N'attendons pas que le ciel nous tombe sur la tête

Stéphane Rougeot

Encore une farce théâtrale, en 3 actes !

Acte 1

Scène 1

La scène est entièrement noire.

Bruits habituels de grande surface : brouhaha des clients, bips des caisses, grincement des chariots, enfants qui pleurent, articles qui se brisent au sol, cris de jouissance, musique lancinante et appels de clients perdus ou de vendeurs en pause…

Un portique de sécurité sonne, puis s'arrête à plusieurs reprises, comme si quelqu'un tentait de détecter ce qui le déclenche.

Annonce — Nous vous rappelons que votre centre commercial est exceptionnellement ouvert ce soir jusqu'à très tard, soit à peu près vingt-trois heures dix et quart de minuit environ. Venez donc profiter de la première journée des soldes, de nuit, et avant l'heure ! Vous pourrez dépenser tous les sous que vous n'avez pas encore donnés aux impôts ou ceux de vos allocations que vous venez à peine de toucher. N'attendez pas d'avoir payé votre loyer ou toutes vos factures, ça ne dure que jusqu'à ce soir, y compris demain ! Pour rappel, il est déjà vingt-deux heures trente douze, alors n'hésitez pas à contacter vos amis, vos familles, vos collègues de boulot, afin qu'ils viennent vous aider à pousser tous vos chariots archi pleins, à défaut de faire eux-mêmes des achats dans notre belle boutique. N'attendez pas que le ciel vous tombe sur la tête pour…

Grand bruit de plafond qui s'écroule.

Cris de panique. Bris de verre. Déchirement de métal et de tissu. Splotch de gens écrasés. Scratch de velcro. Zip de fermeture éclair.

Puis grand silence.

Scène 2

La lumière se fait, révélant un décor de désolation. Entre des rayons de supermarché renversés, des articles jonchent le sol. Des morceaux de tôle ondulée et de débris du plafond, néons, tubes de climatisation etc. traînent un peu partout.

Franck se relève et fait le tour des survivants, encore tous allongés sur le sol.

Franck — Tout le monde va bien ?

Franck s'approche de Mylène.

Franck (à Mylène) — Vous allez bien, madame ?

Mylène — Je… Je crois… Oui…

Mylène s'assied péniblement.

Franck passe sans la voir devant Adèle qui lève pourtant une main.

Franck — Il y a d'autres survivants ?

Franck s'approche d'Éric.

Franck (à Éric) — Monsieur ? Vous avez besoin d'aide ?

Adèle (à Franck) — Moi, j'aimerais bien un peu d'aide, oui !

Éric pointe un doigt vers Adèle.

Éric (à Franck) — Moi, ça va aller, mais elle…

Franck voit Gibus qui est allongé un peu plus loin.

Franck(à Gibus) — Et vous ? Ça va ? Hé !

Franck s'approche et s'agenouille à côté de Gibus, avant de lui prendre la tête.

Franck (à lui-même) — Ah, c'est un ado, il va pouvoir se débrouiller tout seul.

Franck lâche brutalement la tête de Gibus et se relève.

Adèle agite la main en essayant de se redresser.

Adèle — Par ici !

Franck repère alors Cécile.

Franck(à lui-même) — Une autre femme, par ici !

Franck s'approche de Cécile.

Franck (à Cécile) — Madame ? Vous êtes ravissante… ? Euh… Vous êtes vivante ?

Cécile semble être désorientée.

Cécile — Quoi ? Qu'est-ce qui s'est passé ?

Eric se glisse à quatre pattes jusqu'à Adèle et l'aide à s'asseoir contre un rayon renversé.

Éric (à Adèle) — On dirait qu'il ne vous a pas vue. Ça va ? Vous avez mal quelque part ? Vous avez quelque chose de cassé ? Vous pouvez parler ? Vous mettre debout ? Courir un marathon ? Faire un 4 fois 400 mètres nage libre en apnée sans plonger et les mains attachées dans le dos ?

Adèle — Je suis pas votre grand-mère, mais je devrais quand même être capable de faire un tour en vélo. Pour le reste… On verra plus tard. Bien plus tard.

Éric — Bon, au moins, vous pouvez parler, c'est déjà ça.

Mylène se met debout.

Adèle (à la cantonade) — Quelqu'un sait ce qui s'est passé ? C'est un attentat ?

Éric — J'ai entendu personne crier “Allahou Akbar” donc ça m'étonnerait. Mais c'est possible quand même. S'il s'est fait surprendre, ou qu'il a appuyé trop tôt sur le bouton…

Franck — Non. C'était pas un bruit d'explosion. Et les dégâts n'y ressemblent pas non plus. J'opterais plus pour un accident. Un accident malheureux, soit, mais un accident. Même si pour l'instant j'ai pas encore trouvé de mort, mais je ne désespère pas.

Franck poursuit son exploration jusqu'aux bords de la scène.

Franck — On dirait qu'on est bloqués. J'ai vu tout le monde ? Y a pas de blessé grave qui aurait besoin de soins médicaux d'urgence ?

Mylène — Pourquoi ? Vous êtes docteur ?

Franck — Ah non, pas du tout. Justement, c'est pour savoir s'il faut en chercher un.

Franck(à la cantonade) — Personne n'est docteur, ici ?

Tout le monde se regarde, mais personne ne réagit.

Franck (à la cantonade) — Pas de blessé ? Tout le monde va bien ou à peu près ?

Éric — Un peu sonné, mais mon corps a l'air intègre.

Cécile — Ça veut dire quoi ?

Éric — Quoi donc ?

Cécile — Avoir les reins tègres ? C'est une maladie ?

Franck regarde Cécile.

Franck (à Cécile) — Je peux vérifier si votre corps est intègre, madame ?

Cécile — Bas les pattes ! Je sais pas ce que vous cherchez, depuis tout à l'heure, mais y en a pas sur moi, je vous promets.

Franck — Une blessure ? Une écorchure ? Une main baladeuse ?

Cécile — Une claque, peut-être ?

Franck — Non, ça ira. Merci.

Mylène regarde la scène et semble inquiète.

Mylène(à elle-même) — C'est pas vrai… C'est pas vrai…

Franck s'approche de Mylène.

Franck(à Mylène) — Madame ? Vous allez bien ?

Mylène — C'est pas vrai…

Franck — J'ai bien peur que si, madame. Mais pas d'inquiétude, on va tous bien !

Mylène — Ça a recommencé. On dirait bien que ça a recommencé ! Vous comprenez ?

Franck — Quoi donc ? Qu'est-ce qui a recommencé ?

Mylène — C'est le toit qui s'est écroulé, c'est bien ça ?

Franck — C'est possible, oui. En tout cas, c'est l'hypothèse la plus plausible d'après mes premières constatations.

Franck observe les alentours.

Franck — Ça restera à confirmer par des spécialistes lors d'une enquête approfondie. Mais… Comment vous savez ? Vous l'avez vu s'effondrer ?

Mylène — Non, j'ai rien vu s'effondrer… Mais je l'ai vu ! Je l'ai “déjà” vu !

Franck — Alors vous l'avez vu ou vous l'avez pas vu ? Faudrait savoir !

Éric (à Franck) — Laissez-la un peu tranquille. Vous voyez bien qu'elle est en état de choc !

Adèle — Non ! Laissez-la parler, au contraire ! Si elle dit qu'elle l'a déjà vu… C'est peut-être une voyante, ou quelque chose dans le genre ? Elle peut nous dire si on va s'en sortir ? Ou comment il faut faire pour s'en sortir ? Parce que je sais pas les autres, mais moi, j'ai plutôt très envie de m'en sortir, voyez-vous ?

Gibus (à Mylène) — T'es médium, c'est ça ? Qui va mourir, alors ? Et moi, je vais m'en sortir ?

Mylène — Non…

Gibus ouvre de grands yeux emplis de panique.

Gibus — Et tu m'annonces ça comme ça ?...

Mylène secoue la tête.

Mylène — Non… Non, vous n'y êtes pas. Je ne vois pas l'avenir. J'ai juste déjà vécu des accidents comme celui-là !

Cécile — Dans le même magasin ?

Franck — J'y viens depuis des années, je pense que je l'aurais su.

Mylène — Non, pas ici. C'était plus dans le sud.

Gibus — Et tu t'en es sortie, les autres fois ?

Franck (à Gibus) — Ben oui, gros malin, sinon elle serait pas là pour en parler !

Mylène — Les deux autres fois, oui. Jamais grand chose d'autre que des écorchures…

Mylène regarde ses mains.

Mylène — Comme aujourd'hui !

Éric — Donc c'est la troisième fois que ça vous arrive ? C'est bien ça ?

Mylène — Exactement.

Éric — Et après avoir vécu deux fois la même chose… Ça vous est pas venu à l'idée d'éviter les centres commerciaux ? Histoire de penser un peu aux autres, quoi…

Mylène — Comment ça ? Je peux pas le prévoir, vous savez. J'ai déjà dit que j'étais pas…

Éric — Peut-être que… Tout simplement… Vous portez la poisse ?

Adèle (à Éric) — Mais ça va pas, de dire des choses pareilles ?

Cécile — Je serais plutôt de son avis, oui, moi aussi.

Cécile (à Mylène) — Vous vous considérez comment, niveau chance ?

Mylène — Comment ça, niveau chance ?

Cécile — Ben oui. Vous avez souvent du bol ? Ou bien, au contraire, vous marchez toujours dedans, vous gagnez jamais rien…

Mylène — Je sais pas… Normale, je dirais…

Cécile — Pas de guigne récurrente ? De période noire qui revient plus souvent qu'à son tour ? De maladresse perpétuelle ? Ce genre de choses, quoi.

Mylène réfléchit.

Éric (à Mylène) — Des amis qui vous fuient comme la peste ? Ça peut être un signe, si on voit pas les autres.

Mylène ouvre de grands yeux, mais se reprend rapidement en secouant la tête.

Mylène — Non, non… Rien de tout ça, je vous assure !

Franck(à la cantonade) — Calmez-vous. Calmez-vous tous ! Les secours vont bientôt arriver, et on va tous pouvoir reprendre le fil de nos vies misér… De nos vies respectives !

Franck attend, mais rien ne vient, et personne ne réagit.

Franck — Enfin, ils devraient arriver très vite… Mais peut-être pas aussi vite, en fait… En attendant, si vous voulez bien, on va se présenter. On sait jamais…

Eric(à Franck) — On sait jamais ?

Gibus(à Franck) — Tu sous-entends quoi, par là ?

Franck — Oui… Si on devait passer quelques heures ensemble… Ou quelques jours ?

Gibus — Quoi ?! Quelques jours ?!

Cécile — Même quelques heures, c'est déjà énorme ! On est pas paumés au milieu du désert, non plus…

Tout le monde se tourne vers Mylène.

Éric (à Mylène) — Ça prend combien de temps, d'habitude ?

Mylène — Mais arrêtez ! Je suis pas professionnelle de ces trucs-là, moi ! C'est toujours arrivé dans des conditions différentes, dans des endroits différents, et… Je préfère oublier ces instants qui sont très pénibles à revivre…

Adèle — Bon, déjà, elle parle “d'instants”, donc c'est pas trop long.

Adèle (à Franck) — On devrait pas y passer “des jours”, quand même… Hein ?

Franck hausse les épaules.

Gibus se lève et commence à fouiller partout.

Gibus — Y a aucun moyen de sortir par nous-mêmes ?

Éric (à Gibus, pointant Franck du doigt) — Je crois que le monsieur a déjà regardé.

Franck — En effet, oui. Y a aucun moyen. Vous savez, je suis un ancien militaire, et ça m'est déjà arrivé d'intervenir sur des situations similaires. Vous pouvez me faire confiance !

Gibus — T'as l'habitude, et pourtant tu sais pas quoi faire, ni comment, et encore moins combien de temps ça va prendre ?

Franck — Comme dit la dame, chaque situation est différente. C'est compliqué de répondre à ces questions. Le mieux à faire, maintenant, c'est prendre son mal en patience… Enfin, son mal… J'espère que personne n'a mal. Si ?

Franck s'assied sur des débris et s'éclaircit la voix.

Franck — Donc, je vais commencer. Je m'appelle Franck. Le prénom suffira. Je suis un ancien militaire, à la retraite, maintenant. J'ai fini colonel et j'ai servi dans bien des…

Adèle (coupant Franck) — On va pas raconter toute sa vie, non plus ?

Franck fusille Adèle du regard.

Franck — Je… J'habite à l'autre bout de la ville, mais je viens faire mes courses ici parce que j'aime bien le magasin, et je trouve que c'est pas trop cher… Malgré ma pension, je ne croule pas sur l'or. Surtout que j'ai une épouse…

Franck hésite.

Cécile — Oui ? Une épouse quoi ?

Franck — Non, rien. J'ai une épouse, c'est tout. Et c'est déjà bien suffisant ! Je suis passionné d'aviation, je passe mon temps libre à piloter, à participer à des salons, à construire des maquettes… Voilà, je sais pas quoi ajouter… Peut-être… Un volontaire pour être le suivant ?

Cécile — On peut poser des questions ?

Franck — Oui, bien sûr. Tout ce que vous voulez.

Cécile — Vous avez été dans l'armée… Dans l'aviation ?

Franck — Comment vous avez deviné ?

Cécile — Donc, en fait, vous n'êtes jamais sortis de votre boulot ? Puisque c'est aussi votre passion !

Éric — Un peu comme un gynéco qui passe tout son temps libre dans des partouzes ou chez les prostituées ?

Tous les regards se portent sur Eric, qui rougit.

Éric — Oh, pardon.

Franck — Vous n'avez pas tort. Et c'est le reproche que me fait souvent mon épouse, d'ailleurs. Ne pas avoir de hobby. Avoir passé ma vie entière dans les avions. Il est difficile de lui donner tort, bien évidemment. Mais quand on a quelque chose dans le coeur, on peut y passer tout son temps sans s'ennuyer et sans avoir envie de faire autre chose…

Mylène — C'est peut-être ce qu'elle vous reproche… De ne pas avoir assez de temps pour elle ?

Gibus (à lui-même) — Si ça vire à la consultation psy de groupe, trop pas pour moi ! Elle est où la sortie ?

Franck hausse les épaules.

Franck — Je sais pas quoi vous dire. Oui, vous avez sûrement raison. Mais c'est plus à mon âge que je vais me changer…

Gibus(à lui-même) — Mais ça va pas tarder, paraît que les vieux, ils régressent, du côté des couches, aussi… Quoique, ils ne se changent pas eux-mêmes, ils font faire ça par des infirmières à qui ils ne peuvent rien faire d'autre que raconter ce qu'ils auraient pu leur faire s'ils étaient plus jeunes…

Adèle — Plus question de changer du tout au tout, d'accord. Mais peut-être que vous pourriez avoir plus d'égards envers votre femme ? Vous excuser ? Faire attention à elle ?

Franck — Je peux promettre d'en parler avec elle. Quand tout ça sera fini. Si elle accepte la discussion, bien sûr.

Franck regarde tout le monde successivement.

Franck — Bon, assez parlé de moi. À qui le tour ?

Mylène est hésitante.

Gibus regarde le décor.

Éric s'avance au milieu de la scène, intimidé.

Éric — Ok. Moi, je veux bien. Je… Je m'appelle Éric F… Éric tout court, on a dit.

Franck — Oui, inutile de trop se dévoiler.

Éric — J'ai… J'ai quarante-deux ans. Je ne suis qu'un modeste employé de bureau sans avenir…

Franck — Non, ne vous dénigrez pas, Eric. Expliquez-nous clairement ce qu'est votre emploi, dans la limite de ce que vous acceptez ou avez le droit de nous divulguer et de ce qu'on peut en comprendre.

Éric — Ah… Très bien. Donc je suis officiellement l'un des comptables de la petite entreprise familiale, mais à part le café et les photocopies, personne me confie jamais rien… Ah, si ! Des fois faut que je passe le balais après que les autres ont mangé des croissants à dix heures… Sans moi, bien sûr.

Éric regarde Franck.

Franck — C'est très bien. Vous voulez ajouter quelque chose ?

Éric hésite.

Éric — Je… Oui, je me sens bien d'ajouter quelque chose… Je sais pas si c'est parce que je vous connais pas, ou si c'est les circonstances qui me poussent un peu les hormones ou quoi…

Franck — Alors allez-y, vous avez la parole, profitez-en. Personne ne vous jugera. Et demain, on sera tous redevenus des inconnus les uns pour les autres.

Éric — Voilà, je… Depuis longtemps, j'ai des idées dans la tête. Des idées vraiment… Présentes. Qui m'habitent, littéralement… Dans tous les sens… Du terme. Je suis envahi, ça m'obsède.

Mylène — On a tous des choses qui trottent dans la tête, vous savez. C'est très humains.

Éric — Des fois… Quand je passe devant… C'est difficile de résister. Tellement difficile… J'ai toujours peur de craquer, alors ça m'arrive de faire des détours pour pas voir… Essayer de plus y penser…

Cécile — Ah, je connais ! Moi aussi, quand je regarde une boulangerie, avec les gâteaux en vitrine, tout ça, je rentre et j'achète… Un jour, ça va finir par se voir !

Tout le monde regarde Cécile.

Cécile — Quoi ? Ça se voit déjà un peu ?

Franck — Mais non, pas du tout. Vous êtes ravissante, madame !

Adèle (agacée) — Ouais. Vraiment ravissante ! Trop, même !

Adèle (à Éric) — Allez, continuez, le pervers. Parce que c'est pas de gâteaux, que vous voulez parler, n'est-ce pas ?

Éric regarde Adèle, intrigué.

Éric — En effet… Oui… Je… J'ai beaucoup d'idées qui me traversent l'esprit quand je vois… Des femmes… Surtout les jeunes, les jolies, celles qui sont court vêtues, celles qui en montrent beaucoup, celles qui sont sexys, désirables…

Éric secoue la tête, puis se place une main devant les yeux.

Éric — Je sais pas d'où ça me vient, tout ça. C'est en permanence. C'est envahissant. Ça devient de plus en plus lourd à porter… À supporter.

Cécile regarde Eric en coin, méfiante.

Éric — Il se passe pas une journée sans que j'ai des envies avec l'une ou l'autre… Avec toutes… Toutes celles que je croise !

Mylène — Dites-moi, Éric… Vous êtes marié ? Elle en pense quoi, votre femme ? Ou votre copine ?

Éric — Non ! J'ai jamais pu trouver… J'ai même jamais osé aborder… C'est trop compliqué !

Franck — Si je comprends bien votre situation, monsieur Eric… Vous n'avez jamais rien fait de… Concret avec une femme, c'est bien ça ?

Éric — Ben… Si on veut être totalement rigoureux… Très précis… Dire les choses telles qu'elles sont… Oui, c'est ça.

Gibus — Oh le puceau !

Adèle(à Gibus) — Tu t'y connais, toi, dans le domaine de la virginité, hein ?

Gibus fait une grimace à Adèle.

Franck(à Éric) — Et à quarante-deux ans, vous n'avez jamais connu bibliquement de femme, alors que vous avez continuellement des envies ?

Éric — Ben oui ! Mais si j'en aborde une, qu'elle veut bien qu'on avance ensemble, j'ai peur de pas pouvoir résister ! De la dégoûter !

Mylène — Attendez… Vous avez peur d'avoir envie de coucher avec la femme avec qui vous sortez ?

Éric — Ben… En quelques sortes…

Cécile — Je suis pas un homme, hein…

Cécile(à Franck) — Vous m'arrêtez si je dis des bêtises.

Franck acquiesce d'un hochement de tête.

Franck — Vous n'êtes pas un homme. Jusque là, je crois que tout le monde est d'accord.

Cécile (à Éric) — Mais c'est normal, ces envies, dont vous parlez. C'est la nature ! C'est la vie !

Gibus — C'est le sexe, mon gars ! Sans ces pulsions, comment tu veux assurer au pieu ?

Eric est perdu.

Éric — Quoi ? Qu'est-ce que… Vous dites que… C'est… Normal ?

Franck — Bien sûr ! Enfin, dans une certaine mesure. Faut pas que ça vous bouffe la vie, non plus. Mais tant que vous n'avez pas… Montré votre loup, j'imagine que ça doit vous ronger de l'intérieur.

Éric — Toutes ces années perdues… À penser que j'étais malade… À contenir mes envies…

Gibus — Va falloir te rattraper, maintenant ! Les mecs, planquez vos gonzesses, le père Eric débarque en ville ! Et il a un énorme trop-plein à évacuer !

Gibus(à Éric) — Ça va, elles sont pas trop lourdes ? À moins que tu…

Gibus mime une masturbation masculine.

Gibus (à Éric) — Gères ça tout seul de temps en temps ?

Adèle est offusquée.

Cécile (à Gibus) — Mais ça va pas de dire des choses pareilles ?

Franck — Laissez. Ça aussi, c'est naturel. Surtout quand on a personne pour le faire à votre place… Ou faire autre chose… Enfin, vous m'avez compris.

Éric — Donc vous dites que ça gêne pas avec les… Dames ?

Gibus — Au contraire, mon pote ! Bon, après, faut pas non plus que ça devienne une obsession. Ni trop aborder ça avec la fille… Généralement, elles préfèrent le romantisme, tout ça… À moins de tomber sur une grosse cochonne nympho, ce qui arrive quand même de temps en temps.

Éric (à Gibus)— Vous avez des… Des numéros de “grosse cochonne nympho” comme vous dites ?

Mylène — Un ado prépubère comme lui ? Ça m'étonnerait !

Gibus — Prépubère ? J'ai vingt-cinq ans depuis deux mois !

Mylène — Ah… ? J'aurais dit douze ou treize, quinze maxi, moi ! Vous faites pas du tout votre âge…

Franck (à Gibus) — Tiens, justement, puisque vous semblez vouloir prendre la parole… Vous voulez bien vous présenter un peu plus ?

Gibus soupire.

Gibus — Si t'y tiens… Je m'appelle Gibus… Et le premier qui dit “Bonjour Gibus !” je l'étrangle, c'est compris ?

Gibus attend, mais personne ne bronche.

Gibus — Et le premier qui me traite de “p'tit”, c'est pareil !

Gibus attend à nouveau, mais toujours personne ne bronche.

Gibus — Ça manque sévère de culture cinoche, on dirait. Mais c'est pas grave. Et donc… J'ai vingt-cinq ans, malgré une apparence d'ado attardé, et c'est bien là tout mon problème.

  • Ce n'est que le début du premier acte. L'ouvrage sera disponible prochainement.

    · Il y a plus de 5 ans ·
    Portrait auteur

    Stéphane Rougeot

    • Merci pour votre passage, Edgar.
      Je vais essayer de me diversifier sur plusieurs site, mais je sais que j'ai quelques fans ici (qui se reconnaîtront et qui liront tout, quelle que soit la longueur).
      Au plaisir.

      · Il y a plus de 5 ans ·
      Portrait auteur

      Stéphane Rougeot

Signaler ce texte