Moteurs

Christian Lemoine

Seule la rumeur des particules, dans l'air troublé de sa vivacité joyeuse, fut. Ensommeillés, les fines roues dentelées tout autant que les lourds rouages graisseux, les rouages les plus opulents comme les horlogeries les plus légères. Seule la rumeur, loin des tapages anxiogènes et des vrombissements. Peut-être un balancement régulier, cliquetis dans un recoin touffu de l'air dense, le cœur d'une mécanique sans métal. L'avant-scène n'est que replis de doux murmures, ainsi qu'il en est de la pénombre tremblante lorsque les lumières de la salle s'éteignent, que les rampes de la scène demeurent dans leur mutisme, et que n'est perceptible dans le froissement des étoffes en attente que l'éclat fragile de la servante. Le théâtre est dehors, dans les bourrasques d'air chaud, dans les volutes charnues où s'enroulent les langueurs des roucoulades et des pépiements. Ah, sagesse des hommes, qui leur susurre sans aigreur de lever la main des palonniers et des volants, afin que glisse à leurs oreilles le feutre imperceptible. Juste une éclaircie silencieuse. Et cependant déjà, les pas saccadés reviennent et enflent. Les vertus retenues et taiseuses retournent à leurs ergastules poussiéreuses, confinées de mousses et de moisissures, abandonnent leur royaume délicat aux engrenages bourrus. Repli du silence dans sa retirade, triomphe des borborygmes.

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