Montreux Jazz Festival: prestige et crise économique

Gyslain Lancement

Quand on est qu'un simple blogueur culturel, on ne peut prétendre à flâner durant l'entière quinzaine de ce "prestigieux" Montreux Jazz Festival. Voyez toutes formes d'ironie dans mon raisonnement. Choisir une seule soirée en épargnant l'absurdité? Rien de plus facile cette année, il ne faut pas me raconter d'histoires. Pourtant, du chien supposé méchant au bluesman docteur à ses heures, il y avait du choix: Pitbull, Kassav, Alanis Morissette, Lana Del Rey, Bastian Baker, Hugh Laurie (Dr House!)... L'ami Claude, nonobstant l'exigence de certains, affirme qu'il en faut pour tous les goûts? Mais oui bien sûr, c'est pour cette seule et unique raison que l'on vient au Montreux Jazz Festival. Mon choix va donc immédiatement se diriger vers une valeur sûre: Noel Gallagheret ses High Flying Birds à l'Auditorium Stravinski. En invitant le plus gentil des frères Gallagher, le Montreux Jazz souhaitait rester fidèle à sa réputation d'avant deux heures du matin les vendredi et samedi soir: on est sage, poli et correct. C'est pourtant comme "looser" que l'ex-tête pensante d'Oasis avait commencé, rendant le statut de glandeur des plus tendances, en miroir d'un "Wonderwall" devenu culte. En 2012, il est passé de compositeur à chanteur pour qu'on ne l'appelle plus aujourd'hui Oasis mais bien Noel Gallagher. Malin, n'est-il pas?

Mais avant cela, les Bombay Bicycle Club ouvraient le bal. Enfin sorti de l'école mais sentant l'université à plein nez, les quatre anglais nous ont tout de suite donné une fâcheuse impression: les Smiths, c'était il y a trente ans. Pourquoi les Smiths? Parce que nos jeunes amis nord-londoniens sont un peu ressemblants, sans Johnny Marr à la guitare, mais avec un semblant de végétarien casse-bonbon au micro. Histoire de faire plus vrai. Trêve de bougonnerie, les Bombay Bicycle Club nous ont fait passer un bon moment, et hormis les influences clairement vintage, on constatait avec plaisir que cette génération avait vu passer le grunge et le noise entre temps. Les Inrockuptibles en raffoleraient presque? Le demi-public du Stravinsky aussi.

Entracte. La scène paraît plus grande, d'un coup. "Baby i'm amazed" (Paul McCartney) dans les enceintes, pour patienter. Soit le maître avant l'artificier. Parce que Noel Gallagher, né en 67, un an avant le "White album" des Beatles, l'a probablement écouté étant gamin, soit quarante de Rock acquis d'avance.  Quarante ans de Rock, et après? Le split de son groupe (Oasis), le plus important des 90's, et le début d'une carrière solo qui s'est longtemps dessinée, bien cachée derrière la gouaille de son cadet d'frangin. Il y a quelques mois de cela, je n'avais pas hésité à encenser ce premier album de Noel. Une année et demi d'exploitation, la neige a fondu au soleil et c'est toujours aussi beau. Presque trop. Pour ceux qui en douterait encore, Noel se sent bien, seul. "(It's good) to be free", d'entrée, chasse le doute. En plus de la quasi-totalité du premier disque des High Flying Birds, le set sera, sans surprise, ponctué de chansons d'Oasis. Après tout, ce sont les siennes. Un peu à la demande du public aussi, on aura droit à "Supersonic", "Whatever", "Mucky fingers", "Little by little", pour finir sur "Don't look back in anger". Chambreur, rigolard, mais fier - c'est à cela que l'on reconnaît un Gallagher d'un Blur - et changeant de guitares comme il enchaine les perles de langage, Noel a paru amusé. Une heure trente durant, on a brillamment vu l'avant et l'après Oasis, pas si différents au final, mais fidèles à la prestation d'un artiste carré et sûr de lui. Sorry pour l'apologie, j'ai grandi avec Oasis.

Gyslain Lancement

Signaler ce texte