révolvers, dans son immeuble du Break Down, si elle avait su, elle serait restée dans la rue, à mourir de faim et de froid plutôt que de venir se réfugier ici. Elle n’avait pas envie de devenir une prostituée, contrairement aux autres.

            C’était Josie, la grande brune vulgaire, qui lui avait parlé de ce qu’il fallait « faire pour rester ici », tout en mettant son rouge à lèvre, Josie c’était étonnée que Tiphanie n’en sache rien, mais elle avait haussé les épaules, en assurant que Monsieur 21 était « un bon coup ».

- Je tiens à mon honneur. Maugréa-t-elle, en reculant contre la table, en formica, de la cuisine.

- Je suis là pour ton honneur. Rit-il, en avançant.

            Elle était coincée, à moins de réussir à lui casser une chaise sur la tête, elle ne pourrait pas lui échapper. Il était si grand et paraissait si fort. Il n’était plus qu’à trois pas d’elle, il se débarrassa de son imperméable beige et le jeta sur une chaise. Elle ne put s’empêcher de remarquer qu’il était encore bien pour son âge, les cheveux à peine grisonnant, les yeux bleus sous d’épais sourcils brun, des lèvres fines. En le voyant de plus près, elle se dit qu’il n’avait pas tant de rides que ça, et que ses cheveux étaient encore assez foncés, il semblait même plutôt musclé sous ses vêtements.

            Il se rapprocha encore, elle allait hurler.

- Tu peux hurler tant que tu veux. Pouffa-t-il. Personne ne viendra à ton secours.

- Nous ne sommes que des pauvres filles, ça vous plaît d’abuser de nous ? Demanda Tiphanie, espérant gagner du temps.

            Il parut choquer.

- Tu es venue ici de ton plein gré, il me semble, tu savais donc à quoi t’en tenir.

- Non. Objecta-t-elle.

- Nom de dieu ! Jura-t-il.

- Arrêtez de blasphémer.

            Il rit d’une façon cristalline. Lorsqu’elle était toute petite sa mère lui avait dit que blasphémer était encore pire que connaître un génocide, jamais Tiphanie n’avait blasphémé depuis.

- Dieu, vive Dieu ! S’écria-t-il, pour se moquer. Sérieusement. Reprit-il, plus rude. Tu préfère retourner dans la rue ? Tu préfères faire le trottoir, mourir de faim, et te faire violer par des types qui te voleront le peu que tu auras gagné ?

            Tiphanie savait qu’il avait raison, dehors ça serait comme ça, ici ça serait peut être différent, mais pire dans un sens. Ça serait toujours lui, on lui avait juré, mais justement, elle ne l’aimait et ne pouvait pas coucher avec lui. Elle se contenta d’hocher la tête, non, tout ça ne lui plaisait pas, il le savait très bien.

- Je pense que tu me le dois bien. Nous vivons sur une terre de mensonge, d’hypocrisie contrôlée par l’argent, ce que je te propose et parfaitement réglo, tu sais. Tu viens ici, je t’offre un logement, de la nourriture, des vêtements, un travail, si tu le désires, la sécurité et en contre partie, tous ce que je te demande c’est cinquante pour cent de ton salaire et ton corps une fois par semaine.

            Il plongea son regard dans celui de Tiphanie, tout en laissant courir son pouce le long de sa joue. Elle savait qu’il avait raison, toutes les filles le disaient, il mettait même des préservatifs, luxe que certains ne s’offraient pas. Il était gentil, mais rien à faire, elle ne pouvait pas. Elle n’était pas une marchandise. Peut être était-elle démunie, mais pas au point de se vendre.

- On ne t’avait pas dit ce qu’il t’attendait ici ? Interrogea-t-il, avec compassion.

- Non. Murmura Tiphanie, baissant la tête.

- Regarde-moi ! Ordonna-t-il, en lui relevant le menton. J’ai dit, regarde-moi. Insista l’homme, alors qu’elle détournait la tête. D’où tu viens ?

- Nulle part. Grinça la jeune fille.

- Quel âge tu as ?

- Dix huit ans. Avoua-t-elle, baissant la tête de nouveau.

- Tu as l’air d’être une fille bien, qu’est ce que tu fiches dans la rue ? Tu n’es pas une droguée, une alcoolique, encore moins une prostituée, qu’est ce que tu fuis alors ? A quoi est ce que tu t’abandonnes, ainsi ?

- C’est moi qui ait choisit d’être…de partir. Mentit-elle.

            Elle sentait les larmes sur le point de couler, il ne fallait surtout pas qu’elle pleure devant lui, il en profiterait, si elle ne flanchait pas peut être pourrait-elle s’enfuir et aller…quelque part ailleurs.

- Tu as un endroit où aller ? Demanda-t-il, avec une réelle sympathie.

            Elle aurait aimé répondre, mais aucun son ne sortit de sa bouche, elle était perdue et se sentait seule, abandonnée, elle aurait souhaité que quelqu’un comprenne sa douleur, que quelqu’un la réconforte, mais par ici, personne ne le ferrait.

- Donc tu n’as nulle part où aller. Constata-t-il, avec une sorte de fierté dans le regard.

- Je ne vous ai jamais répondu ça.

- Tu n’as rien dit, c’est pareil. Dit-il, en défaisant sa ceinture. Enlève ton pantalon. Ordonna-t-il, d’une voix abrupte.

            Il était contre elle maintenant, inutile de lutter d’ailleurs c’était comme si tous ses muscles c’étaient raidis. Elle était debout, contre la table, les bras le long du corps, elle aurait très bien pu être morte, mais elle était debout. Elle ne pleura pas lorsqu’il l’embrassa, elle ne remarqua pas la douceur de ses lèvres, ni leur chaleur. Elle ne pleura pas non plus lorsqu’il caressa les seins, ni même lorsqu’il déboutonna son jean et le fit glisser le long de ses jambes. Elle n’haussa pas non plus un sourcil lorsque la main de l’homme effleura l’intérieur de ses cuisses. Mais lorsqu’il mit la main dans sa culotte, elle fondit en larmes.

            Elle se savait parfaitement ridicule. Autant lui qu’un autre, puisque maintenant elle n’avait plus le choix. Elle gagnerait plus à le laisser lui faire l’amour quatre fois par mois, plutôt que de se prostituer. Josie avait dit qu’il coucherait avec elle, de gré ou de force, mais elle avait dit qu’il fallait mieux que ce soit de gré, parce qu’il était peut être doux et gentil, mais il connaissait, aussi, les pires saloperies à faire avec une fille, et il n’hésitait pas à les faire, si on lui disait non, après de toutes façons il utilisait un de ses flingues pour qu’elle se taise.

            Il n’eut aucun mal à la soulever et à la porter jusqu’au canapé-lit, dans le salon. Il s’allongea sur elle, en appuis sur un bras, il lui caressa le visage de son autre main.

- Pourquoi tu pleures ?

            C’est vrai qu’il était gentil, il lui parlait d’une voix si calme, si douce, mais comment pouvait-elle lui répondre ?

- Tu es enceinte ?

            Elle hocha la tête, les yeux plongeaient dans les siens.

- Tu es mariée ? Fiancée, alors ?

            Il sourit, et l’embrassa de nouveau, avec une extrême délicatesse il goutta ses lèvres. Cette fois, elle ferma les yeux et se laissa aller. Même si c’était la première fois qu’un homme l’embrassait elle savait que ça ne lui ferrait pas mal. Plus il l’embrassait plus elle se laissait aller.

            Même si elle aurait voulu se rebeller contre lui, elle n’aurait pu, pas parce qu’il était plus fort qu’elle, mais parce qu’elle n’en avait pas envie, finalement ce n’était pas si mal. Elle serait bien ici, même si de temps à autre il faudrait le payer en nature, ça fallait vraiment le coup.

            « - Tu as eu mal ? Demanda-t-il, en se rhabillant.

- Un peu. Confessa-t-elle, toujours allongée sur le divan, tâché de sang.

            Il sourit avec tendresse. Elle n’avait aucune idée de la façon dont elle devait réagir, devait-elle se rhabiller ou rester comme ça ? Elle souffrait de ne pas savoir comment elle devait se comporter. Bizarrement, elle ne se sentait pas sale de se ce qu’elle avait fait, ou plutôt de ce qu’il lui avait fait. Elle avait même trouvé cela agréable, ça aurait peut être plus lui plaire s’il n’y avait pas eu cette sensation de picotement dans le bas ventre et si cela avait duré un peu plus longtemps.

- Tu vois, il n’y avait pas de quoi fouetter un chat. Rit-il. Tu t’y ferras. Ajouta l’homme, alors que Tiphanie se recroquevillait dans le divan. Il y a des héros et des charlatans partout. Murmura-t-il, plus lui-même.

- Et dans quelle catégorie êtes-vous ? Interrogea Tiphanie.

- Tout dépend du jour. Tu vas rester comme ça tout le reste de la journée ? Fit-il, après une pause.

            Tiphanie commençait à se demander s’il ne souffrait pas de schizophrénie, un instant il était gentil et doux comme un agneau et la seconde suivante il en devenait méchant et colérique.

- Je ne veux pas me battre avec vous. Susurra-t-elle. 

            Il la dévisagea sans comprendre. Il s’avança vers elle, respira un bon coup et se mit à genoux près d’elle.

- Tu devrais passer à autre chose. Fais comme si c’était un cauchemar. Conseilla-t-il. Tu n’auras qu’à faire ça à chaque fois, sinon tu ne supporteras plus de vivre.

            Mais elle n’avait aucune envie de mourir, elle tenait seulement à rester coucher, parce qu’elle avait encore un peu mal, et puis elle se savait différente de ces filles avec qui on couche et qui la seconde d’après passe à autre chose, non elle avait besoin de…de quoi au juste ? De rester à réfléchir, ou simplement à flemmarder. Josie lui avait confié que les prostituées n’espère plus trouver l’amour, pas depuis qu’elles font ça depuis « toutes mômes », mais Tiphanie n’en était pas une, elle n’en serait pas une, et elle avait encore de l’espoir, elle était sure qu’un jour elle trouverait l’amour et qu’il la sortirait de l’endroit où elle était tombée.

- Bien, c’est assez pour te rendre malade…Tu veux voir un médecin ?

- Pourquoi faire ? Questionna-t-elle, surprise de sa demande.

- Des médicaments, de la drogue, la pilule peut être ?

            Elle hocha la tête, ce n’était pas une junkie, elle ne voulait pas de médicament et pas de pilule non plus. Sa mère était très croyante et elle lui avait dit que les filles biens n’ont pas a prendre la pilule, qu’il n’y a que les mauvaises filles qui le font, et elle n’en faisait pas partie, elle ne prendrait pas la pilule.

            Il se releva et se dirigea vers la cuisine, ramassa les vêtements qu’il lui avait enlevé et reviens dans le salon.

- Rhabille-toi.

- Quand ? Demanda Tiphanie en se rhabillant.

- Je ne sais pas d’avance. Répondit-il.

- Et si je veux vous voir ?

- Je passe souvent ici. Tu me verras dans les couloirs, mais en dehors d’ici, si tu me croises dans la rue, ne vient pas me parler.

- D’accord. Accepta la fille, se rasseyant.

             Il s’approcha, lui souleva le menton.

- Tu n’es qu’une fille, ne va t’imaginer que parce que je t’ai dépucelé j’éprouve un quelconque intérêt pour toi.

- Quand tout sera brulé, il ne restera plus rien à pleurer.

            Il haussa les sourcils.

- C’est ce que ma mère disait. »

            Il sourit et partit, la laissant seule dans le deux pièces meublés. Tiphanie observa son appartement, tout était beige ou marron, c’était un endroit tout à fait banale, comme il doit y en avoir des centaines, avec une petite cuisine, un salon, une chambre et une salle de bain, c’était propre et plutôt jolie, il y avait même une télévision et une chaine stéréo.

            La jeune fille se leva du canapé et entreprit de trouver les produits d’entretiens, pour faire partir la tâche de sang, puis elle nettoya tout l’appartement, pas qu’il en fut besoin, mais uniquement pour s’occuper. Elle trouvait tous ça tellement marrant. Depuis que sa mère était morte, huit ans plus tôt, la vie de Tiphanie n’avait tourné qu’autour des tâches ménagères. Lorsqu’elle rentrait de l’école, elle ne faisait pas ses devoirs, mais nettoyer la petite maison, puis elle s’occuper de son petit frère, ensuite venait le temps de faire la cuisine, entre deux elle faisait un exercice de math ou lisait une page de son livre d’histoire ou quelque chose comme ça, puis il fallait manger, laver le petit, faire la vaisselle, enfin elle faisait ses devoirs et aller se coucher vers minuit, le lendemain matin elle se levait à six heures pour tout préparer. Aujourd’hui, elle n’avait plus qu’elle-même à s’occuper et que faisait-elle ? Le ménage, encore. Malgré tout, elle avait eu son bac, et elle en était fière.

            « - Je sais ce que je veux faire. Assura-t-elle, à Monsieur 21, un soir. Je veux aller à la fac.

- Non.

- Mais les autres travaillent bien, pourquoi n’aurais-je pas le droit d’étudier ?

            Les immenses yeux bleus de l’homme la scrutèrent.

- Que veux-tu étudier au juste ? Demanda-t-il, en boutonnant sa chemise.

- L’histoire.

            Il se mordit le pousse, puis remit en place son révolver.

- Bon, tu étudieras ici, alors, ou à la bibliothèque.

- Oh ! Merci. Se réjouit-elle.   

            Il emmêla les doigts dans ses cheveux châtains et tira sur la nuque de Tiphanie, pour l’embrasser. Elle l’entoura de ses bras. Depuis un mois bientôt qu’elle était ici, elle avait appris à l’apprécier. Il n’était pas dû tout effrayant, même si parfois il semblait dans un autre monde, comme lorsqu’il parlait de chanter une chanson pour la fille de la destruction. Il était charmant, souvent il apportait des chocolats et des fleurs, ce genre de choses.

            Il traitait toutes les filles de la même façon, tous les mois, il arrivait avec une nouvelle tenue pour chacune d’elle, des sous-vêtements, des bas, des chaussures, un pantalon, une jupe, un t-shirt, un pull, une robe, une écharpe, une veste, des gants, un sac à main et un chapeau. Toutes les semaines il venait avec de la nourriture, des produits ménagers et des choses qui lui paraissait utile, et tout l’était. Celles qui travaillées n’avaient droit à aucun supplément, jamais de chocolat, jamais de bonbon ou de livre, car il estimait qu’avec la moitié de leurs payes elles pouvaient bien s’acheter toutes les futilités qu’elles voulaient. C’était un homme juste et Tiphanie l’aimait beaucoup pour ça.

             « - Vous devez partir ? Questionna-t-elle, un peu déçue.

- Tu le sais bien.

- Juste une fois, vous pourriez…s’il vous plaît. Je me sens si seule.

- Et les autres filles ?

- Elles n’ont rien d’intéressant à raconter. Elles sont futiles.

- D’accord, je reste, un peu. Concéda-t-il, en s’asseyant sur le canapé. Raconte-moi ta vie. »

            Elle lui parla de sa mère, une femme douce et gentille qui avait épousé un alcoolique qui la battait, elle lui raconta son petit frère, plus jeune de six ans, son père l’alcoolique fainéant qui ne l’avait jamais aimé. Sa vie à la maison, les fins de mois difficile et la mort de sa mère, après un accident domestique, et la vie qu’elle avait mené ensuite, à tout faire dans la maison. Elle ne put lui raconter le soir où son père l’avait mise à la porte. Elle fondit en larmes dans les bras de Monsieur 21.

            « - Tu as suivis la meilleure voie possible. Assura-t-il, en lissant ses cheveux. Tu pourras rester ici tant que tu veux.

- Merci. Murmura-t-elle, en essuyant ses larmes du revers de la main.

            Tiphanie le regarda se lever, se disant qu’il allait partir, qu’elle ne pourrait pas le retenir cette fois, qu’elle avait déjà abusé de sa bonté. Il fit alors quelque chose à laquelle elle ne s’attendait pas, il enleva sa veste, son révolver et se déshabilla. Elle se mordit la lèvre, elle n’en avait pas envie, et elle trouvait toujours ça avilissant, et puis il dépassait son quota. Elle s’apprétait à déboutonner son corsage lorsqu’elle fit qu’il avait gardé son boxer.

- Je reste. Dit-il. »

            Contrairement aux autres fois, cette nuit là, il ne se passa rien qu’elle n’avait pas souhaité. Elle le désirait plus que tout, il fut surpris lorsqu’elle l’embrassa fougueusement, lorsqu’elle fouilla dans ses cheveux et lorsqu’elle le supplia de la déshabiller.

            Au matin, Tiphanie était heureuse de se réveiller contre lui. Il lui sourit et la compara avec un bouquet de roses sur une tombe. Elle ne comprit pas pourquoi il lui disait ça, et elle ne voulait pas comprendre, il était resté et elle se sentait bien, pour la première fois de sa vie, elle se sentait parfaitement bien. Elle était infidèle aux commandements de sa mère et à ceux de Dieu, mais elle s’en moquait, elle savait que les infidèles payent toujours pour le mal qui commettent, mais ça en valait la peine, il en fallait la peine. La damnation éternelle contre un peu de bonheur, c’était un bon principe.

            « - J’aimerais trouver un autre endroit où aller. Se plaignit Agathe,  une blonde un peu plus vieille que Tiphanie.

- Tu n’es pas bien ici ? Demanda Josie, en remettant une couche de rouge à lèvre sur sa grosse bouche.

- Bof, j’ai des économies et j’aimerais me trouver mon propre appart’, trouver un mari et fonder une famille.

- Tu es dingue ! S’écria Rose, une rouquine, prostituée. C’est le luxe ici, attend encore un  peu.

- C’est que je ne peux pas. Confia Agathe, alors que les autres la regardait les yeux ronds. Je suis enceinte.

- Oh ! S’écrièrent les deux autres.

- Qu’est ce qu’il y a de mal à ça ? Demanda Tiphanie.

- Interdiction d’être enceinte et de le rester. Clama Josie. Si tu es enceinte, soit tu pars, soit il te le fait sauter. Tu devrais avorter, Aga.

- Mais Julien, veux le bébé.

- Tu ne pourras pas revenir après. Fis Rose.

- Tant pis, je dois partir. Je ne peux pas tuer un bébé.

- Bonne chance. Souffla Josie. »

            Tiphanie se réveilla au beau milieu de la nuit, tremblante de la tête aux pieds, se précipita dans la salle de bain et vomi, se brossa les dents soigneusement et retourna se blottir au chaud sous la couette. « C’était seulement un rêve. » Se convainquit-elle avant de se rendormir sans réfléchir plus longuement.

            La stéréo émit un bruit statique, Tiphanie se figea, se n’était pas de la stéréo que venait ce son, mais d’un bourdonnement dans ses oreilles. Elle laissa tomber son livre d’histoire antique et ferma les yeux. La tête lui tournait dangereusement, ajouter à ça les vomissements des jours précédents, elle se sentait très faible. Il y avait des médicaments dans l’armoire à pharmacie, de l’aspirine, des cachets pour les maux d’estomac, quelques autres médicaments donnés sans ordonnances, peut être y trouverait-elle un cachet qui lui soit utile.

            C’était simple, les médicaments, elle n’en prenait jamais, ou presque, alors elle les laissait derrière les boîtes de tampons, elle jeta les trois boîtes pleines dans le lavabo pour accéder aux médicaments, puis commença à fouiller. Son regard se porta sur le lavabo. Depuis combien de temps était-elle ici ? Elle ne savait plus bien, deux mois ? Trois mois ? Josie, elle le saurait, et elle était rentrée.

            Tiphanie courut jusqu’à la porte face à son appartement, frappa, Josie dépeignait et démaquillait apparue.

            « - Qu’est ce qui te prend ?

- Depuis quand suis-je ici ? Interrogea la jeune fille, avec hâte.

- Presque quatre mois, pourquoi ?

- Je…Euh…L’anniversaire de mon frère, je tenais à penser à lui. A plus tard. »

            Josie se gratta la tête et retourna dans sa chambre, tout comme le fit Tiphanie, d’un pas lent.    

            Arrivée dans son appartement, elle referma la porte en soupirant. Ses ennuis ne faisaient que commencer. Quatre mois, qu’elle était ici et ses dernières règles remontaient à plus de trois mois, comment avait-elle pu être aussi sotte ? Comment avait-elle pu ne pas remarquer ça plutôt ?

            Elle avait bien eu des nausées, elle s’était sentie fatiguée, pourquoi n’avait-elle pas fait plus attention à tous ça ? Peut être parce que pour elle se genre de choses n’arrivent que si on le désire, hors elle ne le désirait pas. Maintenant c’était trop tard. Elle se laissa glisser le long de la porte, posa les mains sur son ventre, encore étrangement plat. Elle ne pouvait pas faire du mal à ce bébé. Elle n’en avait pas le droit, et il ne pouvait pas l’obliger à le tuer, même si cela signifier partir et ne plus le revoir lui…tant pis, il fallait qu’elle parte, pas forcément très loin, juste…

            « Comment survivre ? Se demanda-t-elle. Comment ferrais-je, avec le bébé ? » Elle n’osa formuler ses pensées, mais elle n’avait pas le choix, c’était dégradant, répugnant, révoltant même, parce que Monsieur 21, elle l’aimait maintenant, et il avait beau dire tout ce qu’il voulait, lui aussi l’apprécier.

            Faire le trottoir ne serait pas facile, elle en convenait, mais ça lui permettrait de survivre, elle les connaissait les combines maintenant, vus que les filles n’arrêtaient pas d’en parler, mais pourrait-elle les appliquer ? Elle en doutait, elle n’était pas faite pour ça. Non ce qu’elle voulait c’était un gentil mari, qui l’aurait aimé et qui lui aurait fait des enfants, et ils n’auraient pas connus la misère, pas comme sa propre famille. D’ailleurs, Tiphanie ne pouvait pas y retourner, son père l’aurait assassiné, si elle revenait, surtout si elle attendait un enfant.

            Elle se releva, lentement, craignant de déranger son enfant, elle savait que c’était ridicule, mais elle l’aimait déjà, malgré tout ce qu’elle aurait à endurer pour lui, alla vers la stéréo.

            « -…Ils vont nous interpréter la chanson du siècle, en direct, veuillez accueillir les Gree … »

            Elle coupa le son, et partie se réfugier dans la salle de bain, se déshabilla et contempla son corps, pour y découvrir des différences. Ses seins étaient nettes plus gros, son ventre était encore très plat, si elle faisait quelques séries d’abdominaux, peut être pourrait-elle le conserver un peu plus longtemps plat, ses hanches étaient plus rondes également, mais elle ne donnait pas l’allure d’être enceinte de presque quatre mois. Oui, elle donnait encore le change. Temps que ça ne se verrait pas elle pourrait rester ici, après tout, elle était bien ici, avec lui, mais il fallait se résigner bientôt, d’ici peut être quinze jours, elle serait forcée de partir, sans explication. Il lui manquerait, bien entendu, mais si elle restait…Non, elle ne voulait pas penser à ça. Son bébé c’était le sien, à elle, pas à lui, il n’avait rien avoir dans l’histoire. Elle prendrait la responsabilité du bébé, seule.

            « - Ne sors pas la semaine prochaine. Conseilla-t-il, en lui caressant l’épaule.

- Pourquoi ? Questionna-t-elle.

- A cause des émeutes. Il y aura pas mal de manifestations et ça risque d’être dangereux. Je ne voudrais pas qu’il t’arrive quelque chose. Dit-il, avant d’embrasser son cou.

- Pourquoi ? Répéta Tiphanie, mal à l’aise.

            Il ne répondit pas toute suite, préférant laisser ses lèvres glissaient sur son corps. Elle n’aimait pas ce contact, cette proximité, pas depuis quelques jours, depuis que son corps était plus rond, et que son ventre avait enflé.

- Tu es magnifique. Constata-t-il, en plongeant son regard azur dans le sien, noisette.

            Elle rougit, malgré elle. On lui avait déjà dis que la grossesse rend plus belle, plus épanouie, cela devait être vrai car on lui répétait souvent, depuis quelques semaines.

            La main de Monsieur 21 descendit sur son ventre et y resta, un brin de panique l’envahit. Savait-il ? Bien sur qu’il le savait, il savait toujours tout. Il allait lui demander des comptes, il allait lui demander de choisir, mais lui laisserait-il le choix ? C’était son enfant après tout, et il savait qu’elle n’avait eu que lui, qu’elle ne voulait que lui, peut être ne voudrait-il pas qu’elle le garde. Et s’il la tuait pour ne pas lui avoir dit plutôt, pour ne pas avoir avorté ? Une balle dans la tête et tout serait fini, où une balle dans le ventre, pour la laisser agoniser et souffrir, pour qu’elle comprenne qu’il était un dur à cuire. Elle émit un hoquet malgré elle. Il sourit, d’un air radieux. Elle cligna des paupières, pour s’assurer que ce n’était pas un rêve.

- Quand as-tu eus tes règles la dernière fois ? Interrogea-t-il, d’un regard mielleux.

            Il devait être au courant, et ça devait lui faire plaisir. Oui, ça ne pouvait être que ça. Tiphanie se réjouit intérieurement, elle allait lui dire, enfin, les sirènes de la décision venait de sonner, elle allait lui dire, il le saurait « officiellement ».  Mais elle n’eut pas le temps de reprendre son souffle et de préparer ses mots.

- Savoir si je dois utiliser ça. Ajouta l’homme, en tirant un préservatif de sa poche.

            Elle soupira déçue qu’il ne s’agisse que de ça, il n’avait pas remarqué qu’elle n’avait jamais eu ses règles depuis qu’elle couchait avec lui.

- Alors ? Insista-t-il, voyant qu’elle ne répondait pas.

- Ce n’est pas la peine. Marmotta Tiphanie, tristement. »

            Elle prépara un sac à dos, avec les quelques affaires qu’elle avait, un peu d’eau et de nourriture, et cacha avec son les cents euros qu’elle avait réussis à lui subtiliser, durant son sommeil. Il était tant de partir. Dans les ruines de son cœur, elle sentit des larmes coulaient sur ses joues, alors qu’elle refermait la porte de son appartement, mais elle se reprit, de peur qu’une des filles ne passe à ce moment là, elle s’avait ce qu’elle dirait si le cas se présenter, elle dirait qu’elle allait faire un tour à la bibliothèque, qu’elle ne rentrerait que tard. Mais le cas ne se présenta pas. Elle pouvait partir tranquille, personne ne s’apercevrait de son absence avant longtemps.

            Elle pleura sur le chemin qui la menait à une ville toute proche. Lorsqu’elle était enfant et que sa mère vivait encore, elle lui avait juré que quelqu’un serait toujours là pour porter sa souffrance, il fallait se rendre à l’évidence personne ne viendrait assumer sa douleur. Elle était seule et le resterait toujours.

            La ville était comme toutes les autres, comme celle qu’elle avait quitté quelques heures plutôt, mais il ne viendrait pas la sortir de là. Monsieur 21 n’était pas le genre à mettre les pieds dans les bas quartiers, il avait peut être des hommes de main pour ça, mais pas lui, il ne saurait pas qu’elle serait là donc, et puis elle avait le droit de faire comme bon lui semble.

            Tiphanie s’écroula contre un mur, d’une ruelle malfamée, sa nouvelle demeure, et pleura, c’est le moment que choisit le bébé pour remuer, la première fois qu’elle le sentait bouger à l’intérieur de son corps. Elle aurait dû s’en réjouir, mais cela ne fit qu’augmenter son désarroi.

            « - T’es nouvelle dans le quartier ? Questionna un homme d’une vingtaine d’années.

- Euh…Oui, on peut dire ça. Répondit-elle, craintive.

            Il se mit à genoux pour la regarder. C’était un junkie, il avait les yeux rougis, il était sale, avait une barbe noire touffu, des dreadlocks et des vêtements déchirés.

- James. Se présenta le garçon.

- Tiphanie.

- Qu’est ce qu’y t’amène dans le coin ?  

- Fugue, et toi ?

- Came. Tu viens ? »

            Elle avait envie de lui faire confiance, il avait l’air d’être honnête, et gentil. A peine fut-elle debout, qu’il passa un bras autour de ses épaules et l’entraîna dans un dédale de ruelles, il avait l’air de savoir ce qu’il faisait et elle ne posa aucune question. Il lui parla de choses et d’autres, la mis en confiance. Après une dizaine de minutes, il s’arrêta devant une voiture noire, le genre de voiture qui n’ont rien à faire dans les bas quartiers, le genre de voiture que Monsieur 21 possédée, se pouvait-il qu’il l’ait retrouvé ?

            Une portière arrière s’ouvrit, un homme en costume gris en sortit, l’air autoritaire. La main de James serra son épaule. Que se passait-il ? Il regardait l’homme avec défiance.

            « -Alors tu m’en as trouvé une ?

- Je suis toujours là pour honorer mes contrats envers vous. Répondit James, d’une voix douce. 

- Bien. On fait moitié-moitié ?

            La jeune fille ne comprenait pas de quoi il était question. Mais James la poussa vers l’avant, vers l’homme. Il était plus vieux que Monsieur 21, mais lui ressemblait beaucoup, des cheveux châtains, des yeux bleus, mais il était plus ridé et il avait un début de calvitie, il n’était pas musclé non plus.

- Trente, vingt.

- Ok. »

            L’homme sortit, trois billets de dix de sa poche et les tendit à James qui les prit avec rapidité, avant de s’enfuir, il mit la main de Tiphanie dans celle de l’homme. L’homme la tira dans sa voiture, sur la banquette arrière. Tiphanie se laissa faire, bien qu’effrayée, regrettant de ne pas être restée avec Monsieur 21. Elle respira profondément, alors que l’homme indiquait au chauffeur de sa voiture, que Tiphanie ne pouvait pas voir à cause de la vitre de séparation entre l’avant et l’arrière, une adresse. Puis il se tourna vers elle, avec un sourire malveillant.

            « - Tu es aussi une victime du système. Dit-il, en souriant, montrant des dents refaites.

            Elle ne répondit pas. Oui, elle en était une, une victime, de pleins de choses, mais surtout de sa bêtise, et ça ne valait pas le coup d’en parler. Il lui prit le bras et remonta sa manche, agacé.

- Tu n’as pas de cicatrice, pas de marques. Constata-t-il, fier d’elle, semble-t-il.

            Elle hocha la tête, non ce n’était pas une droguée.

- Tu veux de la drogue ?

- Non, surtout pas. Murmura-t-elle, craintive, en plaquant sa main libre sur son ventre.

- Alors pourquoi fais-tu le trottoir ?

- Je…J’ai besoin d’argent…pour autre chose. Je suis enceinte. Risqua-t-elle.

- Je comprends. Dit-il, puis il se pencha vers elle, caressant ses cuisses au passage. Je serais moins brutal alors. Murmura-t-il. »

            Il rit, en voyant la mine de dégout qu’elle affichait. Lorsque la voiture s’immobilisa, il la fit sortir et il la guida dans un immeuble miteux, jusqu’à une chambre sale, constituée d’un lit en fer, et d’une salle de bain. Il lui ordonna de se déshabiller et de s’allonger sur le lit. C’est en priant Dieu, qu’elle s’exécuta, mais elle était là parce qu’elle l’avait décidé, elle n’avait pas le choix.

            Il lui releva les bras au-dessus de la tête, et prit un objet dans la table de nuit, des menottes, il attacha les poignets de Tiphanie en passant les anneaux au travers d’une des barres métalliques du lit.  Puis il défit son pantalon.

            Même avec Monsieur 21 la première fois, il y avait eu quelque chose, quelque chose qui lui avait fait oublier l’humiliation de la chose. Mais cet homme qui l’insultait, par pure excitation, qui la traitait pire qu’un chien, la révulsée, elle voulait hurler, pleurer, mais ni les cris, ni les larmes ne purent sortir de son esprit ravagé.

            Une fois terminé, il la détacha, il la fit passer dans la salle de bain, pour qu’elle se nettoie, elle se rhabilla à toute vitesse, confuse et honteuse de ce qu’elle venait de faire, d’avoir « trompé » Monsieur 21, qu’elle aimait, puis il lui tendit deux billets de dix, la raccompagna à l’endroit où il l’avait prise et la laissa. James était là, tapi dans un coin, il se montra lorsque la voiture fut partie.

            Il passa son bras autour de ses épaules et la conduisit dans le déballe des ruelles, jusqu’à un squat, qu’il proposa de partagé avec elle. Il lui parla argent, il lui trouverait de bons clients et la protégerait si elle lui refiler soixante quinze pour cent de ce qu’elle gagnerait. Elle accepta, sachant qu’elle ne pourrait pas survivre sans lui.  Il jura qu’il connaissait les mecs qui payent et qu’il s’arrangerait pour être dans le coin, au cas où. Il jouerait les macs et elle serait sous sa coupe, mais elle pourrait partir si elle le désirait. Elle accepta, sans condition.

            « - Tu peux me dire à quoi tu penses. Grogna James, un soir, alors qu’il était chez eux.

            Tiphanie soupira, et caressa son ventre arrondi, mais pas assez pour un sixième mois de grossesse.

- A son père. Soupira-t-elle, les yeux pleins de larmes.

            James tira sur son joint, et la regarda étonné.

- Tu n’en parle jamais. Dit-il, en s’affalant sur le vieux canapé défoncé de leur salon.

            Elle haussa les épaules.

- Il sait pour le moufflet ? Demanda le camé, en la dévisageant.

- Non. Il n’aimerait pas. Il…Il…C’est mon enfant.

            James comprenait. Depuis un mois qu’elle était avec lui, elle s’était aperçue que ce n’était pas un idiot, qu’il avait beaucoup d’esprit et qu’il savait se tirer de toutes les situations, on pouvait lui faire confiance. Tiphanie l’aimait bien, il était gentil, et il n’avait jamais rien tenté avec elle.

- Tu iras le voir après ?

- Je ne pense pas, il pourrait le tuer. Chuchota Tiphanie, les yeux brulants.

            James esquissa une grimace, puis tira de nouveau sur son joint.

- Il était violent ? Interrogea le jeune homme.

- Non, pas avec moi, mais il peut le devenir. Il a…

- Pas la peine… Tu n’aimes pas faire ça, pourtant tu fais comme si c’était un plaisir, pourquoi ?

- Il me faut de l’argent, pour le bébé. Ce n’est qu’un travail comme un  autre, c’est ce que je me dis, sinon ça devient terrible et je ne peux pas le faire. Ma mère disait toujours que les travaux les plus rebutants étaient les meilleurs, car ils forgeaient l’âme et la rendait plus forte.

- Pardon, mais ta mère était une conne. Et je ne suis pas sur qu’elle aurait fait ce que tu fais, pour ton bébé, elle n’aurait certainement pas envisageait ça pour sa fille.

            Tiphanie garda le silence, blessée. James avait raison, parfaitement raison, mais avait-elle le choix ? Non, bien sur que non, elle n’avait pas le choix.

- Je ne te juge pas, Tiph’, regarde moi ! Je suis un camé. Dit-il, sortant une seringue de sa poche. Je fume des joints comme d’autres se font des cigarettes, j’ai commencé les drogues dures à quinze ans et aujourd’hui, je suis un déchet.

- Tu n’es pas un déchet. Le coupa Tiphanie. Tu es quelqu’un de bien.

            Il lui sourit et reposa sa seringue sur la table.

- Tu n’es pas obligé de prendre de la drogue. Tu n’es pas réellement accro. Je t’ai observé, tu sais, tu n’as pas de situations de manque, lorsque tu n’en prends pas, tu es toujours toi-même. Tu ne prends pas toujours la même dose.

- Je sais. Dit-il, en se laissant aller.

            Tiphanie se leva pour aller le rejoindre sur le canapé. Il ferma les yeux, la tête rejeter en arrière.

- Pourquoi le fais-tu alors ?

- J’ai des démons intérieurs, des choses horribles qui ressortent de temps à autres, la drogue m’aide à les contrôler, comme un malade prend plus ou moins d’antidouleurs, selon les jours. Ta confession te crucifiera. Murmura-t-il, avant d’ouvrir les yeux et de tourner la tête vers la jeune fille.

            Tiphanie avait du mal à garder les yeux ouvert, une sorte de léthargie s’insinuer dans son esprit, elle avait la bouche entrouverte, les yeux mi-clos, essayant de reprendre contact avec la réalité. Elle venait de prendre conscience qu’elle désirait cet homme, ce James. Il était beau, malgré ses yeux rouges, il avait de l’allure pour un camé, du charme, et aussi il était gentil.

- James…Murmura-t-elle. James…Répéta-t-elle, roucoulante. James…

            Il la regardait sans comprendre. Elle s’avança vers lui, se collant à son corps musclé, ses lèvres rencontrèrent celles du garçon, elle l’embrassa avec avidité, comme si ça vie en dépendait. Elle le désirait corps et âme, elle voulait qu’il l’aime, elle sentait qu’il pourrait l’aimer et peut être…accepté l’enfant d’un autre. Ils étaient bien tous les deux. James lui rendait ses baisers, couvrait sa bouche de la sienne, la serrer dans ses bras, la coller contre lui. Puis ses lèvres glissèrent sur son cou, sa gorge, elle ne cessait de répéter son prénom. James, c’était beau et doux, elle aimait ce prénom, qui lui inspirait confiance. Alors que l’attention du jeune homme se reportait sur sa bouche, elle attrapa une de ces mains et la glissa sous sa jupe, c’était ça qu’elle voulait, qu’il la touche, qu’il la désire.

- Non. Objecta l’homme, en la repoussant doucement. Je ne suis pas ce genre d’homme, Tiph’.

- Mais…Protesta la jeune fille.

- Tu ne m’aimes pas. Essaya-t-il de la raisonner. Non, c’est lui que tu aimes, pas moi. Sois gentille, ne fait pas ça.

- Mais…

- Je comprends. Assura-t-il, en le prenant dans ses bras. Tu as besoin que l’on t’aime et que l’on prenne soin de toi. Tu as besoin de ça, je sais, tu es fragile, malgré tout. Mais ce n’est pas avec moi que tu trouveras l’équilibre dont tu as besoin. Je pourrais cesser de prendre de la drogue, ça ne serait pas facile, mais j’y arriverais, je pourrais assumer le bébé, trouver un travail, mais ça ne changerait rien. Tu l’aimes, toi et moi c’est impossible.

            Il releva la tête de Tiphanie, pour plonger son regard dans celui de la jeune fille. Il n’y avait pas de doute, pas de peur, pas de chagrin, seulement de la déception et du soutient.

- Je ne veux pas me demander si c’est à lui que tu penses ou à moi, lorsque tu as le regard dans le vide. Tu comprends. Je t’aime, c’est vrai, probablement que tu m’aimes aussi, j’ose croire que tu ne t’es pas jetée sur moi uniquement par pulsions sexuelles, quoi qu’il en soit, nous ne pouvons être ensemble, on est amis c’est tout. Je serais là pour toi, même après…

- Je suis désolée. Psalmodia Tiphanie, essuyant les larmes de honte qui couvrait son visage.

            Le visage de James se fendit d’un magnifique sourire, puis il embrassa le sommet de son crâne et se leva du canapé. Tiphanie ne put retenir sa curiosité, et le questionna sur sa destination. Il rit et hocha la tête, l’air de dire qu’elle avait de drôles de questions.

- Je suis un homme n’oublie pas. Faut que je trouve une fille. Ajouta-t-il, en essayant de ne pas la froisser et de rester poli.

            Elle plia les genoux et enfouit la tête dans ses bras.

- C’est parce que je suis enceinte ? Marmotta-t-elle, les larmes aux yeux.

            Elle l’entendit refermer la porte qu’il venait d’ouvrir. Elle perçu le bruit de ses bottes sur le carrelage sale, il revenait vers elle, s’accroupie pour être à sa hauteur, et lui caressa les cheveux. Soupira et prit la parole :

- Non, bien sur que non. Tu es une fille des plus désirables. Mais je pensais que tu avais compris que je ne pouvais pas faire l’amour avec toi. J’ai des principes, et je tiens à les respecter.

- Mais j’ai envie de toi. Objecta la jeune fille, soulevant la tête.

            Il tendit la main vers elle et effleura son visage.

- Moi ou une autre qu’est ce que ça change pour toi ?

- Ne dis pas ça. Souffla-t-il. Tu es différente des autres. Je te désire probablement autant que toi, tu me veux, mais… Il s’arrêta, parut réfléchir et pesait le poids des mots qu’il allait formuler. Tu es sur que c’est ce que tu veux ? Tu ne m’en voudras pas après. Si c’est le cas, d’accord. »

            Il y avait longtemps que Tiphanie n’avait pas ressenti un pareil bonheur. James était un homme très doux et attentionné malgré son problème de drogue, il était comme Monsieur 21, derrière son air de dur à cuire se cacher un cœur tendre et beaucoup d’amour. Petite Tiphanie avait imaginé de tels hommes, elle pensait que c’était ça un vrai homme, un type capable d’être à la fois violent et délicat, sans cœur et sensible, brutal avec les autres hommes et doux avec les femmes. Elle imaginait qu’il devait être rare de trouver de pareils spécimens, elle avait eu de la chance d’en rencontrer deux, un miracle.

            Lorsqu’elle se réveilla, il la tenait enlacé, à croire qu’il avait peur qu’elle ne disparaisse. Il souriait. Il était beau lorsqu’il souriait ainsi, même si ses yeux étaient constamment rouges.

            « - Ça doit être un garçon. Rit-il.

            Tiphanie le regarda sans comprendre.

- Il donne de sacrés coups pieds. Dit-il, caressant son ventre, un peu enflé. C’est pour ça que je pensais à un garçon.

- Je crois que ça n’a rien avoir.

- Pourquoi n’irais-tu pas voir un docteur. Tu pourrais le savoir. A l’hôpital, ils ne te poseraient pas de question, ils t’aideraient.

- Je vais bien. Assura Tiphanie.

- Tu es maigre, ça m’inquiète beaucoup. Je ne veux pas te dire ce que tu dois faire. S’excusa-t-il. Mais tu ne manges presque rien. Je sais que tu veux que ça se voit le moins possible, mais tu attends un enfant et…Dis moi qui sait. Supplia-t-il. J’irais lui parler, il ne te ferra pas de mal. Tiph’. Soupira le jeune homme. Ma courageuse et stupide Tiph’. Si tu ne veux pas que j’aille le trouver, alors nourris-toi.

- Tu sais…Tu sais qui il est ? S’inquiéta la jeune fille.

- Non. Avoua James, en lissant les cheveux de Tiphanie. Mais je pourrais le savoir si je voulais. Il suffirait que je prenne une photo de toi, j’ai des amis, particuliers.

- Mais tu n’as pas de photo de moi. Objecta la jeune fille.

- Je pourrais en prendre une, ce n’est pas si compliqué. Avec deux ou trois photos, je pourrais le retrouver dans la journée. Réfléchit-il.

- Tu ne ferais pas ça ? S’écria-t-elle, se relevant.

- Nourris-toi convenablement et je te promets de ne pas le rechercher. »

            Les jours et les semaines passaient, toujours pareils et Tiphanie commençait à perdre espoir. Monsieur 21 lui manquait terriblement, même si James faisait son possible pour qu’elle l’oublie, elle n’y arrivait pas. C’était même de pire en pire, à mesure que le bébé arrondissait son ventre, elle croyait devenir folle, si James n’avait pas été là, c’est assurément ce qui se serait produit.

            Depuis que le garçon lui avait dit qu’il aurait pu le retrouver facilement, Tiphanie était triste. Monsieur 21 ne devait pas avoir envie de la retrouver, il ne devait pas l’aimer, car il n’était pas venu, il n’avait pas essayé de savoir où elle était. Il avait beaucoup d’argent et il devait être un homme influent, qui plus est, Tiphanie n’était qu’à une ville de lui, s’il avait daigné la retrouver, il l’aurait fait depuis longtemps, or ce n’était pas le cas. Il ne l’aimait pas. Cet état de fait la rendait triste, mais pas en colère, après tout il devait bien avoir des filles plus jolies et plus fortunées qu’elle autour de lui, assez pour oublier la pauvre Tiphanie.

            C’était le début du mois d’octobre, il faisait encore assez bon pour la saison, mais Tiphanie était gelée, James lui avait donc prêté un de ces pulls, tellement grands qu’elle avait dû retrousser les manches trois fois. Au moins, on ne voyait pas son ventre rond. Elle n’aimait pas le regard que les gens portaient sur elle, sur son ventre comme un ballon et ses membres filiformes, d’ailleurs cela faisait enrager James et chaque fois qu’il la voyait nue il grinçait des dents. Il l’aurait gavé comme une oie si elle n’avait pas justement était enceinte, du coup il se retenait, faisant simplement des commentaires sur le peu de nourriture qu’elle acceptait avaler.

            Ce matin là, James lui avait dit d’aller faire un tour en ville, de se changer les idées, car il n’aimait pas qu’elle reste seule dans leurs vieilles appartement miteux, et il avait des choses à faire, justement. Elle avait suivit ses conseils, voir les boutiques ne lui ferait pas de mal. Elle passa devant la devanture d’un antiquaire, jamais elle ne s’y serait arrêtée si elle n’avait pas reconnu le médaillon en vitrine. Un petit cœur en argent au bout d’une chaîne, Son sang ne fit qu’un tour. Elle connaissait ce médaillon, et pour cause, c’était celui de sa mère. Son père avait donc finit pas le vendre, ils devaient terriblement manquer d’argent. Elle pensa à son petit frère, encore coincé sous la coupe paternel.

            Elle revit son père, un homme autodestructeur, un chômeur alcoolique qui battait sa mère, mais jamais ses enfants, c’était lui qui l’avait tué, en la faisant tomber dans les escaliers. Il n’aimait pas les croyances religieuses de sa femme, et ça rendait Tiphanie anxieuse et triste, car sa mère était gentille et elle ne faisait jamais de mal à personne. Depuis qu’elle était morte, son père n’était pas de meilleure humeur, il buvait plus et gaspillait le peu d’argent qu’ils avaient. Tiphanie se demandait comment son frère pouvait le supporter, et ce qu’il était devenu, depuis ses longs mois, elle aurait aimé aller les revoir, mais c’était impossible, pas pour le moment, après peu être avec James, elle verrait. A cette pensée, elle frissonna, et sentit son sang se glacé, revoir son père, revoir l’homme mauvais la terroriser, mais son frère, il fallait qu’elle le revoit.

            Tiphanie regarda le médaillon, elle ne pouvait pas partir, il devait lui revenir, mais il était bien trop chère, elle devait garder son argent. Un homme finit par sortir de la boutique.

            « - Tu n’as rien à faire ici. Grogna-t-il. Fiche le camp.

- Je ne fais rien de mal, je regarde seulement.

- Pas trop longtemps alors. »

            Et il rentra. Tiphanie resta planté là, ne pouvant détacher les yeux du bijou. Peut être pourrait-elle aller trouver Monsieur 21, lui dire qu’elle était enceinte et que tout ce qu’elle lui demandait c’était le collier, lui jurait qu’elle ne l’importunerait plus, qu’elle élèverait le bébé seule, qu’il n’aurait rien à payé, mais qu’en échange elle demander le collier. Mais il lui répondrait surement que c’était le genre de choses dont elle pouvait se passer, qu’elle ne devait rien lui demander, ou pire il la tuerait, ou il attendrait que l’enfant soit né pour le tuer, ou pire, le lui enlever à tout jamais.

            L’homme de la boutique frappa sur la vitrine, et lui fit signe de partir. Et dire que l’on était né dans l’air de l’humanité, pensa Tiphanie grincheuse, on ne peut même pas regarder une vitrine, quelle humanité. Mais elle ne bougea pas, elle ne dérangeait personne.

            Elle perdait la notion du temps, se remémorant les souvenirs qu’elle avait de sa mère, elle était perdue dans le temps passé, si bien qu’elle ne vit pas l’homme fou de rage sortir de la boutique, elle ne sortit de sa léthargie que lorsqu’il la gifla, sous le regard amusé des passants. Sans lui laisser le temps de réagir, il la bouscula, elle tomba en avant, ne pus se rattraper et se retrouva à quatre pattes sur le trottoir, avec un dangereux tournis. Elle porta une main à son front, pensant que l’homme en resterait là et qu’il lui laisserait le temps de se relever et de partir, mais non. Il profita de son bras levé pour lui donner un coup de pied dans le ventre. Elle hurla de terreur et de douleur, porta ses mains à son ventre, ne cessant de penser au bébé. Il y eu deux autres coups de pieds, rapides et puissants. Elle le supplia d’arrêter, assura être enceinte, mais il ne semblait pas entendre. Quelques passants hurla à l’homme d’arrêter, mais aucun ne vient réellement à son secours. Tiphanie vit le pied près de son visage, il allait lui casser le nez, mais à quelques centimètres fut stoppé net, l’homme fut projeté au loin.

            Elle avait dû mal à respirer et son ventre la faisait souffrir. Elle ne cessait de murmurer le mot bébé, un homme s’agenouilla à côté d’elle, passa ses bras puissant autour de Tiphanie.

            «  - Vous êtes malade de frapper une femme enceinte. Hurla-t-il, pour l’antiquaire. Ça va aller ? Demanda-t-il, à Tiphanie.

            Mais en larmes elle ne pouvait répondre, elle ne sentait plus le bébé, il devait être mort, c’était atroce. Entre ses sanglots, elle entendait les passants murmurer entre eux, disant que c’était incroyable que l’on puisse frapper une femme enceinte de cette façon, les gens se demandaient ce que faisait la police.

- Henri. Reprit le sauveur. Va chercher Doc. Tu peux marcher ?

            Pour toute réponse, Tiphanie se laissa aller contre le torse musclé de l’inconnu. Il la souleva sans difficulté, elle n’avait pas peur, c’était étrange la confiance qu’elle portait en cet homme, dont elle n’avait même pas vu le visage. Il traversa la rue, et la conduisit jusqu’à une voiture noire luxueuse, l’installa sur la banquette arrière avant de se mettre à côté d’elle, dans un silence complet, un autre homme c’était précipité à l’avant du véhicule, un chauffeur, il s’avait parfaitement où aller.

            Au travers des larmes, Tiphanie regarda l’inconnu penché sur elle. Elle connaissait ses cheveux châtains, et ses yeux bleus lui disaient quelque chose. Non, ce n’était pas possible, pas lui. Elle eut un mouvement de recul, qu’allait-il lui faire ?

- Non, ne bouge pas. Dit-il, de sa voix douce. Ça va aller, Tiphanie.

- Monsieur…

- Je m’appelle Bastien. L’interrompit Monsieur 21.

- Je… »

            Mais elle s’évanouit. Lorsqu’elle rouvrit les yeux, elle était allongée dans un lit blanc, un homme d’une cinquantaine d’années bedonnant, était penché sur elle, un stéthoscope dans la main, il y avait aussi une machine qu’elle pensa être pour faire des échographies. Il prit son pouls, regarda ses yeux, puis hocha la tête.

            « - Vous n’êtes pas dans un bel état. Comment vous sentez vous ? Nausées, vertiges, fatigue, crampes, douleurs ? 

- Le bébé ? Demanda-t-elle, se préoccupant peu de se qu’elle pouvait avoir elle-même.

- Il n’a rien, c’est une chance. Souffla l’homme, d’une voix douce et mielleuse.

            Il fit courir ses longs doigts blancs sur son front.

- J’ai mal au ventre. Murmura-t-elle.

- Oui, vous avez des hématomes assez impressionnant, rien de grave, dans quinze jours ils auront disparut. Vous mangez correctement ?

- C’est que…je n’ai jamais faim. S’excusa Tiphanie, en rentrant la tête dans les épaules.

- Va valoir arranger ça, le bébé est un peu petit, et vous êtes trop faible. Je ne voudrais pas vous faire peur. Dit-il, un moment plus tard. Mais si vous voulez survivre à l’accouchement, il faut que vous preniez des forces. Je ne pourrais pas faire de césarienne, et…

            Il ne termina pas sa phrase, de peur d’effrayer d’avantage Tiphanie.

- Vous mangerez ? Finit-il, par demander.

            Tiphanie hocha la tête, elle se forcerait, pour le bébé.

- Il va falloir que vous restiez couchée, éviter le moindre effort, vous reposer, tout le temps, et ne pas vous inquiéter. Trop de stress pourrait déclencher les contractions et vous n’avez pas la force d’accoucher maintenant, le bébé pourrait y survivre, certainement même, mais pas vous. Je préfère ne pas vous donnez de sédatifs, alors il va falloir prendre sur vous et vous calmer, ne pas vous agiter. Si quelque chose ne va pas, faites moi appelez, à la moindre chose anormal, d’accord ? Si vous sentez des contractions, ou si vous perdez les eaux. J’espère que ça n’arrivera pas avant un moment. Maintenant, vous voulez savoir le sexe ?

- Non. Chuchota Tiphanie, effrayée.

- Très bien, je ne lui dirais pas alors. Fit le docteur, en rangeant ses affaires dans sa trousse. Ah ! S’ils commencent à se disputer, dites que vous ne vous sentez pas bien, pas de stress c’est vitale pour le bébé. Reposez vous, je repasserais dans une heure ou deux. »

            Il lui sourit avant de partir, Tiphanie le suivit des yeux. Elle était dans une grande chambre claire, aux nombreux miroirs, livres et mobiliers anciens, le genre chambre de riches. Elle ne savait pas où elle était, elle n’avait pas non plus conscience de l’heure, mais il faisait jour. Le docteur s’enfuit par une porte sur sa droite, mais il ne la referma pas, il n’eut pas le temps, tout de suite assaillit par deux hommes de haute carrures. De là où elle était elle n’entendait que les réponses du médecin.

            « - Elle est réveillée…Oui, très bien…Non…Du repos et beaucoup de calme, il ne faut pas qu’elle bouge et surtout pas de stress, veillez à ce qu’elle mange…Pas assez alors. Répliqua le médecin, d’un ton autoritaire qu’elle ne comprit pas. Ne vous disputez pas ! Ordonna-t-il, il tourna la tête vers Tiphanie et lança un regard noir aux deux types. Oui, vous pouvez la voir, pas plus de cinq minutes, ne l’épuisez pas.

            Tiphanie aurait voulu faire semblant de dormir pour ne pas voir les deux hommes, mais ils se précipitaient déjà vers le lit. Le premier elle c’était parfaitement attendu à ce que se soit lui, Monsieur 21, Bastien, mais le second c’était une surprise, James. Que faisait-il ici ? D’où connaissait-il Bastien ?

- Ma pauvre Tiph’. S’écria James, en venant lui prendre la main. Ça va aller, ne t’en fait pas, on va prendre soin de toi, maintenant. Tu n’as qu’à exigé, nous sommes à tes ordres. Rit-il.

            Bastien s’assit à sa droite et prit sa main dans les siennes. Il paraissait inquiet et torturé. Il lui tapota la main maladroitement.

- J’ai soif. Murmura Tiphanie, craintive.

- J’y vais. Assura James, partant.

            Maintenant elle était seule avec Bastien, moment qu’elle avait attendu mais qu’elle craignait plus que tout. Qu’allait-il lui dire ? Que pensait-il ?

- Oh ! Ma Tiphanie. Soupira-t-il. Je t’ai cherché partout, si tu avais dit à James que c’était moi…Tu m’as tellement manqué, j’étais mort d’inquiétude. J’ai cru que tu ne m’aimais pas, Tiphanie, ma Tiphanie. Mais pourquoi es-tu partie comme ça ?

- Je pensais que tu ne…que tu n’en voudrais pas. Dit-il, en effleurant son ventre douloureux du bout des doigts. Les autres disaient que tu étais contre. J’avais peur de toi. Avoua la jeune fille, en larme.

- Non, Tiphanie, s’il te plaît, ne pleure pas. Oh ! Tiph’, comment pourrais-je, ne pas vouloir de mon enfant ? Je t’aime. Dés le premier jour, j’ai su que tu étais différente, que tu étais celle qu’il me fallait. Je ne veux pas te perdre Tiph’. Je m’en veux de ne pas t’avoir dit cela plutôt. Tout est ma faute, pardonne moi. Je t’aime. Répéta l’homme. J’ai trente ans, je sais que ma vie n’est pas des plus vertueuse, que j’ai une vie distordue, je suis un mafioso, Tiph’, mais je t’aime et j’aimerais que nous nous marrions. Quand tu auras le bébé et que tu te seras remise de tout ça. Si tu ne veux pas, je comprendrais. Soupira-t-il.

- Tu veux réellement m’épouser ? S’étonna la jeune femme. Malgré ce que j’ai fait ?

- James m’a tout raconté. Tout ce que tu as fait, tu l’as fait pour le bébé, tu es la meilleure mère du monde. Tu ne dois plus avoir peur de moi, je ne te ferrais jamais de mal. Tu n’imagines même pas ce que j’ai ressenti lorsque je t’ai vu tout à l’heure.

            Il détourna la tête, des larmes roulaient le long de ses joues. Il ferma les yeux un instant, puis les rouvrit pour contempler Tiphanie, il tenait toujours sa main droite dans les siennes, il la serra plus fort.

- Je t’ai tout de suite reconnu, je ne pouvais pas le laisser te faire du mal, quelle qu’en soit la raison, quand tu as dis…

            Il posa délicatement la main sur son ventre, là où il n’y avait pas d’hématome.

- J’étais heureux, mais fou de rage, j’aurais pu le tuer ce type. Tu n’imagines pas à quel point j’étais inquiet pour toi, et pour le bébé. Bientôt nous serrons une famille, une vraie famille. Assura-t-il.

            James revient, Tiphanie était persuadée qu’il était resté dehors pour leur laisser le temps de discuter. Elle était épuisée, mais voir James lui apporter une limonade, un verre d’eau et un plateau de nourriture, réveilla son appétit et sa curiosité. Elle accepta de manger, si James lui raconter comment Bastien et lui se connaissaient. Il accepta, il avait promis qu’elle n’avait qu’à demander pour être exhaussée, il se devait de respecter sa promesse.

- Nous sommes frères. Fit James, avec fierté.

- Demi-frères. Corrigea Bastien.

- Son père m’a recueilli quand j’avais dix ans. J’ai appris le business très vite, j’étais même très doué pour la mafia, la négociation et le reste. Trop même, plus que Bastien. Fanfaronna James, en faisant un clin d’œil à Tiphanie.

- Pourquoi vous ne travaillez pas ensemble alors ? Questionna la jeune fille.

- Parce qu’il y a eu un accident, et que je suis un camé. Bast’ n’aime pas mon penchant pour la drogue. Tu sais qu’elle pense que je ne suis pas accro. Fit-il, pour son demi-frère. »

            Bastien tendu la main pour caresser le visage de Tiphanie. Il devait trouver cette révélation incroyable.

Ils discutèrent durant de longues heures. Tout irait bien maintenant, assurèrent les deux hommes, ils prendraient soin d’elle, mais Tiphanie avait dû mal à croire que cela puisse être vrai, c’était trop beau, pour elle. James finit par partir. Bastien lui fut chassé par le Docteur qui était mécontent de le voir encore dans la chambre. Exténuée elle s’endormi, la journée avait été trop chargée pour elle.

            Lorsqu’elle rouvrit les yeux, un peu confuse et déboussolée, Bastien était là, assis sur une chaise, il tendit le bras pour caresser ses cheveux et sa joue, il avait un sourire des plus radieux.

            « - J’ai une surprise pout toi, James aussi. Clama-t-il.

            Il sortit de sa poche un écrin à bijou. Tiphanie remarqua qu’il était trop long pour contenir une bague. Elle s’interrogea sur cet écrin rouge, durant un moment. Il le lui tendit, elle hésita à le prendre, mais il l’encouragea, d’une main tremblante elle ouvrit le couvercle. Elle lâcha la boîte, trop stupéfaite pour dire quelque chose.

- Il ne te plaît pas ? Rit Bastien, prenant le collier pour lui passer autour du cou.

- C’est…C’est…Merveilleux. Acheva-t-elle. Le collier de maman.

- Oui. Attend de voir la surprise de James, alors.

            Il se pencha vers elle, passa une main sur sous sa nuque et l’embrassa. Ses lèvres chaudes la firent frissonnée, elle avait oublié le goût délicieux de ses baisers, plus jamais elle ne serait séparée de lui. Elle l’aimait  vraiment, c’était un miracle qu’il l’aime, elle en était consciente.

            James entra, toussa pour montrer son impatience. Lorsqu’il fut sur d’avoir l’attention de Tiphanie, il demanda à quelqu’un d’entrer.

- Paul ! Hurla Tiphanie.

            Le jeune Paul était bien plus grand que dans ses souvenirs, ses cheveux cendrés étaient plus longs, ses yeux étaient illuminés et il souriait. Paul était beau, il avait onze ans maintenant, ce n’était plus un enfant, plus tout à fait. Il se précipita dans les bras de Tiphanie, en trois enjambées il avait traversé la salle. Tiphanie le serra dans ses bras.

- Tu m’as manqué. Dit le garçon.

- Toi aussi, petit frère. Papa t’a laissé partir ? Dit-il, en essuyant les larmes de Paul.

- Il ne lui a pas donné le choix. Répondit l’enfant en désignant James. Il a dit que je pourrais rester avec toi.

            Tiphanie tourna la tête vers Bastien, c’était à lui de décider. Il sourit.

- Bien sur qu’il reste avec nous. »

            Une phrase revient à Tiphanie pour désigner la situation : « Tout est parfait dans le meilleur des mondes possibles. » Oui, c’était le cas, tout était parfait.

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