Ne le dites pas à ma mère

line-cebee

Il est à peu près 20 heures,  quand elle appelle et me marmonne les dates sur des mélopées de jeu télévisé. A l'autre bout du fil, je gesticule à l'attention de Chouchou. Lui, affalé sur le canapé, sirote sa Leffe et soulève une arcade résignée.    
Branle bas de combat : elle arrive !
Quand ma mère vient en vacances à la maison,  Chouchou et moi passons par une phase aiguë de restructuration de couple. La dernière fois,  la phase s'est précisée juste après qu'elle ai customisé un plaid, devenu depuis "le-plaid-du-chien", et passé les rasoirs Wilkinson de Monsieur à la javel. Depuis, pour payer la dégradation des doubles lames à l'ergonomie virile, je dois supporter stoïquement un humour pourri et rire allègrement à l'énoncé de mes sponsors familiaux :  Lacroix et Emmaüs.

Pourtant, moi aussi j'ai eu à souffrir de ses interventions farfelues : J'ai hurlé tous les matins en cherchant mes clés et je me suis défatigué l'œil à la crème anti-mycose, depuis Juin,  les sous-titres de la télévision sont coincés sur une langue pleine de trémas et il est 0:00 heures pour toujours sur le four programmable...
Pourquoi tu ne lui fais pas prendre une chambre, ose enfin Chouchou,  entre deux remontées de mousse.    
Je ne réponds pas. Je retourne à mes occupations.                      
Bien entendu, malgré tous ces griefs, il est hors de question que maman aille crécher à l'hôtel !  Chouchou, c'est un mec qui a réussi un exploit que beaucoup de machos affirmés ratent. Il enrobe ses trahisons d'un climat tendre et suave, comme un bon gros ruban de guimauve. Devant tant de candeur, je revois mes esclandres, je suinte la culpabilité d'une confrérie de pénitents.

Mais quand la guimauve a fini de fondre, je sais plus qu'une chose : je me suis fait avoir comme une bleue !

 Alors, avec ma mère, je me sens, comment dire, vengée ! 

Le coup du voyage entre potes, la virée dans le bar à strip-tease, les appels en absence qu'il n'a soit disant pas vus, la  gougoutte sur la lunette, mes lasagnes faites maison au fond de la poubelle, les messages de son ex à 3 heures du matin : tout ça s'évapore instantanément quand je vois ma mère entrain de classer ses outils par couleur ou d'astiquer ses objets chéris avec des produits abrasifs...
Ne le dites pas à Chouchou,  mais la vengeance est un plat qui se mange goulument.

Ne lui dites pas à ma mère... Faudrait quand même pas l'encourager. 

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