Neptune et le Centaure

marethyu

"Neptune et Cupidon" nouvelle 1

Tous les patients du cabinet du docteur Gachet connaissaient bien l'œuvre représentant Neptune et Cupidon. Elle était exposée dans la salle d'attente, et le docteur racontait la légende des deux Dieux à tous ceux qui voulaient bien l'écouter. Grand passionné de mythologie, il ne se lassait jamais du sujet. Voici l'histoire telle qu'il la relatait à ses nouveaux clients…   

« Neptune le Grand, Dieu des eaux vives et des sources, Maître des Fonds Abyssaux, Protecteur du Monde Marin… tant de noms pour ne désigner qu'une personne : ce Dieu à la musculature incroyablement développée, qui régnait sur toute étendue aqueuse. Avec son ami Cupidon, fils de Vénus, il explorait les mers et les océans pour lever les injustices. Là où Neptune apportait la Paix, Cupidon apportait l'Amour. Un duo tout aussi indissociable qu'essentiel.

   Quand son ami était avec lui, Cupidon se déplaçait à dos de dauphins, car Neptune n'avait pas la capacité de voler. Ils voguaient ainsi sur des distances inimaginables, avec une joie et une force au zénith. Cupidon aimait beaucoup Neptune. Plus qu'un ami, il était pour lui un frère.

Ce jour-là, Cupidon planait au-dessus de l'Océan Atlantique. Calme, détendu, il se laissait porter par les courants chauds. Neptune ne l'accompagnait pas, parce qu'il était reçu par Jupiter en personne, dans le Royaume au-delà des Cieux.

Soudain, l'ouïe extrêmement développée de Cupidon perçut un bruit léger. Comme un murmure, il se confondait dans le gémissement incessant des vagues. Cependant, le Dieu Volant était absolument sûr d'avoir reconnu une plainte humaine. Cupidon se trouvait à une hauteur vertigineuse au-dessus de l'océan et dut donc descendre pour pouvoir inspecter l'eau. A mesure qu'il perdait de la hauteur, il commença à distinguer les contours d'une île microscopique. Plus il se rapprochait, plus l'île devenait nette. Il fut enfin assez près pour en distinguer les moindres détails. Elle était très petite, plate, et comprenait quelques arbres, une maison et une grotte. Cupidon se posa sur une terre sèche et craquelée, où quelques brins d'herbes tentaient en vain de pousser. Il s'approcha, curieux, de l'habitation. Il remarqua que sa porte était solidement fermée et que ses fenêtres étaient munies de barreaux. Il s'avança vers l'une d'elles et tendit l'oreille ; les soupirs provenaient bien de l'intérieur de la maison.              

-          Je m'appelle Cupidon, cria le Dieu Volant, qui habite dans cette demeure ?               

Les plaintes s'arrêtèrent et une voix lui répondit :                     

-          S'il vous plaît, nous sommes onze personnes retenues prisonnières ici. Si vous avez quelques pouvoirs et quelque pitié, aidez-nous !

-          Qui vous séquestre de cette façon ?  

Le visage d'un homme sale et mal rasé apparut derrière les barreaux.

-          Nessos le centaure. Il nous considère comme de la nourriture et nous garde dans cette prison pour nous manger.

L'humain regarda Cupidon et, surpris, recula légèrement. Cupidon avait la taille et l'allure d'un petit enfant avec de grandes ailes de colombe dans le dos. Il portait, attachés en bandoulière, un arc et un carquois rempli de flèches des plus simples aux plus extraordinaires.

-          Pouvez-vous nous aider ? lui redemanda l'homme, suppliant. Nessos se repose dans la grotte mais il peut sortir d'une minute à l'autre pour dévorer l'un d'entre nous.

-          Je n'aurais aucun mal à vous faire sortir de cette prison, lui répondit le Dieu Volant, mais je ne puis vous transporter seul hors de cette île, il me faut l'aide de Neptune.

Cupidon sortit une flèche de son carquois et la tira en l'air avec son arc. La flèche laissa derrière elle une longue traînée de particules d'étoiles rouges qui restèrent en suspension dans l'air. « Parfait, se dit-il, ainsi je retrouverai facilement l'île. »  Puis, s'adressant aux prisonniers :

-          Je reviens bientôt, ne vous inquiétez pas.

 

Quand Neptune entendit le récit de Cupidon, une rage terrible enfla dans son cœur. Il  appela aussitôt douze dauphins, grimpa sur le dos du premier, et suivit Cupidon vers l'île des détenus. Après un court voyage, la trainée rouge apparut à l'horizon, brillant de mille feux. Quelques minutes plus tard, ils posaient le pied sur l'île.   

-          Fais sortir les humains, dit Neptune à Cupidon, je m'occupe de Nessos.

Il s'avança vers l'entrée de la grotte et hurla :

-          Nessos, maudit centaure, sors de ton antre et viens m'affronter ! Je suis Neptune, fils du Titan Chronos, et je suis là pour te tuer.

Une voix grave, terrifiante, amplifiée par les murs de la caverne, résonna. Ses mots étaient répétés par un écho qui semblait infini.

-          Je suis Nessos, fils d'Ixion et de Néphélé. Sache que je suis de loin bien plus puissant que toi…

Une silhouette sortit de l'ombre. Ses traits devinrent de plus en plus nets à mesure qu'elle avançait. 

-          …mais si tu veux combattre, je suis là. 

Pendant ce temps, Cupidon, debout devant la maison, sortit une flèche magique de son carquois et la tira sur la porte. Celle-ci prit feu et se consuma en un éclair, laissant un trou si grand qu'un pachyderme aurait pu y passer. Cupidon fit sortir les hommes et leur dit d'aller l'attendre sur le rivage. En un éclair, il rejoignit Neptune. La bataille entre ce dernier et le centaure faisait rage, mais le Dieu de l'eau, bien qu'extrêmement puissant, avait le dessous. Cupidon décocha sur le centaure une flèche en bois armée d'une pointe en fer acérée. Elle jaillit et siffla, et pénétra dans l'épaule du centaure. Celui-ci l'arracha, la jeta à terre et se tourna vers Cupidon en lui criant :

-          Misérable Homme-Oiseau, crois-tu donc qu'une simple flèche peut me vaincre ?

-          Et toi, Homme-Cheval, crois-tu que je n'aie que des flèches ordinaires à t'opposer ? 

Disant ces mots, il sortit de son carquois la plus puissante de ses flèches magiques, et l'envoya à une vitesse vertigineuse sur le centaure. Quand la flèche s'enfonça dans le torse de Nessos, ce dernier se figea et son corps commença à durcir, se transformant en pierre. Malgré cela, son cœur battait toujours et son cerveau demeurait intact.

-          Centaure, lui dit Cupidon, tu resteras pierre durant un siècle pour te punir d'avoir séquestré des humains sans défense. Que cela te serve de leçon et te dissuade de recommencer.

Neptune - qui avait été jeté à terre par Nessos - se releva. Il haletait et était contusionné. Du sang coulait le long de son bras gauche. Il se tourna vers  Cupidon et grogna :

-          Tu aurais mieux fait de le tuer. Un être aussi abject ne mérite pas de vivre.

-          Cela n'entre pas dans mes principes, répondit simplement le Dieu Volant.

Ensemble, ils retournèrent sur le rivage où les hommes les attendaient. Ils les reconduisirent chez eux à dos de dauphins. Les familles, pleurant de joie, voulurent les remercier, mais Neptune et Cupidon n'acceptèrent aucune récompense. Ils repartirent tous les deux comme ils étaient venus, et on ne les revit qu'à de rares occasions, lorsque des vies étaient en péril ou qu'une injustice avait lieu. »

           

Le docteur Gachet se tut. Le patient à qui il venait de raconter la légende de Neptune et Cupidon garda lui aussi le silence. Après quelques instants de réflexion, il demanda :

-          Est-ce que toute cette histoire s'est vraiment passée ?

-          Qui sait ? répondit le docteur. Après tout, dans chaque  légende, il y a une part de vérité…          

Au même moment, dans une mer lointaine, Neptune et Cupidon affrontaient Jörmungand, le serpent des mers.      

 

  • Joli texte. C'est exprès, le nom du docteur ?

    · Il y a presque 10 ans ·
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    Gabriel Kayr

    • Oui. En fait le premier texte était pour un concours, et il fallait reprendre un ou plusieurs éléments proposés par les organisateurs dans notre texte. Parmi les éléments, il y avait une peinture représentant Neptune et Cupidon, qui était exposée dans la maison du docteur Gachet et qui lui avait appartenu... ce n'est qu'après le concours que j'ai eu l'idée de créer une petite série tournant autour de ces personnages...

      · Il y a presque 10 ans ·
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      marethyu

    • De la contrainte naît la liberté :-) En tout cas, à ton âge, j'écrivais beaucoup moins bien que toi. Je suis jaloux...

      · Il y a presque 10 ans ·
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      Gabriel Kayr

    • Merci de ce compliment ! :-) Vous trouvez vraiment que j'écris si bien que ça ?

      · Il y a presque 10 ans ·
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      marethyu

    • Je n'ai pas dit que tu écrivais bien, j'ai dit que j'écrivais moins bien à ton âge :-)

      · Il y a presque 10 ans ·
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      Gabriel Kayr

    • Cela dit, tu évites beaucoup de pièges : peu de répétitions, du vocabulaire varié, une vraie progression de l'histoire, une bonne utilisation des temps du passé, peu de fautes d'orthographe, une envie de raconter vraiment... Donc continue :-)

      · Il y a presque 10 ans ·
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      Gabriel Kayr

    • merci !

      · Il y a presque 10 ans ·
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      marethyu

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