Laetitia et le yéti
Francesca Calvias
Nouvelle rencontre
Quentin avait décidé de laisser ses skis ainsi que de vider son sac à dos de tout ce qu'il contenait de lourd et d'inutile. Se contentant de garder sa tablette de chocolat ainsi que sa gourde remplie de jus de fruits afin d'aider Laetitia qui ne se soutenait plus qu'avec peine.
La fillette était morte de fatigue et se serait volontiers couchée à même le sol enneigé pour s'y endormir, quitte à ne plus jamais se réveiller si le jeune garçon n'avait pas été là pour la soutenir.
Avant de redémarrer Quentin lui avait donné deux carrés de chocolat et fait boire une gorgée de jus d'orange. Pas plus, car ignorant totalement quand ils seraient secourus, le jeune garçon préférait rationner ses maigres provisions.
On avait fait marche arrière mais le garçon en venait à penser que l'idée n'était peut-être pas aussi bonne qu'il se l'était imaginé. Quentin ne reconnaissait absolument rien du paysage. Maintenant au contraire on s'enfonçait de plus en plus profondément dans la forêt et de gros rochers pointaient à travers la neige.
Il fallait bien se rendre à l'évidence : les deux enfants étaient bel et bien perdus et probablement condamnés à passer la nuit dehors.
Quentin s'estimait suffisamment résistant pour se tirer d'une pareille épreuve sans dommage mais il craignait pour sa compagne dont il se sentait responsable. C'était lui qui l'avait attirée dans cette escapade. Lui encore qui l'avait incitée à sortir en cachette du centre, à échapper à la surveillance des propriétaires du centre ainsi qu'à prendre un risque insensé en s'aventurant ainsi seuls en montagne sans prévenir quiconque.
La petite était frigorifiée, trempée. Et si sa veste suffisait à lui tenir chaud une heure ou deux sur les pistes de ski de la vallée, celle-ci ne lui serait d'aucune utilité pour passer une nuit en montagne. De plus en dehors de deux carrés de chocolat et d'une gorgée de jus d'orange, ni l'un ni l'autre n'avaient rien mangé depuis le petit déjeuner qui remontait déjà bien loin !
La nuit commençait à tomber lorsque tout à coup, une accalmie de la tempête permit aux deux enfants qui se soutenaient à grand peine d'apercevoir une silhouette à une dizaine de mètres d'eux dans ce qui semblait être une sorte de clairière.
Un être humain dans ce blizzard ?
Les deux enfants se regardèrent. Se pourrait-il que les sauveteurs soient déjà à leur recherche ?
Une bouffée d'espoir les envahit, malheureusement de courte durée. L'ombre en effet parut s'apercevoir de leur présence mais au lieu d'approcher, détala au contraire à toutes jambes. Si bien qu'au moment où Quentin et Laetitia parvinrent dans la clairière, il n'y avait plus personne !
Les deux enfants échangèrent un regard désespéré. Cette fois, c'était bel et bien fini ! Le découragement le plus total succédait brutalement à l'espoir le plus fou.
A bout de nerfs Laetitia se mit à sangloter désespérément. - Nous sommes perdus ici ! Nous… Nous allons mourir ici ! Hoqueta la petite fille.
Laetitia également était rongée par le remords d'avoir agi de manière aussi irresponsable en suivant Quentin sans même le connaître, sans savoir s'il connaissait aussi bien la montagne qu'il le prétendait et surtout d'être partie en cachette et en sachant qu'elle n'avait absolument pas le droit de quitter le centre.
- Jamais on ne les retrouverait.
- Jamais plus elle ne reverrait sa maman, son papa, ses frères et sœurs…
Elle allait mourir de froid et de faim, solitaire et perdue dans la montagne hostile et cela uniquement parce qu'elle avait agi comme si elle n'avait pas plus de cervelle qu'une petite fille de cinq ans ! Comment avait-elle pu se laisser entraîner là-dedans ? Comment avait elle pu être assez stupide pour accepter la proposition du jeune garçon uniquement parce qu'elle en voulait au médecin et à
la Terre entière d'être obligée de manquer une leçon de ski à cause de ce stupide accident de la veille !
Maintenant si un miracle ne se produisait pas très rapidement il n'y aurait plus jamais de leçons de ski… Avant demain soir elle serait morte de froid, petit cadavre recroquevillé au pied d'un sapin ou au creux d'un rocher, que les sauveteurs ne retrouveraient qu'au printemps à la fonte des neiges…
Laetitia songea au désespoir de ses parents lorsqu'ils apprendraient d'abord sa disparition, ensuite les recherches infructueuses des sauveteurs et enfin la découverte dans quelques mois, de son corps sans vie. La petite fille réalisa qu'elle était en train de s'apitoyer sur son sort et que ce n'était pas une bonne chose car elle perdait peu à peu le reste de courage qui l'habitait encore.
Laetitia en était là de ses réflexions morbides, lorsque Quentin l'interpella. Le garçon était tombé à genoux dans la neige et examinait le sol avec énormément d'attention. Blanc comme un linge, le garçon montra à Laetitia ce qu'il venait de découvrir. La tempête s'était calmée et la neige n'avait pas encore eu le temps de recouvrir les traces de pas de la silhouette qu'ils avaient aperçue… et ces traces de pas n'avaient rien d'humain !
D'énormes empreintes aussi longues que deux empreintes de Quentin mises bout à bout et presque aussi larges que longues mais terminées par des traces de griffes… des griffes énormes ! Recouvraient le sol de la petite clairière…
- Qu'est... Qu'est ce… Qu'est ce que… Qu'est ce que c'est… Qu'est ce que c'est que cela ? Balbutia Laetitia effarée.
- Le Yéti ! Ce sont les empreintes du Yéti ! S'écria Quentin ne songeant même plus à dissimuler sa terreur.
- C'est le Yéti et il nous a vus ! Cette fois nous sommes vraiment fichus…
- Le jeune garçon était devenu aussi pâle que sa compagne.
- Qu'allaient-ils devenir ? Comment se protéger à la fois de la tempête, du froid, de la faim et de cette abominable créature qui était peut-être féroce et assoiffée de sang ?
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