Nerub - Partie 1
lwsiffer
« Oh Mon Dieu ! Un rat ! Un rat !
Attrape-le !
Tue-le ! Tue-le ! »
En se réveillant, Florent se sentit un peu patraque. Il avait la sensation d'avoir fait un rêve désagréable et fatigant, mais plus il essayait de s'en souvenir, plus il lui échappait. Il gardait seulement en mémoire un visage flou et l'écho d'une phrase : « …enlevé mon enfant … enlever le tien… ».
Il secoua la tête pour revenir à la réalité et se donna de petites claques sur les joues pour se réveiller. Il se leva et marcha jusqu'à la salle de bains pour se débarbouiller. Il prit le temps de se raser soigneusement en veillant à ne pas se couper, il devait être présentable aujourd'hui. Et même plus que ça. En se rinçant, il remarqua pourtant une petite marque rouge dans son cou, mais elle n'était pas très visible. « Ça ne se remarquera pas », se dit-il. Il devait faire bonne impression aux parents d'Adeline.
Après avoir avalé un petit déjeuner frugal, il s'habilla avec le plus grand soin et se rendit à sa voiture. Le temps était clair et il n'y avait pas grand monde sur les routes en ce dimanche matin. Il serait arrivé à la maison familiale en moins de vingt minutes. Adeline s'y trouvait déjà pour aider à la préparation du repas.
Cela faisait déjà trois ans qu'ils étaient en couple, et plus encore qu'ils se connaissaient, mais ils vivaient encore chacun de leur côté. Adeline était fille unique et ses parents la chérissaient plus que tout. Ils étaient plutôt vieux jeu et Florent avait dû redoubler d'efforts pour leur plaire. Mais ils avaient refusé qu'elle habite avec lui tant qu'ils ne seraient pas marier et elle s'était rangée à leur avis. Aujourd'hui, ils devaient leur annoncer la bonne nouvelle.
Quand il arriva devant la grande bâtisse, Adeline sortit sur le perron pour l'accueillir.
-Bonjour chéri.
-Je ne suis pas trop en retard ? demanda-t-il en l'embrassant.
-Tu arrives pile au bon moment, le repas est prêt.
Il lui sourit, passa un bras autour de son épaule et ils pénétrèrent dans la maison. Après avoir salué ses parents et échangé quelques banalités, ils se mirent à table. Comme toujours, le vieux couple avait prévu un véritable festin avec entrée, plat, fromage et dessert. Ils allaient passer plusieurs heures à table.
-Comment ça se passe au travail en ce moment ? demanda la mère.
-C'est plutôt tranquille de mon côté, répondit sa fille. Et toi chéri ?
-Je dois boucler le budget et le délai est assez serré, mais ça devrait aller je pense.
-Ça ne vous dérange pas de travailler au même endroit ? questionna le père. Mélanger vie professionnelle et vie privée, ce n'est pas toujours une bonne chose.
-Papa ! s'exclama Adeline en faisant les gros yeux. Ça ne nous pose pas de problème.
-Votre fille a raison, continua Florent. Et puis nous ne sommes pas dans la même équipe alors on ne se croise pas tant que ça au boulot.
-Alors tant mieux, il faut avoir une vie de couple équilibrée, conclut le père en exaspérant un peu plus sa fille. Et si nous passions au dessert ?
-Avant ça, nous avons une grande nouvelle à vous annoncer, l'interrompit Adeline.
Elle prit la main de son compagnon entre les siennes et pris une grande inspiration.
-Nous allons nous marier ! annonça-t-elle avec un grand sourire.
-Oooooh ma cocotte, je suis si contente pour toi, s'exclama sa mère.
Adeline laissa échapper un petit rire de soulagement.
-Vraiment, vous êtes contents ?
-Bien sûr ! Nous n'attendions que ça. Viens là que je t'embrasse dit-elle en se levant.
Elle s'approcha de sa fille qui se leva à son tour pour étreindre sa mère. Le père n'avait rien dit mais semblait tout aussi heureux et se leva lui aussi pour aller serrer la main de Florent, qui se tint droit devant son futur beau-père.
-Mes félicitations, déclara-t-il solennellement. Vous avez notre bénédiction.
Les effusions passées, chacun se rassit à sa place pour profiter de la tarte confectionnée par la mère.
-Je suis tellement contente, dit Adeline, encore sous le coup de l'émotion. Je ne savais pas comment vous réagiriez.
-Il était grand temps que ça arrive, on commençait à s'impatienter, plaisanta son père.
-J'espère que vous aurez moins de mal que nous pour avoir des enfants, ajouta la mère.
-Adeline m'a parlé des problèmes que vous avez eus pour l'avoir. J'espère que ça ne vous gêne pas.
-Non, pas du tout. Elle a dû vous expliquer que nous l'avons eue tard à cause de mes problèmes de fertilité. C'est pour ça qu'elle est fille unique, expliqua-t-elle.
-Ne t'en fais pas maman, je suis sure que tout va bien se passer, la rassura sa fille.
Après le repas, ils prirent un peu l'air dans le jardin et Florent les quitta en fin d'après-midi. Adeline l'embrassa et lui fit signe de la main alors qu'il s'éloignait sur l'allée de gravier. Sur le chemin du retour, il ressentit une grande plénitude. A bientôt 30 ans, il allait enfin pouvoir fonder une famille.
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-Florent, comment ça se passe avec les nouveaux investisseurs ? l'interpella son patron alors qu'il prenait sa pause.
-Ils doivent encore ratifier le dernier contrat, répondit-il en se servant une tasse de café. Mais je ne vois pas pourquoi ils feraient marche arrière.
-Parfait. Tiens-moi au courant quand ça sera fait. Au fait, comment va Adeline ? Elle reprend bientôt non ?
-Oui, la semaine prochaine. Ça a été dur, elle a eu peur pour son père. Mais il est hors de danger maintenant.
-Tant mieux. A l'occasion, venez manger à la maison. Ma femme m'a fait remarquer qu'elle ne vous avez pas vu depuis longtemps.
-Avec plaisir. Et comment va ta petite ?
-Elle se porte comme un charme. Et elle n'arrête pas de parler ! D'ailleurs, c'est quand que vous vous y mettez avec Adeline ? Ca fait déjà cinq ans que vous êtes mariés.
-Eh oui, le temps passe vite. Mais en ce moment, avec l'accident de son père…
-Je comprends. Ça viendra en temps voulu. Allez ! Au boulot ! lança-t-il en lui donnant une claque dans le dos.
Florent sourit en regardant son chef s'éloigner mais il sentit l'abattement le gagner. « Cinq ans. » pensa-t-il. « Ça fait cinq ans qu'on essaie et toujours rien. »
Adeline avait eu peur de souffrir des mêmes problèmes que sa mère et avait consulté un spécialiste, qui lui avait assuré que tout fonctionnait normalement. A force d'y penser, ce désir d'avoir un enfant finissait par les ronger et leur relation était de plus en plus tendue. Suite à l'accident de son père, Adeline en avait profité pour s'éloigner un peu et était retournée vivre chez ses parents quelques jours pour s'occuper de lui. Elle rentrait aujourd'hui.
Quand il arriva à leur appartement à la fin de sa journée, elle était déjà là.
-Bonsoir, dit-il.
-Bonsoir.
Il l'embrassa et s'assit à côté d'elle sur le canapé.
-Comment va ton père ?
-Il est tiré d'affaire.
-Tant mieux. Je suis content que tu sois rentrée, murmura-t-il en posant un baiser sur sa tête.
Mais l'atmosphère était pesante. Ils restèrent un moment sans rien dire et il sentit le piège arriver.
-J'ai parlé de nos problèmes à mes parents, lâcha-t-elle.
« Et voilà ! Je le savais ! » pensa-t-il. Il leva les yeux au ciel.
-Mais que voulais-tu que je fasse, s'écria-t-elle. Quand ma mère m‘a demandée comment ça allait entre nous, j'ai fondu en larmes.
-C'est pas une raison pour tout balancer à tes parents, s'emporta-t-il. On a encore le temps pour avoir des enfants. On finira bien par y arriver.
-Tu n'en sais rien ! Il y a peut-être quelque chose qui cloche, renchérit-elle.
-Mais tu as fait toutes sortes de tests et ils n'ont rien trouvé d'anormal.
Adeline resta interdite avant de parler.
-Peut-être… peut-être que le problème vient de toi, avança-t-elle prudemment.
-Qu'est-ce que tu veux dire ? répondit-il surpris.
-Il n'y a pas que les femmes qui peuvent avoir des problèmes de fertilité. Peut-être que toi aussi tu devrais faire des tests.
Florent se leva d'un bond.
-Tu n'es pas sérieuse ?! s'indigna-t-il.
-S'il te plaît mon chéri, dit-elle en lui prenant la main pour le calmer. Au moins on serait fixés et je pourrai aller de l'avant.
Florent gardait les lèvres serrées, contenant sa colère.
-Fais-le pour moi, le supplia-t-elle.
-D'accord, finit-il par dire en soupirant.
Il se rassit à côté d'elle sans croiser son regard. Adeline sourit et l'embrassa, soulagée.
-Merci chéri.
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Peu de temps après la demanda d'Adeline, ils s'étaient rendus dans un laboratoire pour effectuer des analyses. Malheureusement, le premier test n'avait pas été de très bon augure et aujourd'hui, ils allaient savoir si le premier diagnostic était confirmé. Dans les trois mois d'attente qui séparaient les deux examens, Adeline n'avait cessé de faire des recherches sur l'infertilité masculine, à tel point qu'elle ne parlait quasiment plus que de ça, ce qui avait le don d'exaspérer Florent.
La nuit précédente, elle n'avait pas bien dormi et ses traits étaient tirés. Les deux époux étaient tendus sur leur chaise et attendaient le verdict du médecin.
-Je n'ai pas de bonne nouvelle. Vous souffrez bel et bien d'azoospermie, c'est-à-dire une absence totale de spermatozoïdes dans l'éjaculat.
-C'est pas possible, murmura Adeline pour elle-même. Mais il existe bien des traitements, non ? J'ai vu que selon le cas on pouvait opérer ou faire des prélèvements de…
-Madame, l'interrompit le médecin, tout dépend de la cause de l'azoospermie. Pour en déterminer l'origine, nous aurons besoin de réaliser de nouveaux examens. Nous allons devoir refaire des prélèvements sanguins pour effectuer un bilan hormonal et un caryotype. Je vais également vous prescrire une échographie testiculaire, Monsieur. Monsieur ?
Florent n'avait pas ouvert la bouche et se tenait figé sur son fauteuil. Il était pâle comme un linge et transpirait abondamment.
-Monsieur, est-ce que ça va ? Vous vous sentez bien ?
Florent l'entendait à peine. Ses oreilles bourdonnaient, il voyait flou. Une phrase résonnait dans sa tête : « Tu m'as enlevé mon enfant, je vais t'enlever le tien. » Il se leva brusquement et s'approcha de la porte en titubant.
-Chéri, où est-ce que tu vas ? lui demanda sa femme, inquiète.
-Il faut…que je sorte.
A peine eut-il prononcé ces mots qu'il s'écroula.
-Florent ! cria Adeline en se précipitant vers lui, suivi du médecin. Qu'est-ce qu'il lui arrive ?!
-Il fait une crise de panique, il faut qu'il se calme. Monsieur ! Monsieur ! Vous m'entendez ? Essayez de respirer doucement, il faut vous calmer.
Mais Florent ne l'entendait plus. Il voyait des étoiles et respirait bruyamment. Cette phrase tournait en boucle dans son esprit « …je vais t'enlever le tien. …je vais t'enlever le tien… ».
A la suite des examens complémentaires, le couple se retrouva à nouveau devant le médecin pour savoir quelles seraient leurs options, mais celui-ci semblait embarrassé et hésita quelques secondes avant de prendre la parole.
-Au vu des résultats des derniers examens, je dois vous avouer que je suis assez perplexe. Nous n'avons trouvé aucune anomalie, que ce soit dans les canaux qui acheminent les spermatozoïdes ou dans la fabrication de ces derniers. Vous n'avez pas eu de cancer… pas de traumatisme testiculaire… aucun antécédent familial, énuméra-t-il en regardant son dossier.
-Vous voulez dire que c'est la première fois que vous voyez ce genre de chose ? questionna Adeline.
-Non, ce genre d'azoospermie idiopathique, c'est-à-dire dont on ne connaît pas l'origine, a déjà été identifiée, mais reste relativement rare.
Florent sentit son cœur s'emballer mais réussit cette fois à se contrôler.
-Quelles sont nos options ? demanda-t-il en essayant de poser sa voix.
-Eh bien, il n'y a pas de traitement à proprement parler. Nous pouvons vous proposez des alternatives pour avoir un enfant. Avez-vous déjà envisagé l'adoption ?
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Cette annonce avait été comme un coup de massue. Quand ils avaient appris que Florent souffrait d'azoospermie, ils n'avaient pas perdu espoir et Adeline s'était même montrée forte et encourageante. Mais maintenant… rien. Ils ne pourraient pas avoir d'enfants.
Adeline s'était mise en arrêt suite à une dépression nerveuse. Les premiers jours, elle n'avait fait que pleurer. Puis elle était entrée dans une sorte d'apathie et ne sortait quasiment plus de son lit. Florent avait bien essayé de la réconforter, de la motiver, et même de la bousculer, mais rien n'y faisait. Il s'était résigné à la laisser tranquille mais il avait le sentiment qu'ils commençaient à s'éloigner l'un de l'autre et il ne savait pas si leur couple survivrait à cette épreuve. Il devait faire quelque chose.
En naviguant sur le net en quête de réponses, il était tombé sur un forum sur lequel des hommes souffrant du même problème que lui échangeaient leur expérience et leur ressenti. Il s'était inscrit, espérant obtenir une solution miraculeuse, qui semblait ne pas exister. Mais cela lui permettait au moins de discuter librement et de se libérer d'un poids.
Un après-midi maussade où il ne travaillait pas et n'avait envie de rien faire, il s'était connecté pour consulter ses mails. Parmi la poignée de publicités en tout genre, il aperçut une notification du forum. Quelqu'un lui avait envoyé un message privé. Il se rendit sur la page d'accueil et cliqua sur le lien qui affichait « Vous avez 1 nouveau message ». Quand il l'ouvrit, celui-ci ne contenait qu'une seule phrase :
Tu as déjà tué un rat ?
Florent resta dubitatif devant son écran. « C'est quoi ça ? Un spam ? » Et il ferma la page. Le lendemain un nouveau mail l'attendait. Il retourna sur le forum pour voir s'afficher le même contenu :
Tu as déjà tué un rat ?
De nouveau incrédule, Florent regarda le pseudonyme de l'envoyeur : Psicharpax. Il ne le connaissait pas. « C'est quoi cette connerie ? C'est une blague ou quoi ?! », pesta-t-il en fermant l'ordinateur brutalement.
Trois jours plus tard, la même personne lui avait envoyé un nouveau message, un peu plus long cette fois :
Tu as déjà tué un rat ? Ne serait-ce qu'une seule fois dans ta vie ? Réfléchis-bien.
Passablement excédé, Florent allait supprimer le message quand il suspendit son geste. Il avait entrevu une image, un vague souvenir. Qu'est-ce que c'était ? Il fallait qu'il se concentre. Cette histoire de rat lui avait rappelé quelque chose.
Un rat… Adeline… Son ancien appartement… Cela lui revenait petit à petit. Elle avait crié, il était venu voir… Oui, il se souvenait maintenant. Elle était toute paniquée parce qu'elle avait trouvé un rat dans la cuisine et l'avait supplié de s'en débarrasser. Ce qu'il avait fait. Il l'avait attrapé. Il l'avait tué. Il l'avait jeté. Fin de l'histoire.
« Quel rapport avec le reste ? Il m'emmerde avec ça cet abruti ! » Toujours énervé par le message, il y répondit sèchement par un « Oui, et alors ? », curieux de savoir si son interlocuteur trouverait autre chose à lui dire. La réponse ne se fit pas attendre :
Tu as courroucé le grand Nerub. Mais ce qu'un rat a fait, il peut le défaire.
Perplexe, Florent écrivit :
Je ne comprends rien à ce que tu racontes. De quoi est-ce que tu parles ? Qui es-tu ?
Il attendit plusieurs minutes, mais aucune réponse ne vint. « Qu'est-ce que je fabrique à échanger avec ce cinglé ? Il se fout de moi ! » Il éteignit l'ordinateur et sortit prendre l'air pour se calmer un peu. Mais il n'arrivait pas à se sortir cette histoire de la tête.
Le lendemain matin, il retourna sur le forum, mais il n'y avait toujours aucun message. Il relut le dernier qu'il avait reçu. Son regard se fixa sur un nom : « Nerub ». Il le tapa dans le moteur de recherche et ouvrit les premiers liens de la page dans différents onglets.
« D'après une ancienne légende, Nerub était le fils du Roi des Rats et son successeur au trône. Mais le titre de Roi lui fut refusé. Le Prince, devant la menace qui planait sur son peuple, déroba la couronne pour pouvoir monter sur le trône et combattre un ennemi redoutable. »
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-Euh… tu te souviens quand tu avais trouvé un rat dans ma cuisine, il y a plusieurs années de ça ?
Florent avait brisé le silence qui régnait ce soir-là au diner, comme tous les soirs depuis leur dernière entrevue avec le médecin. Adeline avait levé sur lui un regard sans expression, puis avait semblé chercher dans sa mémoire avant de répondre.
-Oui je m'en souviens. En cherchant de quoi faire à manger, j'étais tombée nez-à-nez avec ce gros rat. Rien que d'y penser, ça me dégoute, dit-elle en frissonnant. Et elle continua son repas comme si de rien n'était, sans lui adresser un regard.
-Tu te souviens… de quelque chose en particulier ?
Elle le regarda sans comprendre.
-A propos de quoi ?
-A propos du rat.
-Pourquoi tu me parles de ce rat ? Tu crois vraiment que j'ai envie de parler de ça ? dit-elle froidement.
-De toute façon, tu ne veux parler de rien, lui reprocha Florent. On ne se parle plus depuis… enfin, tu sais bien. Ce n'est pas comme ça que les choses vont s'arranger.
-Et que veux-tu que j'y fasse ?! cria-t-elle soudainement, comme si elle sortait de sa torpeur. Ce n'est pas de moi que vient le problème.
-Ah je vois, forcément c'est ma faute ! s'emporta Florent. Mais je te signale que je ne peux rien y faire non plus. J'en souffre autant que toi mais moi au moins je ne me laisse pas aller. Ce n'est pas en déprimant toute la journée que tu vas faire avancer les choses !
Elle lui lança un regard noir et se leva brusquement pour débarrasser son assiette. Elle la posa bruyamment et resta debout devant l'évier. Florent soupira.
- Pourquoi on n'essaierait pas d'adopter ?
- Non, répondit-elle, catégorique.
- Pourquoi es-tu aussi fermée à ce sujet ? Il y a plein de couples qui le font.
Adeline fit volte-face.
-Tu sais combien de temps dure la procédure ?! Des années ! J'en ai assez d'attendre ! On a trop pris notre temps, et pour quoi ? Pour rien ! On aurait dû s'inquiéter avant, maintenant c'est trop tard ! s'écria-t-elle.
-Tu dramatises parce que tu ne penses qu'à ça en permanence. Tu devrais prendre du recul. Même si on doit encore attendre, est-ce que ça n'en vaut pas le coup, si ça nous permet d'avoir un enfant ?
Elle baissa les yeux, un air douloureux sur le visage.
-Mais ce ne sera jamais notre enfant, dit-elle avec une petite voix.
Toute sa colère était retombée et elle semblait de nouveau vide d'énergie.
Le jour suivant, elle lui annonça qu'elle retournait vivre chez ses parents quelques temps. Il fallait qu'elle réfléchisse, expliqua-t-elle.