難破船 (Naufrage)
Caïn Bates
Je marchais vers la proue du bateau, regardant par delà la rambarde du pont latéral les côtes au large de ma destination. Encore une bonne demi heure avant que le bateau n'entame la procédure d'amarrage. Elle était venue me rejoindre, souriante, radieuse. Je me suis adossé contre l'acier chauffé par les rayons du soleil et elle s'est approchée de moi, une main sur mon épaule et me parlai de sa voie douce.
J'étais subjugué par ses mots à tel point que je ne vis pas le bateau viré de bord. Elle occupa mon esprit de longues minutes avant que je ne regarde ma montre, intrigué de n'avoir pas encore entendu les instructions du capitaine alors que nous étions censés approcher du quai. Je me tourna donc à nouveau en direction de la proue et je ne vis qu'une infinité d'eau claire, rien à l'horizon. Elle s'est alors mise à sangloter mais, comment dire, cela ressemblait plus à une plainte, un râle d'outre tombe. Je cherchai quelqu'un pour m'expliquer les raisons qui nous avaient poussés à changer de cap mais il n'y avait plus d'âmes qui vivent à l'horizon. Nous étions seuls, perdus en plein milieu de cette eau limpide dont seuls les sons s'écrasés en ondes.
Le visage de la demoiselle s'était alors changé, comme si elle avait revêtu un masque funéraire duquel s'échappait des sifflements et des larmes qui s'évaporaient avant même de toucher le sol. Le navire s'est alors mis à s'incliner et à s'enfoncer petit à petit vers les profondeurs. Tandis que je glissais péniblement, elle me tendit une main, s'agrippant sans aucun mal à la rambarde et son visage était redevenu tendre. Des mots apaisant vinrent à moi de ses lèvres scindées, parlant directement dans mes pensées. Je sentais déjà la morsure glacée de l'eau parvenir sur ma jambe.
En ouvrant les yeux, nous étions déjà sous l'eau, enlacés. De fines bulles s'échappaient de sa bouche et ça m'était alors apparu subitement, l'oxygène ne me manquait pas alors que nous nous enfoncions déjà parmi les eaux plus sombres. Loin au dessus de nous, le navire s'en était aller, comme si nous étions passé à travers les sols ou si nous avions passés par dessus bord sans que l'on nous remarque. De sa main libre, elle me caressa gentiment la joue tout en me souriant. Je tenta de lui demander ce qui se passait mais aucun son ne voulait sortir de ma bouche. Sa voix, quant à elle raisonnait dans ma tête comme une mélodie apaisante tandis qu'elle plongeait son regard dans le mien. Et, sans crier gare, elle lâcha son étreinte et je mis à sombrer plus vite, plus lourdement. Elle, immobile, me regardait couler sans dire mot, sans faire un geste.
A ce jour, je n'ai toujours pas atteint le fond. Au prix de nombreux efforts, je suis parvenu à regagner de précieux mètres vers la surface mais jamais assez pour pouvoir ne serait ce que l'atteindre elle. Pourtant, il m'arrive parfois d'entendre des encouragements provenant d'elle mais, à quoi bon ? Le bateau est déjà bien assez loin maintenant pour pouvoir le rejoindre et rester à la surface me demanderait des efforts surhumains.
Je vais probablement rester là, ce n'est pas si mal finalement. De plus, je sais qu'elle est là, quelque part, à veiller sur moi. Et, au moins, je n'aurai emporté personne d'autres dans mon naufrage.