Never let her go - Partie 2 -

Laura

"You only know you love her when you let her go" PARTIE 2

« Samuel » répéta-t-elle « C'est bien toi, n'est-ce pas ? Bien sûr que c'est toi ! » ajouta-t-elle en riant. «Personne d'autre n'aurait eu accès. A part Anthony. Ou quelqu'un qui imite ta voix à la perfection, ce qui serait franchement étrange et assez...flippant »


Je ne comprenais pas. Est-ce que tout cela n'était rien d'autre qu'une sorte de message pré-enregistré qu'elle aurait programmé au « cas où » ? Mégane avait toujours été une de ses personnes qui se préparait toujours pour tout, peut-être même jusqu'au point d'enregistrer ce genre de message si elle venait à... disparaître.


« Samuel ? Est-ce que tu es toujours là ? »


« Oui je suis là » pensais-je sans que les mots se parviennent à s'échapper de ma bouche. Est-ce que c'était ça la folie ? Etre désespéré au point d'imaginer une sorte de voix, sa voix, qui proviendrait du fin fond d'un ordinateur pour me parler ? Parce que j'avais beau retourner mon esprit dans tous les sens possibles, je ne trouvais pas d'autres explications rationnelles.


« Je sais que ça doit te paraître étrange. Tu dois...Tu dois penser que c'est une sorte de message que j'aurais enregistré ou, non, tu dois surement te dire que tu es en train d'halluciner ! N'essaie pas de le nier, je te connais par cœur ! Bien plus que tu ne le penses » ajouta-t-elle et je jugerais entendre un sourire dans le ton que prit sa voix. « 


Je ne suis pas ce genre de personne qui croit aux fantômes. Je ne fais pas parti de ces gens qui parlent à voix hautes aux personnes décédées comme si elles pouvaient m'entendre. Et pourtant, c'est exactement l'impression que j'éprouva lorsque je finis par lui répondre. La sensation de parler à un fantôme.


« Mégane ? » finis-je par murmurer, le son de ma voix tellement bas que je ne l'entendis à peine.


« Samuel ! » s'exclama-t-elle aussitôt, soulagée. « Je sais que c'est étrange mais tu t'y habituera, c'est juste une autre version de moi. En quelque sorte. Tu peux me parler, tu sais, je peux te répondre »


« Comment ? » fut la seule chose que je trouva à répondre, incapable de dire quoi que ce soit d'autre.


Le son léger de son rire résonna dans la pièce avant qu'elle ne réponde. Comment tout cela...comment tout cela pouvait être vrai ? Comment pouvait-elle paraître tellement ... réelle ?


« J'ai crée ce programme il y a quelques mois » commença-t-elle, comme si elle devinait les questions que je me posais. « Je n'ai pas eu vraiment eu le temps de le tester mais pour résumer, je me suis programmé dans l'ordinateur. J'ai crée une application qui m'a observée quelques temps. Elle a enregistrée ma voix, ma façon de parler, mes habitudes, la façon dont je me comporte avec les personnes qui m'entourent. Elle a aussi étudié ma manière de travailler et techniquement, ce programme est conçu pour que je puisse...être moi. Même si je ne suis pas là physiquement »


Je l'écoutais attentivement m'expliquer la façon dont elle avait réussi à créer tout cela, buvant chacun des mots qu'elle prononçait comme si je m'attendais à ce qu'elle ne disparaisse encore, d'une seconde à l'autre. Elle poursuivit la conversation avant moi.


« Les programmes. C'est la dernière chose sur laquelle j'ai travaillé et ensuite, plus rien alors j'imagine que les choses ... ne sont pas très bien passées après ça »


« Non. Non, pas vraiment »


« Humm. Si tu as trouvé ce programme, c'est que je suis surement absente depuis un bout de temps...Combien de temps ?


Les choses commençaient à prendre enfin un sens dans mon esprit et je comprenais pourquoi Mégane avait travaillé sur ce programme. Elle voulait créer quelque chose qui soit capable de la remplacer si elle venait à être absente. Juste absente j'imagine. Ca, c'est ce que j'espérais. Je refusais de croire qu'elle ait pu songer à ce qui se passerait si elle venait à disparaître tout court.


« Tu ne t'es pas juste absenté Mégane » corrigeais-je « Tu es...morte »


Ce fut la seule chose que je trouva à dire et pour être honnête, je fus le premier surpris quand ces mots sortirent de ma bouche. Je n'avais pas réussi à le dire, ni même à le penser, depuis que c'était arrivé, pour la simple et bonne raison que je refusais de prononcer le mot « mort » et son prénom dans une même phrase.


« Oh » finit-elle par dire et je ne pus m'empêcher de sourire en imaginant l'expression qu'elle aurait en ce moment sur son visage : ses lèvres roses formées en « O » tandis qu'elle serait restée bouche-bée devant moi sans pouvoir dire autre chose. Je dus resté silencieux plus longtemps que je ne le pensais parce que sa voix résonna à nouveau dans la pièce.


« Si tu ne veux pas en parler, je peux commencer à mettre à jour des rapports, ceux que je n'avais pas terminé, ou...ou commencer à organiser ce que tu devras présenter dans tes prochaines réunions. Je passe mon tour sur les appels aux fournisseurs ou aux clients parce que ça serait plutôt étrange pour eux, non ? Qu'ils entendent ma voix alors que... Mauvaise blague » s'interrompit-elle. « Trop tôt . Désolée. »


Malgré la situation, j'esquissa un sourire sincère, pour la première fois depuis l'accident. Même en tant que programme, elle continuait à trouver les mots pour me faire sourire. Comme elle l'avait toujours fait.


« C'est... » commençais-je.


« Bizarre, je sais »


Je ne pas ce qui me poussa à lui parler de ce soir-là, de l'accident mais je le fis. Peut-être était-ce simplement parce que je n'en avais pas encore parlé à qui que ce soit. J'avais gardé ces souvenirs pour moi tout seul, ma culpabilité avec et ce pendant trop longtemps.


« C'était un accident. Je t'avais demandé de venir travailler ce soir-là, on est resté au bureau jusqu'au milieu de la nuit et...et je t'ai demandé de rentrer chez toi, je t'ai dit de laisser le reste pour le lendemain parce que tu avais besoin de te reposer. Un camion a percuté ta voiture à à peine quelques mètres d'ici »


« Tu es parti combien de temps ? » me demanda-t-elle après quelques instants de silence.


Elle me connaissait bien, je n'avais pas besoin de lui dire que je n'avais pas remis les pieds au bureau dés le lendemain, je n'avais pas besoin de lui dire que j'avais refusé de reprendre le travail comme si rien ne s'était passé. D'une manière ou d'une autre, elle savait que ma culpabilité m'avait poussé à resté éloigné de tout et de tout le monde.


« Deux semaines, à quelques jours près » murmurais-je


« Et ensuite Anthony est venu te chercher pour te rappeler que tu avais des responsabilités...»


« Presque » pensais-je. Elle connaissait Anthony presque autant que je ne le connaissais. Pour une raison que j'ignore encore, ils s'étaient rapprochés presque immédiatement quand je l'avais embauchée et ils avaient finis par devenir proches, presque comme frère et sœur. Leur relation était différente de celle que j'avais l'habitude d'entretenir avec elle et je me rendais compte seulement maintenant à quel point j'avais été égoïste dans les semaines qui avaient précédées. Je n'avais pas pris le temps de me questionner sur les autres personnes qui connaissaient Mégane. Je m'étais juste entêté à m'enfermer dans ma propre douleur et avais simplement choisi d'ignorer celle des autres.


« Ca doit surement vouloir dire qu'on a beaucoup de travail devant nous » poursuivit-elle et la coupai presque aussitôt.


« Mégane... »


«Non. Pas de Mégane qui tienne ! Quoi qu'Anthony ait pu te dire, il a raison. Il a toujours raison et j'ai toujours raison, tu te souviens ? Tu as des responsabilités et tu ne peux pas abandonner. Cette entreprise a besoin de toi, Samuel. Plus, tu n'es pas seul ! Je sais que c'est différent et surement étrange pour toi de me parler, mais je peux t'aider. Et puis j'ai été programmée pour ça, non ? » ajouta-t-elle avec un nouveau sourire que je perçus au ton que prit sa voix. « On fera comme on a toujours fait. On traversera ça... »


« Ensemble » l'interrompais-je avant qu'elle ne puisse continuer.


Aussi fou que cela puisse paraître, je n'avais pas pris une seule seconde ce soir-là pour réfléchir clairement à ce qui s'était passé. Je n'avais pas pris une seule seconde pour peser le pour et le contre, pour me questionner sur les changements que ce programme impliquerait dans ma vie professionnelle et personnelle. Non. Et pour être tout à fait honnête, je ne voulais pas y penser. Elle était là. Pas physiquement, mais elle était là. Et c'était la seule chose que j'avais besoin de savoir.


J'imagine que les premiers jours auraient du être étranges pour moi mais ce ne fut pas le cas. Pour être honnête, j'avais juste eu l'impression que les choses étaient redevenues comme avant, un peu comme si je m'étais réveillé d'un long et douloureux cauchemar. Je sais ce que vous pensez : c'est impossible, ça ne pouvait pas être comme avant. Vous êtes aussi probablement en train de vous dire que tout ceci ne relève finalement que d'une seule chose : la folie. Et vous savez quoi ? Vous auriez raison de le pensez. Parce que la situation ne pouvait pas être comme avant et je suis sûr, qu'au plus profond de moi, je le savais déjà, à l'instant même où j'ai accepté les choses sans y réfléchir à deux fois. Disons simplement que je continuais de prétendre que tout pouvait être à nouveau comme avant. J'avais choisi d'ignorer la réalité et je me fichais éperdument de savoir si j'allais finir par sombrer complètement dans la folie ou dans un déni total de ce qui était réel et ce qui ne l'était pas. Ca n'avait pas la moindre petite importance.


Au départ, il ne s'agissait simplement que d'utiliser le programme au travail, durant quelques heures seulement, à des moments stratégiques de la journée. Mégane m'aidait comme elle l'avait toujours fait et plus les jours passaient, plus j'étais surpris par ses capacités. Le matin, je venais plus tôt que d'ordinaire au bureau, bien avant que qui que ce soit n'y soit présent. Pour être seul. Pour qu'il n'y ait qu'elle et moi. C'est à ce moment là que Mégane m'informait de toutes les réunions auxquelles je devais assister dans la journée, me rappelait les points les plus importants à traiter tout comme elle me conseillait sur la manière dont je devrais me comporter avec la personne que j'aurai en face de moi ce jour-là. Elle avait toujours eu bien plus de tact que moi pour les relations humaines et je lui devais sans doutes un bon nombre de contrats signés.


Dans un flot de paroles, dont elle seule avait le secret, elle me rappelait aussi tous les courriers urgents que je devais signer et envoyer « rapidement ». Quant au soir, une fois que j'étais sûr que plus personne n'entrerait dans mon bureau, je m'autorisais quelques heures avec elle. A parler. De tout et de rien. Comme avant. Nous avions pris cette habitude depuis quelques mois. Celle de prendre quelques minutes, quelques heures, peu importe, pour décompresser. Il ne s'agissait seulement que de simples discussions, nous parlions toujours de tout et de rien mais ces petits moments partagés étaient devenus importants pour chacun de nous.


Je n'avais parlé de ce secret à personne. Pas même à Anthony. Par égoïsme ou par peur irrationnelle qu'on ne remette en cause la décision que j'avais prise en acceptation cette situation, en acceptant la présence de Mégane de façon quasi constante, sans avoir pris le temps d'y réfléchir au préalable. Quant au bureau, la question de son remplacement, la question d'embaucher quelqu'un d'autre, revenait sans cesse. On avait déposé des tas de dossiers sur mon bureau, prononcé des tas de noms différents en me vantant les qualités professionnelles des uns et des autres. Mais je finissais toujours par répondre que je me débrouillais très bien tout seul, que je n'avais besoin de personne d'autre tout compte fait et je finissais toujours par dire qu'il était inutile de dépenser autant d'argent pour quelqu'un qui ferait un travail que je pouvais très bien assumer moi-même. Dieu merci, ils finirent par se résoudre très rapidement et les dossiers finirent eux aussi par disparaître de mon bureau.


Puis tout a commencé à changer lorsque ces petits moments partagés ensemble ne suffirent plus. Sa présence était devenue nécessaire, elle était devenue même indispensable, comme une sorte d'addiction, une chose dont je n'arrivais plus à me passer. Mes journées de travail ne se résumaient plus qu'à l'attente du moment où je pourrais enfin être seul avec elle et lui parler. Mon travail était devenu moins important pour moi qu'il ne l'était auparavant et ce n'est que bien plus tard que je le compris. C'est à partir de ce moment là que ma vie personnelle a commencé à changé elle aussi et dans ce même temps, je commençais tout juste à découvrir l'étendue des capacités du programme qu'elle avait crée. Au cours d'une de nos discussions, elle m'avait fait comprendre qu'il était possible d'implanter le programme sur pratiquement n'importe quel support. Une seule petite oreillette et elle était partout avec moi, tout le temps. Au travail, dans mon bureau, dans chacune de nos réunions et très vite, chez moi. A chaque moment de la journée, elle restait à mes côtés. Bien sûr, je ne pouvais pas toujours engager de conversations ni lui répondre mais elle était là et au cours des réunions auxquelles nous assistions désormais ensemble, je l'entendais toujours faire des petits commentaires sur les personnes qui nous entouraient. Quand elle était là, nous échangions toujours des regards et nous comprenions ce que l'autre pensait. Sa voix avaient en quelque sorte remplacer ses regards et au fond, je continuais d'imaginer à quoi ressembleraient ses gestes si elle se tenait en face de moi dans ces moments là. Et j'y parvenais sans aucuns mal.


Malgré tous mes efforts, Anthony finit par apprendre la vérité quelques semaines plus tard. J'avais pris l'habitude d'être vigilent quand je parlais à Mégane. Je prenais toujours soin de m'assurer que personne n'était dans les alentours et le soir où il comprit ce qui se passait réellement, je ne m'étais tout simplement pas attendu à sa venue au bureau. Ce soir là, il venait simplement me proposer de sortir de mon bureau, de m'éloigner de mon travail le temps d'un repas. Jusque là, c'était la seule excuse que j'avais trouvé pour justifier le fait que je ne voulais pas sortir et « être seul ». Il était entré dans le bureau sans prendre la peine d'annoncer sa présence et je n'avais tout simplement pas eu le temps de dire un seul mot, tout comme je n'avais pas eu le temps de fermer le programme avant qu'il ne passe la porte. Et avant que je n'ai le temps de répliquer quoi que ce soit, ce fut Mégane qui avait réagit, elle l'avait accueilli en prononçant son nom avec son enthousiasme habituel. J'avais relevé les yeux vers Anthony et avait observé sa réaction, la façon dont les traits de son visage étaient déformés par la surprise et le choc. En quelques mots et avec le soutien de Mégane, je lui avais expliqué le programme qu'elle avait crée et il était resté silencieux jusqu'à ce qu'il finisse par me poser une question et une seule.


« Depuis combien elle...depuis combien de temps elle te parle ? »


« Quelques semaines » avais-je avoué en prenant soin de ne pas croiser son regard de peur de n'y percevoir une déception ou pire, du reproche mais quand je me risqua à relever les yeux, je m'aperçus très vite que tout prenait un sens dans son esprit. Ma subite envie de retourner travailler. Les heures que je passais au bureau, mon refus total de sortir et surtout, la facilité soudaine que j'avais eu pour accepter la disparition de Mégane.


Quant à Mégane, elle était parfaitement capable de discuter avec chacun de nous, avec des réactions différentes. Comme avant. Elle nous avait juste avoué qu'elle serait sans doute incapable de parler à quelqu'un d'autre que nous deux puisque le programme n'avait été basé sur rien d'autre que sur de l'observation, que sur la manière dont nous avions l'habitude de nous comporter entre nous trois.


La réaction d'Anthony en ce qui concernait la découverte du programme avait été différente de la mienne et pour être honnête, je n'avais pas réussi à mettre de mots sur ce qu'il pouvait ressentir. Il parlait à Mégane quand l'occasion se présentait mais il n'avait jamais demandé à lui parler seul à seul et j'avais beau y réfléchir encore et encore, je ne comprenais pas sa réaction. Lui et Mégane avaient toujours eu pour habitude de parler pendant des heures et elle nous répétait toujours qu'elle nous considérait comme sa famille, comme des personnes sur lesquelles elle pouvait compter, peu importe ce qui se passerait. Et maintenant qu'elle était avec nous, il refusait en quelque sorte d'échanger plus que quelques mots de temps à autre et par dessus tout, quand nous parlions de Mégane, il continuait de parler d'elle au passé, comme si pour lui, tout cela ne changeait rien. Mais pour moi, c'était différent.


Les choses prirent une nouvelle tournure pour moi dans les semaines qui suivirent. Pour être exact, les choses changèrent en une seule soirée, que je n'oublierais probablement jamais. La journée avait été difficile. J'avais du assister à beaucoup de réunions qui s'étaient toutes terminées en échec et quand je pensais très sérieusement que les choses ne pouvaient pas être pire, on m'avait convoqué pour me faire comprendre que je devais me remettre au travail, très vite. Que nos associés commençaient à douter de mon entreprise et que je devais remédier à la situation aussi vite que possible. Ce soir là, je m'étais réfugié dans mon bureau, appuyé contre le dossier de mon siège en cuir et j'étais resté silencieux, absorbé dans mes pensées jusqu'à ce que la voix de Mégane ne brise le silence.


«Samuel ? » demanda-t-elle presque timidement, comme si elle avait peur d'interrompre mes pensées.


«Mégane! Est-ce que tout va bien ? »


Le son de son rire se répercuta dans la pièce, ce même rire qui avait le don de me faire sentir mieux, en quelques secondes seulement. Elle avait toujours su comment me faire sourire, comment me rassurer, sans même être forcée de dire quoi que ce soit. Et elle était probablement la seule personne à qui je pouvais me confier librement, sans me retenir. Les choses étaient identiques aujourd'hui pour cela aussi.


« Je vais bien. Enfin, je veux dire, bien sûr que je vais bien. Est-ce qu'un programme peut ne pas aller bien ?! En dehors des virus, je veux dire, parce que ça, ça serait vraiment un problème. »


J'esquissa un sourire en même temps que je songeais vaguement à ce qui pourrait se produire si un virus venait à s'introduire dans le programme. Mais j'imagine qu'elle avait déjà songé à cette possibilité. Elle pensait toujours à tout et cette question n'avait pas du lui échapper.


« Est-ce que tu veux qu'on en parle ? La journée a l'air d'avoir été...difficile » reprit-elle.


« Qu'est-ce qui te fait dire ça ? »


« Ton stylo ».


« Mon... » commençais avant de me rendre que je tapotais nerveusement mon stylo contre le coin de la table.


« Tu fais toujours ça quand quelque chose te tracasse alors... »


Je laissais retomber le stylo contre le bureau et me leva du siège avant de faire quelques pas dans la pièce.


« Le travail. Rien qui ne puisse pas s'arranger »


Elle resta quelques minutes silencieuse avant de reprendre le cours de la conversation.


« Tu sais, je sais qu'on a pas encore parlé de ça mais ça doit être étrange pour toi de... de me parler, je veux dire, sans me voir. Peut-être que ça serait plus facile si tu me voyais »


« Qu'est-ce que tu veux dire ? »


« Il y a une chose dont je ne t'ai pas encore parlé » avoua-t-elle. « Quelque chose qui rendrait tout ça un peu plus ... réel »


« Un peu plus réel ? »


Si ses réponses étaient toujours immédiates après l'une de mes questions, ça ne fut pas le cas cette fois-ci.


«Mégane ? »


« Il y a...Il y a un boitier noir dans le tiroir de mon bureau. Va le chercher et je te dirai quoi faire »


Je ne pris pas le temps de lui demander plus de détail et en quelques secondes seulement, j'avais passé la porte de son bureau et était revenu, le boitier entre les mains. Ca ne ressemblait à rien de ce que j'avais pu voir auparavant.


« Pose le par terre et allume-le » m'indiqua-t-elle quand elle comprit que j'étais de retour.


Je m'exécuta aussitôt sans poser de question et à peine avais-je appuyé sur le bouton qu'une lumière issu du boitier illumina une partie de la pièce. Si au départ je ne compris pas ce qui passait devant moi, je ne tarda pas à le réaliser. Au bout de quelques secondes, ce n'était plus une lumière pâle qui se tenait devant moi, mais Mégane, une version d'elle du moins, légèrement transparente, comme une sorte d'apparition. Incapable de dire un mot, je l'observais, étudiais chacun de ses traits comme lorsque vous n'avez pas vu une personne depuis tellement longtemps que vous cherchez par tous les moyens à observer chaque partie de son visage. Elle portait l'une des robes qu'elle portait toujours, ses cheveux blonds légèrement bouclés retombaient sur ses épaules et ses lèvres étaient colorés par le même rouge à lèvre qu'elle avait pris l'habitude de mettre au bureau. Par dessus tout, je remarquais qu'il ne s'agissait pas simplement d'une sorte d'image, d'apparition, appelez ça comme vous voulez. Elle pouvait littéralement bouger et se déplacer. Sa poitrine s'élevait et s'abaissait au fur et à mesure qu'elle semblait respirer et elle dandinait sur ses pieds, de la même façon que Mégane le faisait lorsqu'elle était mal à l'aise.


« Est-ce que...Est-ce que ça rend encore plus étrange ? »


« Mégane, je... »commençais-je avant de m'interrompre, incapable de prononcer un autre mot.


« Je sais que ça doit te paraître plus que fou et...enfin, je sais que je suis...morte. Anthony parle toujours de moi au passé et je suis à 99,99% sûre que ce n'est surement vraiment pas recommandé pour ce qui est du processus du deuil mais... mais c'est une autre possibilité que le programme offrait au cas où je devrais m'absenter...juste m'absenter » dit-elle en faisant quelques pas jusqu'à ce qu'elle se rapproche du canapé.


Je la suivais du regard et à ce moment là, si je n'étais pas capable de voir le canapé en légère transparence derrière elle, je pourrais vous jurer que c'était Mégane et pas juste une autre version d'elle qui se tenait devant moi. Et pour être honnête, je savais que les mots que Mégane venaient tout juste de prononcer étaient vrai, on ne peut plus vrai. Je savais déjà que j'allais commencer à m'habituer à sa présence physique et je savais déjà que ce n'était pas la bonne décision à prendre, que la raison aurait voulue que je m'arrête au son de sa voix. Mais la raison n'avait plus la moindre importance. Plus maintenant.


« Alors... » reprit-elle quand elle se rendit compte que je restais complètement muet « Est-ce que tu veux qu'on parle ? »



Avertir Anthony de cette découverte était inconcevable. Il avait accepté la première situation avec plus ou moins de recul mais je savais qu'il refusait cette dernière possibilité. Et je ne voulais pas qu'il l'apprenne. Mais j'imagine que j'aurais du savoir qu'il allait finir par l'apprendre et il fut au courant très peu de temps après que l'ai découvert, quelques jours à peine plus tard. En entendant la porte de mon bureau s'ouvrir, j'avais éteint le boitier, en faisant disparaître Mégane. Trop tard. Les yeux d'Anthony avaient parcouru la pièce tandis que je retournais à mon bureau en faisant mine de m'intéresser à l'un des nombreux dossiers qui y étaient entassés.


« Qu'est-ce qui se passe ici ? » me demanda-t-il directement, sans prendre la peine de dire quoi que ce soit d'autre. J'haussai nonchalamment les épaules avant de répondre


«Qu'est-ce que tu veux dire par « qu'est-ce qui se passe ? Je travaille juste sur quelques dossiers, rien de ... »


« Je ne parle pas de ça » m'interrompa-t-il presque aussitôt « Je jurerais avoir aperçu...Mégane...ici »


Je ferma les yeux quelques secondes. Je cherchais comment trouver une réponse, une excuse mais je n'en trouva aucunes. Alors pour la première fois depuis longtemps, je pris la décision d'être honnête.


« C'est une partie du programme ».


« Alors maintenant, quoi ? Elle peut...se projeter ? »


« Oui » répondis-je simplement et je notais que Mégane, contrairement à son habitude, était restée silencieuse depuis qu'Anthony avait passé la porte.


Je relevais suffisamment longtemps les yeux pour voir Anthony soupirer et pour la première fois je me rendis compte à quels point ses traits étaient tirés. Pas seulement par la fatigue mais aussi par la douleur, celle que j'avais choisi d'ignorer en me préoccupant seulement de la mienne.

« Tu ne peux pas continuer comme ça Samuel » finit-il par dire en croisant mon regard.


« Qu'est-ce que c'est censé vouloir dire ? » lui demandais-je plus froidement que je ne l'aurais voulu.


« Mégane a toujours eu des bonnes idées mais celle-là n'en fait pas partie. Je sais qu'elle te manque, elle me manque à moi aussi, mais ce n'est pas comme ça que les choses sont censées se passer. Elle est morte Sam' et il faut que tu l'acceptes. Il faut que tu avances »


« Avancer ? Avancer ?! Comment est-ce que je pourrais avancer alors qu'elle est... » dis-je en m'interrompant suffisamment tôt pour ne pas avoir à prononcer le mot que je refusais obstinément de prononcer.


« Tu dois la laisser partir. Il faut que tu la laisse partir. Elle lui ressemble peut-être et elle parle peut-être comme elle, mais ça » dit-il en pointant l'ordinateur du doigt «  ce n'est pas elle, Samuel, ce n'est qu'un programme ».


« Je ne peux PAS la laisser partir ! »


Anthony s'interrompit quelques secondes le temps de se recomposer et en l'observant, je savais qu'il cherchait comment me dire autre chose.


« Je sais que tu ne pas aimer ce que je vais dire, Samuel, mais il serait peut-être temps de supprimer ce programme ».

  • J'adore ! J'adore la connexion entre Samuel et Megane !
    Cela me rappelle "Ps I love you" la façon d'être toujours présent malgré la mort ...

    J'ai bcp aimé !

    · Il y a presque 10 ans ·
    Capture d  cran 2013 08 21   14.37.53 150

    heartthrob

    • Merci pour ton commentaire, c'est très gentil =)
      Je n'ai jamais vu "Ps I love you" mais je vais penser à le regarder ^^

      · Il y a presque 10 ans ·
      10733969 679278145513248 3825442979554396139 n

      Laura

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