Narquïa

Amarille

[suite]

De l'orage résistait un air frais et humide que le soleil de l'aurore ne pouvait pas remplacer, mais la douce lumière du jour naissant pénétrant dans cette alcôve, je me réveillais, doucement, et tiède et timide caresse sur le bout de mes doigts, j'ouvrais les yeux. Je découvrais le monde comme si jamais je ne l'avais vu avant. Je restais un moment, comme ça, la tête posée dans la terre presque ocre. Juste là, saisie parce que le monde était nouveau. Parce qu'après la pluie vient toujours le beau temps, le proverbe prenait là une tournure pittoresque… d'ici c'était la colline d'en face qui, telle une ceinture naturelle donnait au soleil la mesure de sa quête. Conquérant de la vallée, elle avait passé la nuit sous les éclairs, sous la pluie, tremblant, menacée, tombant, se couchant puis se relevant et ainsi de suite, infiniment comme pourrait sembler être le temps lorsqu'il est figé par l'incertitude, par la peur, par l'obscur. Au matin, le vert des arbres avait perdu la poussière qui les recouvrait la veille, la terre avait retrouvé son éclat marron que l'on devinait à travers les herbes, aux pieds des arbres, sur les chemins. Il y avait cette odeur apaisante, et le soleil avançait petit à petit, le jour s'étirait. Moi, je prenais conscience comme on monte un escalier, petit à petit, que j'avais passé la nuit sous l'orage… et que j'avais une bosse à la tête, lorsqu'en passant ma main dans les cheveux pour essayer de leur donner un semblant d'allure, je dressais un palmier derrière moi. La séance terminée, je jetais un œil là où j'avais vu l'entrée de la caverne : je prenais mes marques en regardant les traces de griffes qui jonchaient les parois, comme pour creuser… je rentrais pliée en deux. Je ne m'attendais pas à devoir autant descendre. En bas, il semblait s'éclairer une lumière. Intriguée et curieuse, je continuais mon chemin. Au bout d'une heure peut-être, voire plus, j'arrivais en bas, un tunnel semblait mener quelque part, j'avançais, pas sas me casser la figure, ayant toujours été souple et le chemin étant parsemé d'embuches, j'avançais. Je me trouvais finalement dans un espace plutôt grand, mais je ne voyais pas de lumière. Un gros rocher me bouchais le passage, et lorsque je me décidais enfin à le passer, je voyais au fond – me semblait-il – une femme recroquevillée. J'essayais de l'appeler, mais elle ne bougeait pas. Je me raclais la gorge pour donner un peu de la voix et soudain la femme se retourna. Je tombais sur les fesses lorsque je réalisais que c'était un dragon.

Un dragon ?! Il n'y en a plus de nos jours, c'était du temps des contes de fées… pas possible. Pourtant, ses dents pointues me rassuraient, je ne rêvais pas. Je lui souris machinalement, on ne sait jamais – un pur réflexe de survie. En même temps vu les os qui trainaient là, je ne pense pas que ce truc devait avoir faim, du moins je l'espère. Je restais planquée un long moment derrière mon rocher à l'épier. « C'est une dragonne !! » Je me plaquais aussitôt contre mon rocher, j'avais pas envie de finir en tas d'os, je tiens assez à mes pieds, et au reste aussi. Je prenais une immense respiration il allait me falloir du courage ou de la témérité… mouais, de la témérité. « Youhou ! » Soudain, elle se retournait avec son regard plein de rage et ses dents de rasoir. « Ho putain ! » Je sais pas, je dois être tarée mais c'était plus fort que moi… je lui donnais un nom… c'était presque viscéral cette envie de m'approcher d'elle.

« Salut ma belle ! »

« Grrrr… »

« Bon, je vais te donner un nom ! Parce que si tu veux sortir, c'est pas par là. Là tu creuses ton trou… » 

« Grrr… »

« Anna ? » « Grrr… » « Ok, t'aimes pas… Béa ? » « Grrr… » « Non plus ! Charlie ? »  « Grrr… » « Ben non, pas Charlie. Diane ? » « GRRR… » « Ha ! Je touche une corde sensible… on va mélanger les lettres… » « Nadie ? » « GR… »

Elle me regarda d'un air de dire « me prend pas pour un bulot. » « Soit ! » Je réfléchissais un instant… « Narquïa… »

Elle me regarda gentiment, je gardais ce nom qui m'épargnerait sa mâchoire sur l'une des parties les plus charnues de mon corps. Mieux vaut être prudente…

« Narquïa ! Si tu veux sortir, regarde la lumière est là-haut ! Va falloir aller la chercher ailleurs qu'au fond de la caverne, tu as assez creusé ! Allez ! Faut monter ! »

[…]

  • Moi qui suis un montagnard (mais c'est à se demander, ce que je ne suis pas) quand on est enseveli sous une avalanche on perd le sens du haut et du bas et même l(inverse. comme celui des convenances. Il faut se pisser dessus pour ne pas se tromper de côté ou creuser. :o))

    · Il y a plus de 4 ans ·
    Photo rv livre

    Hervé Lénervé

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