Mots d'enfants

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Peut-être tu me raconterais des histoires invraisemblables, assis en tailleurs devant la cheminée, et moi je te croirais, parce que tes rêves sont les meilleurs -  meilleurs que les miens en tout cas - et parce que c'est plus beau comme ça.

Je te croirais parce que j'aime croire les choses incroyables si elles viennent de toi. Et puis tu es si crédible, avec tes grands airs de quand tu veux dire des choses importantes, des choses qui te tiennent à cœur, et puis la manière que tu as de tripoter des mèches de cheveux entre tes doigts, quand tu cherches tes mots. Tu me ferais avaler n'importe quoi.

Peut-être tu briserais les carreaux, tu arracherais les rideaux aux couleurs fades et jaunies, et on s'envolerait dans le ciel aux tons tristes, mais à nous deux on construirait des arcs-en-ciel un peu partout, on rajouterait de la couleur au gris. On irait saluer des anges qui nous tendrait des baguettes magiques, et qui nous laisseraient voyager sur leurs ailes trop blanches, trop douces, trop parfaites.

Et tu me glisserais à l'oreille des mots qui me feraient rougir, pendant que les paysages défileraient trop vite, en dessous, mais tu n'aurais même pas le vertige, parce que je tiendrais la main. Et même que tu crierais, par moments, quand on ferait des piqués un peu trop brusques et des loopings sans prévenir dans les nuages cotonneux... et moi je poserais mes paumes sur tes yeux.


On en oublierait de crier et je retirerais mes mains de devant tes yeux, et là, tu pourrais savourer la vue. Et puis l'absence des autres, surtout. On les aime pas, les autres. Ils ne nous comprennent pas, les autres. La vie, elle est mieux sans eux, hein.

Tous seuls. Et tu m'embrasserais la nuque, comme tu le fais souvent.


Peut-être que tu écrirais des mots à l'encre bleue sur des feuilles plus blanches encore que les nuages, ces nuages qui seraient nos toboggans d'infortune. Tu t'appliquerais à former des jolies lettres, bien rondes, bien régulières, comme avant, comme en CP, dans les grandes lignes, mais en imaginant des lignes invisibles cette fois. Les coins de ta bouche auraient ce pli de quand tu es concentré, appliqué, de quand il ne faut pas te déranger, alors moi j'attendrais bêtement, en silence, le sourire agrippé à mes lèvres, je te regarderais faire et je serais heureuse. Parfois tu relèverais tes yeux d'enfant mélancolique de la feuille et ton regard se perdrait sur de l'invisible que j'essaierais de discerner à travers le voile de leur soit-disant réalité.


Et puis tu ferais glisser la feuille sur la table, jusqu'à moi. Tu murmurerais : regarde. Je saisirais doucement un coin de papier entre mes doigts et le déplierais délicatement. 

Tes lettres me sauteraient au visage…

 

Il y a la pluie qui tambourine contre le toit et ruisselle le long des tuiles. Il y a le cadran lumineux qui me nargue avec son presque minuit, il y a le foutu tic-tac qui grince contre le mur placardé de photos, il y a mes rêveries factices éparpillées sur l'oreiller, et puis il y a la pluie qui tambourine encore et ruisselle de l'autre côté de la vitre.


C'est comme une valse lente, une valse lente et langoureuse. Mais je suis seule, mon cavalier absent. Mes doigts emmêlés à des doigts invisibles.

Je tourne à vide.


Et si tout cela n'était qu'un rêve ?


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