Mort éclair

del-pessa

C’est un mercredi après-midi, vers 16 heures, une belle journée se termine. En effet, le soleil s’efface derrière les nuages gris emmenés par les vents mauvais. L’atmosphère est pesante et excite les enfants, l’annonce d’un gros orage en devenir. D’ailleurs les parcs et les jardins se vident. Ce n’est pas le souci premier de Paul et Angèle. Les deux enfants s’amusent à cache-cache. Ils apprécient ce jeu tant leur maison est immense et c’est aussi l’occasion de jouer ensemble. Appuyée contre le mur du couloir c’est au tour d’Angèle de compter.

Angèle est une douce enfant de six ans, facile à vivre, très joyeuse qui rit pour un rien. Elle adore ses parents et s’entend parfaitement avec son frère. Elle va bientôt quitter la maternelle à sa grande joie car impatiente de porter son premier sac d’école. Elle possède déjà ses nouvelles affaires : une trousse, une règle, des cahiers, des jolis feutres. En effet, Angèle est passionnée par le dessin.

Paul, huit ans, est un garçon dynamique, voir turbulent, qui ne pense qu’à s’amuser. Il y passerait la journée à jouer à cache-cache, aux cartes, aux cow-boys et aux indiens, au gendarme et au voleur… Non seulement il a une imagination débordante pour cette activité, mais il entraîne bien souvent avec lui sa petite sœur, aux grands regrets de ses parents, obligés de le réprimander pour ses diverses bêtises. Comme à son habitude, Paul est caché dans le grenier. Il en connaît chaque recoin : au milieu des poutres apparentes, des meubles au bois terni par les années, entourés d’objets obsolètes qui constituent le musée de ses parents, il s’agit de son chez soi, un lieu secret, mystérieux. Angèle retrouve sans peine la cachette de son frère au désespoir feinté de ce dernier :

« Comment tu as fait pour savoir que j’étais là ?

- J’ai entendu la porte du grenier, répond Angèle, les yeux pétillants de malice et de fierté.

- On joue au policier et au voleur, propose Paul.

- Mais moi je suis le voleur, dit Angèle pleine d’enthousiasme.

Paul se rend au fond du grenier, où la chaleur est étouffante.

Angèle attend au milieu de la poussière et du silence qui l’entourent.

Elle a peur parce qu’il y a de grosses araignées qui piquent. C’est son père qui lui a dit.

- T’es où ? S’inquiète-t-elle.

Paul revient après quelques instants, un sac plastique blanc dans les bras. Il peine à soulever le contenu. Curieuse, Angèle se précipite sur le sachet.

- Qu’est-ce que c’est ?

Paul dévoile le secret en retirant du sac un revolver.

- C’est un pistolet que papa a rangé là-bas, précise Paul la voix toute emplie de désir.

- Oh ! S’exclame Angèle, devant la beauté de l’objet. Mais moi j’en ai pas de pistolet !

- Oui mais je suis le policier, alors j’ai le droit. Allez on joue. On dit que…ici, c’est ta cachette, et que moi je t’attends pour t’attraper.

- Et quand je viens, tu me diras haut les mains ! Ajoute Angèle.

Elle quitte comme convenu le grenier pour y revenir de suite. Arrivée à l’endroit indiqué, elle joue la surprise devant un Paul déterminé en justicier de l’ordre. Il tient à deux mains le revolver, un peu lourd pour un garçon de son âge, et sa position est la réplique parfaite du policier de la télévision : les bras tendus, les jambes fléchies et deux doigts sur la gâchette.

- HAUT LES MAINS ! Hurle Paul en direction de sa sœur.

- Mince, je suis prise au piège, interprète Angèle tragiquement.

Elle lève ses deux petits bras au-dessus de sa tête.

- Si tu fais un geste, je tire, menace Paul. »

A cet instant précis, un éclair jaillit dans le ciel gris, puis le tonnerre retentit dans un vacarme infini qui surprend Paul.

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