Nirvâna blanc

Aurélia Demarlier

   Devant mes yeux, s'étendait un nirvâna de blanc. Comme si des milliers de cygnes s'étaient regroupés pour mourir, couvrant le paysage de leurs plumes vaporeuses.

   Tout ce blanc… C’était… la couleur du paradis. La couleur des âmes paisibles ayant trouvé le repos. Le paysage n’avait plus de frontières. Le ciel et la terre partageaient la même blancheur cygnéanne, exhalaient un doux parfum de pureté. La neige semblait avoir tout englouti : la noirceur du bitume, les contours des maisons, la misère humaine. Ne subsistaient que les arbres qui ornaient fantomatiquement le lointain, telles des roches nimbées de brume. Tout cela était si beau, si reposant...

   Il ne manquait qu’une chose pour que la féérie soit parfaite, pour que je me sente réellement propulsée au royaume des âmes paisibles. Il manquait une douce chaleur qui aurait rendu ce blanc étincelant. La chaleur d’un regard. Et ce regard aurait été le tien. Oui, tout cela était trop beau pour n’être vu que par mes yeux. Si tu avais été à mes côtés, je me serais définitivement crue au paradis.

   Mais j’étais seule, et la neige sous mes semelles prenait une teinte beigeasse. Tout ce blanc, c’était l’incarnation de ton absence, le spectre blême du manque. Toute cette beauté, c’était une morsure pour mes yeux. Il manquait à ce paysage une voix qui s’en serait émerveillée, un impact dur et froid qui m’aurait percutée, et mes mains plongeant dans ce lac blanc pour façonner un autre projectile, et des rires en cascade et de l’eau sur mes cheveux. Ce paysage était d’un blanc bien trop sage, comme un rêve en sursis.

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