Mourir pour Kiev

Christian Lemoine

Déjà cette sorte de fébrilité trouble, mélange de crainte et d'excitation. Des images viennent, qui ravivent des peurs anciennes, des remuements de terreurs tapies dans le noir abstrus de nos cerveaux reptiliens. Noir déchiré d'éclats de lumières et fracas de tonnerres belluaires. De ces images encore lointaines émergent des visages harassés, des corps bleuis, des marches exsangues, des fuites vitales. De l'autre côté de l'écran, le visage inexpressif, la voix atone, plus fielleuse que le rugissement du tigre. Et la mort implacable vêtue de ses fantasmes de puissance. La fièvre en nos organes trahit la soif de vivre encore, d'être épargné. Et malgré tout des corps fragiles montent vers les combats. Camarade d'une humanité affolée, tu vas. Au loin devant, les horizons de cendres. Et ton arme, la foi en ton droit. En nos occidents moelleux, nous mesurons aux battements de notre cœur le poids de nos inquiétudes, sous un printemps précoce. Et chacun entend le tocsin de sa raison qui le harcèle : que feras-tu ?

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