Nature Morte

Yoann Valour

La Nature et l’Homme ne sont que beauté contre destruction

      La police était sur les lieux, une odeur nauséabonde flottait dans l'air, une odeur de chair pourrie et de cadavre, qui rebutait même les inspecteurs les plus expérimentés. La pièce devant laquelle ils se trouvaient était remplie de corps empilés les uns sur les autres, des bras ; des jambes, des morceaux d'intestins jonchaient le sol, ce spectacle insoutenable diffusé sans relâche à la télévision fit frissonner Paris plongés dans une intrigante obscurité pesante et malsaine.

      Sarah ouvrit soudain les yeux, elle avait dû s'endormir devant les nouvelles du journal. Le front en sueur et la respiration accélérée, elle se leva du sofa pour aller se verser un grand verre de jus d'orange frais. C'était une personne avec un passé plutôt houleux, accumulant les démêlés avec la justice française, pour trafic de drogue, vols, agressions sur les représentant des forces de l'ordre. Et quelques petits délits mineurs. Un caractère trempé, mais une enfance heureuse, en totale contradiction avec ses tendances suicidaires, qui dès son adolescence l'ont mise à l'écart. Elle portait sa différence sur sa peau en affichant son piercing à la langue, un anneau dans le nez ainsi que sur l'arcade, et ses bras recouverts de tatouages anarchistes et provocants.

      Malgré tout cela, c'était une femme très attirante, dégageant un charme peu commun, accentuant un côté mystérieux derrières ces cheveux longs et noirs en contraste avec le bleu de ses yeux.. Les traits fins de son visage amplifiaient une impression de perfection. Elle avait auparavant eu des relations plus ou moins durable avec plusieurs membres de groupes indépendants anarchistes, mais rien de bien sérieux jusqu'au jour ou elle rencontra Luc.

      C'était un homme fort intéressant mais à un caractère surprenant voir imprévisible. Etant lui aussi en possession d'un casier judiciaire plutôt chargé, il était carré d'épaule, un visage charismatique facilement reconnaissable dans une foule. Des traits durs venaient couronner un air déjà peu amical. Leur relation était plutôt stable dans l'ensemble et rien ne venait gâcher cette petite vie de couple. Ils s'aimaient depuis déjà plusieurs année et rien ne semblait pouvoir les séparer.

 

      Il était déjà vingt et une heure, Luc arrivait dans l'appartement situé a la sortie de la ville. Un immeuble à l'apparence modeste de l'extérieur, avait été rénové quelques temps avant leurs arriver. L'allée ou se situait les boites aux lettres était chaleureuse, la couleur dominante était l'orange et des miroirs partout sur les murs donnaient un aspect plutôt mystiques.

        Ce soir là, Luc rentra sans dire un mot, même pas une embrassade, rien. Il rentre, ferme la porte a double tour, puis fila directement dans la salle de bain. La douche commençait de couler, Sarah s'inquiétait car il n'était pas dans son habitude de se comporter de cette manière. Elle tapa à la porte et demanda :

« Tu va bien ?»

     Aucune réponse, juste l'eau qui coulait sans discontinuer. Renouvelant sa demande en essayant d'ouvrir la porte :


« Aller ouvre, dépêche toi, arrête de faire le con, j'aime pas quand tu joue à ça »

      Son cœur battait de plus en plus fort, elle s'imaginait toute sorte de chose, du genre, il s'est blessé dans une bagarre ou il à pris un coup de couteau. Elle s'énervait derrière la porte, en poussant des hurlements de toutes sortes et en le menaçant :

« Laisse moi entrer, sinon je me tire, je te le jure. Ton silence m'insupporte tu comprend ? »

      Toujours aucune réponse, la porte restait fermée et l'eau coulait encore et toujours. Elle décida d'aller chercher un tourne vis ou quelque chose comme ça pour tenter d'ouvrir la porte, mais en s'éloignant elle entendit un bruit ignoble venant de la salle de bain, elle se précipita pour arriver finalement devant une porte entrouverte, une soudaine angoisse vint lui tirailler les entrailles.

      Au moment d'ouvrir la porte, elle entendit un cri sombre et lugubre mais elle était incapable de savoir d'où il venait, ce qui est sur par contre c'est que celui-ci lui avait glacé le sang.

     Une main sur la porte et une autre sur le cœur elle avançait d'un pas tremblant, les battements de son cœur s'accélérant de plus en plus, et c'est à ce moment là qu'un courant d'air poussa la porte et laissa entrevoir une véritable boucherie, un bain de sang recouvrant la totalité de la pièce, du sol au plafond en passant par les murs. Tellement le spectacle était morbide, aucun mot ne pu sortir de sa bouche, tétanisé par tout ce sang par endroit si rouge presque noir et cette odeur de putréfaction.

     Elle n'apercevait toujours pas Luc, aucune trace de lui, juste des murs souillés, et cette salle de bain avait un air différent de la salle de bain habituelle, elle était sombre et de la pourriture collait sur les murs. Le miroir était brisé, comme si une lutte avait eu lieu, mais alors qu'elle restait bloqué devant tant d'horreur, elle s'effondra d'un coup sur le sol.

    Se réveillant immédiatement dans les bras de son ami, la regardant avec un sourire niait, elle se mit à pleurer dans ses bras en lui expliquant son horrible cauchemar et lui demandant :

« Tu es vivant ? j''ai eu si peur, ce rêve était atroce. »

      Après un long silence elle entendit :

« C'est comme ça que ça doit se passer, fais bien attention à toi, n'oublie pas que je t'aime »

    Elle se réveilla de nouveau en sursaut devant la baignoire pleine de sang, mais il avait coagulé comme si plusieurs heures avaient passé.

« Mon dieu que m'arrive t'il, je deviens folle, pourquoi cette phrase ? »

Elle cria plusieurs fois son nom dans l'appartement mais aucune réponse et surtout aucune trace de son corps. Elle implorait dans des sanglots étouffés en disant :

«Je t'aime réponds moi… »

     Le silence ne régna que quelque seconde, un bruit effroyable entre un cri aigu et un bruit de taule sortie de la baignoire, suivi de bruit visqueux qui s'amplifiait de seconde en seconde le bain bouillonnait, quand soudain un son encore plus sourd retentit une première fois, comme si quelqu'un tapait contre un mur, puis une seconde fois, puis encore. Et tout d'un coup, plus un bruit, un silence malsain régnait.

      Oppressé par tout ceci elle décida de fuir l'appartement, mais lorsqu'elle sorti, la nuit était plus obscure que jamais, aucune lumières n'éclairait la route, rien le noir le plus total.

       Elle se rappela alors qu'elle avait laissé une lampe torche en cas de panne d'électricité. elle décida de retourner non sans peur dans son immeuble, chercher cette lumière, restée dans la poche de sa vieille veste pendue sur le porte manteau de l'entrée. Il n'y avait que quelque pas à faire, mais quand elle mit un pied dans l'appartement, tout avait changé, tout était devenue comme pourrie et sale, prenant son courage à deux mains, elle pénétra dans la pièce principale et aperçut son téléphone… Elle prit le combiné en main et composa un numéro, mais très vite elle s'aperçut que le fil avait été arraché, alors dans la panique elle courue chercher la lampe et une fois sur le pas de la porte pour repartir, la sonnerie du téléphone retentit, elle stoppa net sa course, son corps se remplissait de frisson, mais par une force indescriptible, il fallait qu'elle réponde.

      A l'autre bout, une voix suffocante marmonnait, elle ne distingua que quelques mots :

« ……..chercher…..à l'aide…Sarah…..»

      Un cri inhumain vint rompre la conversation. Dans un instant de panique totale, elle se mis à courir descendit les escaliers et avec sa lampe balayait la rue en criant à l'aide à qui voudrait l'entendre. Mais un silence lourd ne fut que la seule réponse qu'elle pu entendre.

       La rue était noire, pas de lumière, pas d'étoile, pas la moindre âme qui vive.

       Elle commença à avancer d'abord d'un pas pressé, mais s'apercevant que plus elle s'enfonçait dans la rue, plus les ténèbres l'entouraient, comme si l'obscurité la regardait au plus près. Après une dizaine de pas, elle tomba nez à nez avec un véhicule, arrêté en plein milieu de la rue, la portière ouverte, et laissant apparaître des traces de sang. Elle s'approcha, et d'une petite voix faible et tremblotante, elle dit :

« y à quelqu'un ? »

      Aucune réponse ne se fit entendre, elle s'approcha alors de la carcasse, une odeur de chair pourrie ainsi que de tôle brûlée se dégageait, elle contourna la portière, et vit une marre de sang sur le fauteuil du passager, et un papier avec écrit dessus :

« Le champ de la planète rouge ou la flèche pointe le ciel est le commencement de la rédemption, rejoins moi mais prends garde à l'obscurité… »

     Ce mot était écrit en lettre de sang, Sarah, complètement paniqué demeurait figé devant ce mot, mais sa première question était de savoir si ce mot lui était destinée ou non. Mais la situation ne lui donnait guère le choix…Alors perdu dans ses pensées, elle essayait d'interpréter le sens de ces paroles.

      Comme ils habitaient dans le septième arrondissement de Paris, elle réfléchie longuement à quelque chose qui pourrait rappeler une description peut être semblable à celle écrite sur le mot. Un nom de magasin, une rue, quelque chose qui pourrait évoquer l'idée. Quand tout à coup, elle pensa que la planète rouge ne signifiait tout simplement que la planète Mars, elle notait toutes ses idées sur un petit coin du papier, et lorsqu'elle écrivit champs et plus loin mars, elle n'attendit même pas de faire l'association car elle avait déjà compris.

       Les champs de mars à Paris, réputé pour sa vue directe sur ce qui est dénommé « la flèche » sur la lettre, autrement dit la tour Eiffel n'était autre que l'endroit ou on l'attendait, mais qui ou quoi ? Etait-ce Luc ?

      Elle n'habitait pas très loin, alors elle redoublait sa course, puis, au bout d'une dizaine de minutes atteignit ce qui devrait être la réponse à ces questions. Mais à la place du champ de Mars, un trou béant avait fait son apparition, mais il y avait juste un petit passage relativement grand pour qu'un être humain puisse passer.

      Elle posa un pied puis deux puis le troisième accrocha quelque chose, terrifiée, elle approcha la lampe doucement, lentement, quand soudain un bruit métallique vint briser le silence. Elle leva la tête en direction de la tour Eiffel et elle aperçut au loin une silhouette titubante, se trémoussant aussi à droite puis à gauche. Puis soudain plus rien, sans rien y comprendre, elle n'arrivait plus à distinguer cette chose cet homme peut-être. Par contre les bruits stridents reprenaient de plus belle, une horrible sensation accompagnait ces crissements, Sarah regarda soudain la tour Eiffel, elle semblait se déformer, se déglinguer complètement, comme si elle était…vivante.

     Sarah n'était plus qu'à quelques mètres de cette tour terrifiante, quand la silhouette réapparue comme pour lui indiquer une direction. Des traces de pas ensanglantés lui traçait une piste zigzagante, mais elle décida de suivre coûte que coûte celle-ci car sans Luc, tout était perdu de toute façon, alors prenant son courage à deux main, elle commença à escalader la tour. Lorsqu'elle posa la main sur elle, une force immense lui traversa le corps, elle se sentait forte, fière, alors elle continuait d'empoigner une à une les barres métalliques, malgré le mouvement du géant de fer, et plus elle s'agrippait plus elle sentait cette puissance en elle.

     Soudain, le vent se mit à souffler d'une violence inouïe, tellement violent, qu'une tornade se forma à quelques mètres d'elle, des éclairs jaillissaient de tous les côtés, le ciel se déchirait totalement dans un chaos sans précédent, mais Sarah continuait de grimper sans relâche, et se tenait comme une forcenée, elle regarda en bas, un raz de marée ravageait tout et un tourbillon se formait, tous les éléments se déchaînait les éclairs frappait inlassablement les pieds de la tour Eiffel, et le métal chauffait jusqu'à en rougir, mais Sarah arrivait presque au sommet de son Olympe, son Everest.

       Mais les tornades s'étaient multipliées autour d'elle, il devait y en avoir une vingtaine voir plus, l'eau frappait le métal rougit, de la fumée s'échappait à leur rencontre, quand soudain Sarah arriva tout en haut de la tour, en face d'elle, se tenait la silhouette, qui se dessinait de plus en plus, jusqu'à devenir nette, Luc se tenait la, le visage tuméfié, des rougeurs et des traces de coup traversait son corps de pars en pars, du sang dégoulinait de ses mains tendue vers le ciel. Sarah hurla :

«Luc !!! Ou était tu, Luc réponds moi !!! »

     Luc se tenait sur les genoux, les bras tendu vers le ciel, et rien ne semblait pouvoir détourner son attention. Lorsque soudain, un éclair frappa entre eux, les aveuglants pendants quelques secondes, Luc reprit conscience, et leur regard se croisa.

       A partir de cet instant, le vent cessa, plus une brise, plus un brin d'air, l'eau se retira soudainement, laissant une ville morte et inerte, les tornades s'arrêtèrent laissant tombé derrière elles des débris de tôles et de bétons. Ils se jetèrent dans les bras l'un de l'autre et fermèrent les yeux en se serrant forts. Mais soudain une chaleur se fit sentir sur leur joue, ils ouvrirent les yeux et furent éblouis par le soleil, l'obscurité laissait place à la lumière, le ciel devint bleu azur, et jamais le temps n'avait semblé si beau. Mais pourquoi tout ceci, pourquoi Luc avait subi tout ces atroces mutilations ? Tant de questions qui restaient sans réponse pour eux.

      Et pourtant Luc portait une marque dans le creux de chacune de ses mains, des signes étranges qui brillaient comme le soleil. Sans savoir pourquoi, il se mit debout, en tendant les mains vers les pieds de la tour Eiffel, des faisceaux lumineux apparurent entre la terre et ses mains, et, en regardant bien, au pied de la lumière, des arbres poussaient, il se mit à tourner sur lui-même, alors que des lacs, des rivières et des forêts apparaisse à une vitesse vertigineuse, inondant Paris de tant de beauté et de luminosité, le visage de Luc changeait petit à petit, son regard se faisait plus vide, comme si toute cette énergie lui prenait sa vie, cela dura quelque minutes seulement, mais suffisant pour recouvrir Paris dans sa totalité, ne laissant dépasser que le Géant de fer, mais enlacé par des millions de rose rouge.

     Luc tomba à genoux devant Sarah, et la fixa avec un regard profond et triste, un seul mot unique sortira de sa bouche :

« Je t'aime »

      Sur ces mots, un immense éclat de lumière éblouit Sarah, et lorsqu'elle rouvrit les yeux, Luc avait disparu, mais à sa place, une rose immense de la taille d'un homme se dressait fièrement, symbole d'un amour, plus fort que la mort.

La nature avait repris ses droits, pour une ville, des milliers de personnes sont mortes et le sacrifice d'un seul homme a suffi à la reconstruction d'un nouveau monde ou l'homme ne règnera plus en maître. Mais quel serait les sacrifices à l'échelle planétaires, des millions de vie et des hommes sacrifiés pour chaque ville du monde ?

Sarah ne le savait pas, mais une révolution était en marche, celle de la nature contre les hommes…

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