nausée

Lulla

Et si l'esprit est ailleurs est-ce que le corps s'efface un peu ?

  Il faudrait trouver un moment. Fermer les yeux, et peut-être cesser de voir passer le temps. Cesser d'être spectateur. Ouvrir les mains, développer ses doigts comme des malheureuses langues de belle-mère - les couleurs les plus pétantes n'ont jamais été là que pour cacher la misère. Les étendre aussi loin qu'on peut se sentir exister à travers son corps. Et si l'esprit est ailleurs est-ce que le corps s'efface un peu ?  Comme il est étrange de sentir et de ressentir à la fois. J'aurai tant aimé ne pas être deux, et ne pas être entiché de responsabilités. Il est des soirs où tout me semble vague. Alors, perle une étendue de fatigue coulante, agrippant dans sa lente mouvance un tissu de mon être, l'entraînant sur mes joues en de lourds flots de sel.

   Et rien de ce qui est en dehors ne me semble vrai. La paupière lourde se clôt, tandis que l'autre homme me convoque. Un regard vide se déploie du second œil, comme une réponse docile à la volonté de cet autrui flou, que la vision plissée ne suffit à en discerner rien. De la brume s'étale en une seconde nature sur le monde. Le brouillard s'étend et le Tout flanche. L'horizon biaise, se distord à la verticale.

   Le pied se relève pour stabiliser l'ensemble, le corps tremble, l'œil s'agite. L'esprit sature, l'air se resserre et la bouche aspire le néant. L'humide globe oculaire n'a plus de trajectoire, les spasmes l'agitent. La gorge contractée se rempli de bile, le corps se tord. Et coule sur le sol en une purulente flaque de tristesse.

(balbutiements) "Excuse-moi, j'ai un peu la nausée. J'ai mal dormi cette nuit. Je vais aller m'allonger."

   L'être se déplace, incarné dans une lourde carcasse fatiguée, jusqu'à son coin de lit duquel il ne veut jamais plus s'arracher. Repliée comme un angle, contre un angle, l'Autruche a enfoncé son existence dans un coussin de plumes. D'un mur de peau elle éteint sa vision, pour ne plus y voir trouble - son trouble. Pour ne plus hésiter, l'esprit couvre douloureusement le corps d'un manteau de ciel, et l'existence s'efface sous le poids de l'éveil.

  • Waw, des phrases très puissantes

    · Il y a presque 9 ans ·
    Cat

    dreamcatcher

    • Une inconditionnelle gentillesse dans tes commentaires, ça me fait toujours très plaisir ! Merci beaucoup !

      · Il y a presque 9 ans ·
      Drr

      Lulla

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